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Dieu a-t-il créé des êtres extraterrestres ?

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Fr. Guy Consolmagno, sj - publié le 19/02/21
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L’Église ne se prononce pas sur l’existence d’une vie intelligente extraterrestre mais elle ferme d’autant moins la porte à cette possibilité qu’elle affirme l’existence des anges. Dans la tradition biblique, rien n’est impossible à Dieu et l’Homme sait qu’il ne sait pas tout. L’existence possible d’une vie extraterrestre renvoie tout d’abord aux personnes — parfois chrétiennes — qui disent avoir vu des extraterrestres. Il faut être clair sur le fait qu’il s’agit, la plupart du temps, de gens ayant été en contact avec des « médiums », ou alors de personnes ayant le pouvoir de communiquer avec le monde paranormal. Ces personnes peuvent être classées en deux catégories : celles qui entretiennent des relations avec les démons — c’est-à-dire qu’il ne s’agit ni d’extraterrestres, ni de morts, mais d’esprits mauvais — et celles qui ne sont que des charlatans. Ces derniers, pour le coup, sont assez faciles à reconnaître car ils attirent les foules et gagnent de l’argent en abusant de la crédulité des gens.

Une hypothèse recevable

L’Observatoire du Vatican n’exclut pas l’existence d’une vie intelligente extraterrestre. Sur ce sujet, il me faut citer mon supérieur, le père José Funes, directeur de l’Observatoire du Vatican, qui, le 13 mai 2008 dans le journal du Saint-Siège l’Osservatore Romano, a publié une interview dans laquelle il déclarait : « Selon moi, cette possibilité (celle de l’existence d’une vie extraterrestre intelligente) existe. Les astronomes estiment que l’univers est formé de centaines de milliards de galaxies, chacune étant composée en moyenne de 100 milliards d’étoiles. Beaucoup de celles-ci — presque toutes, peut-être — pourraient avoir des planètes. Comment peut-on exclure que la vie se soit aussi développée ailleurs ? » Il explique ainsi qu’il y a une branche de l’astronomie, l’astrobiologie, qui étudie justement cet aspect et qui a fait beaucoup de progrès ces dernières années. De fait, en examinant les spectres de la lumière issue des étoiles et des planètes, on pourra bientôt identifier les éléments de leur atmosphère trahissant des conditions favorables à la vie — les biomarqueurs — en particulier l’existence de l’eau. Notons qu’une planète est dite potentiellement habitable si on peut montrer qu’il existe de l’eau à sa surface et si on estime que la température moyenne et la pression atmosphérique permettent que cette eau y soit présente à l’état liquide. S’il y a de très nombreuses planètes pour lesquelles le deuxième critère est vérifié, il y en a beaucoup moins pour le premier critère. 

Une possibilité purement théorique

Par ailleurs dire qu’une planète est potentiellement habitable ne veut bien sûr pas dire qu’il y a de la vie (c’est-à-dire que des organismes puissent se développer et se reproduire). Pour vérifier cela, il faudrait qu’une sonde puisse faire le tour de ce type de planètes et puisse renvoyer sur Terre des données mesurées. Mais comme ces planètes sont (sauf exceptions) à plus de 100 années-lumière, il faudrait attendre plusieurs millénaires avant d’avoir une réponse, si on envoyait une telle sonde ! La question de l’existence d’individus vivant sur une exo-planète et ayant une « intelligence » est donc a priori purement théorique, mais elle est néanmoins intéressante car elle nous invite à réfléchir sur la Création.

Déjà en 1277, l’archevêque de Paris, Mgr Etienne Tempier, a condamné la proposition de la tradition aristotélicienne selon laquelle la cause première qu’est Dieu n’aurait pas pu créer de nombreux mondes.

La tradition de l’Église ne s’oppose pas à l’existence d’une telle vie. Déjà en 1277, l’archevêque de Paris, Mgr Etienne Tempier, a condamné la proposition de la tradition aristotélicienne selon laquelle la cause première qu’est Dieu n’aurait pas pu créer de nombreux mondes. Une manière, déjà à l’époque, d’ouvrir la porte à l’existence de réalités et de vies extraterrestres. Néanmoins, il faut bien se rendre compte qu’au sujet de la vie extraterrestre nous sommes aujourd’hui à peu près dans la même position qu’un Christophe Colomb ou un Fernand de Magellan qui s’enfonçaient au-delà des mers connues vers tant et tant de mare incognitae… Pour ma part, j’ai l’intuition, même si je ne peux pas le prouver, que tôt ou tard les hommes découvriront qu’il y a d’autres créatures intelligentes quelque part dans l’univers.

D’autres créatures, bien réelles

La première grande conséquence de la question de l’existence d’une vie extraterrestre est qu’elle est l’occasion de se rappeler que Dieu n’a pas seulement créé l’homme. Il existe en effet dans l’univers d’autres type de créatures bien connues des croyants, qui sont également en relation avec Dieu et capables de faire le bien et le mal. Ces créatures se sont les anges évidemment. L’Écriture parle beaucoup des anges qui sont de purs esprits, libres d’aimer Dieu ou pas. Voici ce que dit le Catéchisme de l’Eglise catholique à leur sujet : « L’existence des êtres spirituels, non corporels, que l’Écriture Sainte nomme habituellement anges, est une vérité de foi. Le témoignage de l’Écriture est aussi net que l’unanimité de la Tradition. Saint Augustin dit à leur sujet : “Ange désigne la fonction, non pas la nature. Tu demandes comment s’appelle cette nature ? Esprit. Tu demandes la fonction ? Ange. D’après ce qu’il est, c’est un esprit, d’après ce qu’il fait, c’est un ange” (cf. Sermon sur le psaume 103). De tout leur être, les anges sont serviteurs et messagers de Dieu. Parce qu’ils contemplent “constamment la face de mon père qui est aux cieux” (Mt 18, 10), ils sont “les ouvriers de sa parole, attentifs au son de sa parole” (Ps 103) » (CEC, n. 328). Mais certains anges, qui furent tous créés par Dieu pour être bons et aimer Dieu, devinrent mauvais et se retournèrent contre leur créateur. Ces anges rebelles sont les anges déchus.

Les auteurs sacrés sans les préjugés des modernes

Pour certains, trois passages des Écritures évoqueraient une vie extraterrestre, mais ce ne sont pas des hypothèses très sérieuses. D’aucuns citent un passage de l’Évangile en Jean 10, 16 : « J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie ; celles-là, il faut que je les amène ; elles entendront ma voix, et il y aura un seul troupeau, un seul berger. ».Si cette évocation ne semble pas convaincante, il y a également ce passage pour le coup réellement étrange et mystérieux au début du livre de la Genèse au chapitre 6 où il est fait mention de ces créatures appelées « fils de Dieu » s’emparant des femmes des humains. Ou encore ce passage dans le livre des Hébreux (11, 3) qui dit : « Par la foi, nous comprenons que les mondes ont été formés par une parole de Dieu, de sorte que ce que l’on voit provient de ce qui n’est pas apparent. » Mais toutes ces interprétations ne sont pas des plus sérieuses…


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Les auteurs antiques de la Bible semblaient à l’aise avec l’idée que d’autres êtres intelligents puissent exister. Cette hypothèse trouvait sa place dans la conception du monde des Hébreux à deux réserves près. Premièrement, que ces créatures soient l’objet de la création de Dieu et dépendent de Lui. Deuxièmement, que rien à leur sujet ne contredise l’idée que ce Dieu qui a créé toutes ces créatures puisse avoir avec elles une relation personnelle et que cela ne remette pas en cause l’amour d’élection que Dieu porte au peuple d’Israël. En réalité, ce n’est qu’à partir des philosophes des Lumières, au XVIIIe siècle, que commence à prévaloir le scepticisme à propos de l’existence d’autres créatures dans l’Univers. Aujourd’hui encore, l’étude scientifique d’une vie extraterrestre dans l’univers doit âprement lutter pour surmonter les préjugés de notre culture moderne selon lesquels les spéculations sur les extraterrestres ne sont rien d’autre que des histoires un peu folles.

La capacité créatrice de Dieu

Dieu n’est pas dans l’univers, il est surnaturel. Dieu existait avant la création de l’univers. Il existe en dehors du temps et de l’espace. Toute création est un acte délibéré d’amour d’un Dieu qui, lui, est en dehors de l’espace et du temps. Aussi, il ne faut pas avoir peur de la découverte d’une vie extraterrestre qui ne remettrait en rien en cause la grandeur de Dieu mais soulignerait, bien au contraire, sa capacité créatrice. À ce sujet, le père José Funes toujours dans l’Osservatore Romano déclarait : « Tout comme la multitude des créatures sur Terre, il pourrait y avoir d’autres êtres, même des êtres intelligents crées par Dieu. Cela ne contredit pas notre foi, car nous ne pouvons pas poser de limites à la liberté créatrice de Dieu. » La science moderne nous fascine quand elle dévoile l’immensité inimaginable de l’univers créé par Dieu.

La question du péché originel

Le père Funes, à nouveau, avait déclaré dans son entretien : « Est-il possible pour Dieu d’avoir créé des mondes multiples, certains déchus d’autres pas ? Oui. Avons-nous la moindre preuve qu’il l’a fait. Non. Si une vie existe encore faut-il qu’elle soit intelligente et qu’elle ait une âme… Si c’est le cas se posera immanquablement la question fondamentale du péché originel. Ernan Mc Mullin (1924-2011), prêtre et professeur de philosophie à l’université Notre-Dame, physicien de surcroît, en a même conclu que cela pousserait les théologiens à revoir leur conception originelle. Le péché originel peut-il être un évènement qui ait affecté tous les êtres intelligents ? Comment a-t-il pu y avoir un péché originel humain qui concernerait en réalité toutes les créatures de l’Univers ? » Au Moyen Âge, une croyance largement répandue tenait qu’il existait sur toute la Terre une bande d’impénétrabilité séparant la partie septentrionale de la Terre de ce que l’on appelait alors « les antipodes ». Quelques théologiens ont soulevé la question de savoir si ces personnes qui vivaient de l’autre côté de cette ligne de démarcation avaient besoin de la rédemption du Christ. En guise de réponse, saint Zacharie, pape de 741 à 752 a pour l’essentiel évité le débat. Il a tout simplement refusé de spéculer sur d’autres êtres humains qui ne seraient pas de vrais descendants d’Adam. Ce qui était important pour lui, c’était d’éviter d’introduire des nouveautés par rapport aux dogmes de l’Église qui insistent sur l’unité de tout le genre humain, que la science confirme aujourd’hui.

La Rédemption pour tous les êtres libres

Un peu plus loin dans son interview, le père Funes poursuit : « Par ricochet, la même question se pose au sujet du Salut… Comment le Salut a-t-il pu entrer dans le monde entier en Jésus ? Comment le mystère de la rédemption peut-il concerner le monde entier alors que Jésus s’est incarné ? À ceci, je répondrais — même si je ne suis pas théologien — qu’il est tout à fait possible que Dieu se soit également incarné pour le Salut d’une intelligence extraterrestre. Le contraire donnerait raison à Thomas Paine (1737-1809) qui utilisa le caractère inévitable de la vie humaine dans d’autres mondes pour se moquer de la foi chrétienne. Il en venait à se demander s’il n’y avait pas eu beaucoup d’incarnations, tellement que « la personne qui est irrévérencieusement appelé le fils de Dieu… n’auraient rien d’autre à faire que de voyager de monde en monde ». À la fin de ce genre de discussion, lorsque les gens me demandent si je baptiserais un extraterrestre, ma réponse est ainsi toujours : « Bien sûr, s’il me le demande ! » Car, dès qu’il y a de la liberté, il y a la possibilité de péché. Pourquoi cela ne marcherait pas pour une vie extraterrestre ?


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