Cela fait deux ans que l’on ne l’entend plus résonner. L’orgue de la cathédrale Notre-Dame de Reims, qui a accompagné le sacre d’une dizaine de rois de France, doit être prochainement restauré.C’est une bonne nouvelle pour les amateurs de musique. L’orgue de la cathédrale de Reims, qui ne chantait plus depuis deux ans en raison de son essoufflement, va bientôt faire résonner à nouveau ses 8.000 tuyaux. Mais pour cela, il faudra avoir encore un peu de patience. Le chantier, qui devrait durer quatre ans, vient tout juste de commencer, ce 3 février, a confirmé à Aleteia, Pascal Quoirin, le facteur d’orgue choisi pour le mener à bien. “Les échafaudages vont être installés durant deux mois puis nous commencerons à démonter l’instrument”.
Témoin des plus grands sacres, l’histoire de l’orgue de la cathédrale de Reims remonte au XVe siècle. Agrandi et restauré au fils des siècles, son apparence change et sa mécanique évolue, s’adaptant aux modes de son époque. Totalement reconstruit au XVIIe siècle avec des éléments de l’ancien buffet médiéval, il adopte enfin l’apparence qu’on lui connaît aujourd’hui. Parmi les organistes qui ont connu l’instrument à son heure de gloire, on citera Nicolas de Grigny, l’un des plus grands organistes français dont l’unique Livre d’orgue, publié en 1699, sera entièrement recopié de la main de J.S Bach alors qu’il n’avait que 28 ans. Preuve de l’admiration qu’il portait à ce brillant organiste, titulaire des orgues de la basilique de Saint-Denis et de Notre-Dame de Paris avant de rejoindre Reims.
Victime des bombardements allemands
Mais l’histoire mouvementée de l’orgue ne s’arrête pas là. Le 19 septembre 1914, la cathédrale de Reims est bombardée par l’armée allemande. Un drame qui retentit au-delà des frontières. La charpente s’enflamme, s’effondre, entraînant dans sa chute des dégâts intérieurs. Des sculptures sont brisées, une grande partie du mobilier comme les tambours et les stalles du XVIIIe siècle, le tapis du sacre de Charles X ou encore le trône archiépiscopal sont en cendres. Les objets liturgiques et le Trésor sont heureusement sauvés mais parmi les victimes il y a l’orgue, qui lui a lourdement souffert.
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Le démontage spectaculaire des 8000 tuyaux de l’orgue de Notre-Dame
Pour pallier aux dégâts occasionnés, on fait appel en 1937 au facteur d’orgue Victor Gonzalez pour engager toute la reconstruction de la partie mécanique. Mais ce dernier est invité à travailler vite et n’a donc que deux ans pour réaliser ce nouvel orgue. Les mauvaises conditions de travail entraînent naturellement une remise en état quelque peu bâclée et explique, aujourd’hui, que l’orgue se soit essoufflé si vite. Malgré ses faiblesses, l’instrument imaginé par Gonzalez est novateur et bien loin des esthétiques alors à la mode à cette époque. S’éloignant du goût romantique encore en vogue au début du XXe siècle, Gonzalez propose un orgue nouveau de style “néo-classique”. Un style qui séduit immédiatement de nombreux organistes et compositeurs tels que Jehan Alain, Messiaen ou encore Duruflé. Si les effets sonores sont encore discutables chez les organistes, l’orgue de la cathédrale de Reims fait figure d’ovni et marque un tournant indéniable dans l’histoire de la facture d’orgue française.
Les 8.000 tuyaux vont être démontés un à un
“Ce travail de remise en état va être considérable”, précise Pascal Quoirin. “Les 8.000 tuyaux vont être démontés un à un”. Un chantier colossal qui nécessitera l’investissement d’une dizaine personnes. Objectif ? Restaurer toute la partie mécanique et redonner au buffet son lustre d’antan. Ce dernier, en bon état, est seulement encrassé. Un bon nettoyage permettra de redonner toute sa brillance au vernis d’origine qui date du XVIIe siècle. Quelques petites sculptures endommagées vont également être remises à neuf. “En attendant la pose de l’échafaudage, nous faisons un gros travail de diagnostic”, précise le facteur d’orgue. “Nous prenons des mesures, élaborons les étapes.”
La réhabilitation, qui va durer environ quatre ans, va coûter 3.4 millions d’euros. 36% seront financés par la société des Amis de la cathédrale. Le reste sera financé par l’État, des donateurs privés et des mécènes.