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Enlèvements au Nigeria : “Payer une rançon, c’est mettre tous les chrétiens en danger”

Mgr Ignatius Kaigama, archevêque d’Abuja (Nigéria).

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Grace Attu - AED - publié le 03/02/21
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Au Nigéria, les enlèvements et actes de violence perpétrés régulièrement contre les prêtres et les religieuses sont de plus en plus préoccupant. Mgr Ignatius Kaigama, archevêque d’Abuja, en témoigne.C’était fin décembre 2020. Pour la première fois dans l’histoire de l’Église catholique au Nigéria, un évêque – Mgr Moses Chikwe, évêque de l’archidiocèse d’Owerri – était enlevé par des individus en armes et détenu pendant plusieurs jours. Quelques jours auparavant, le père Valentine Ezeagu, prêtre de la congrégation des Fils de Marie Mère de Miséricorde, subissait le même sort avant d’être libéré 36 heures plus tard. En novembre, le père Matthew Dajo, prêtre de l’archidiocèse d’Abuja, était lui aussi enlevé et libéré après dix jours de captivité. Mi-janvier, ces enlèvements ont franchi un degré supplémentaire dans l’horreur quand on a appris qu’un prêtre du diocèse de Minna, le père John Gbakaan, avait été enlevé et tué le lendemain.

Dans un entretien accordé à l’Aide à l’Église en Détresse (AED), Mgr Ignatius Kaigama, archevêque d’Abuja, la capitale du Nigéria, qualifie la situation de “maladie qui se propage sans qu’aucun effort significatif ne soit fait pour y mettre fin”. Le prélat souligne que “cela fait longtemps que des enlèvements se produisent au Nigéria, que les gens pensaient que cela n’arriverait pas à des chefs religieux. Maintenant que cela se produit, c’est une nouvelle marquante”. Mgr Kaigama souligne que s’il est très triste que les chefs religieux du pays soient enlevés et tués, d’autres Nigérians subissent le même sort : “Ils sont ce que j’appellerais des victimes silencieuses, et ils sont nombreux”.

Le fait que nos forces de sécurité ne soient pas en mesure d’identifier ces personnes est déconcertant et suggère qu’elles ne font pas beaucoup d’efforts pour assurer la sécurité.

S’exprimant à propos des auteurs des crimes, Mgr Kaigama note que “les termes de “terroristes, bandits, hommes armés” ont été utilisés indistinctement pour décrire ceux qui sont derrière ces enlèvements, mais leur identité n’est pas connue avec certitude”. L’archevêque déplore que des centaines, voire des milliers de personnes soient tuées dans différentes parties du pays, et que rien de concret ne soit fait contre cela. “Le fait que nos forces de sécurité ne soient pas en mesure d’identifier ces personnes est déconcertant et suggère qu’elles ne font pas beaucoup d’efforts pour assurer la sécurité”, déplore le prélat. “Cela continue encore et encore, et on nous raconte toujours la même histoire”, dénonce-t-il.


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Mgr Kaigama estime que ces enlèvements ont plusieurs motifs. Certains sont des enlèvements crapuleux perpétrés par des criminels qui “ne cherchent que de l’argent rapide, qui retiennent les gens en otage et demandent une rançon de millions de nairas (1 million de nairas, l’équivalent de 2.150 euros, ndlr)”. D’autres sont le fait de fondamentalistes religieux qui cherchent l’expansion territoriale “pour conquérir ceux qu’ils considèrent comme des infidèles, et les chrétiens sont les premiers sur leur liste. Ils attaquent et tuent également les musulmans qui ne professent pas le même culte qu’eux”, explique-t-il. Enfin, l’archevêque pointe du doigt ceux qui ne sont que des fanatiques religieux : “Ils ont oublié ce qu’ils veulent, mais ils redoublent d’efforts pour tuer et détruire”.

Ils attaquent là où les répercussions sont les plus fortes, et c’est ce qu’ils font en attaquant les prêtres catholiques et les religieuses.

L’Église catholique nigériane se distingue par sa visibilité, sa respectabilité et est reconnaissable dans le pays, “si bien que les criminels, les bandits ou quel que soit leur nom, sont conscients que lorsqu’ils s’en prennent à un prêtre ou à une religieuse catholique, cela devient rapidement une nouvelle, et ils croient que cela forcera le gouvernement à les prendre au sérieux”, ajoute Mgr Kaigama. “C’est une stratégie terroriste”, lance-t-il. “Ils attaquent là où les répercussions sont les plus fortes, et c’est ce qu’ils font en attaquant les prêtres catholiques et les religieuses”.

Le refus des rançons

En ce qui concerne les rançons exigées, parfois des millions de nairas, archevêque d’Abuja précise la position de l’Église sur la question : “Nous, évêques du Nigéria, avons approuvé à l’unanimité en Conférence épiscopale et avons clairement indiqué que nous ne payions pas de rançons. Lorsqu’un prêtre est enlevé, il indique clairement que son Église ne paie pas de rançon”.

Payer une rançon, c’est mettre chaque personne en danger, en faire un objet de négoce potentiel. Cela mettrait en danger tous les prêtres, les religieuses et collaborateurs de l’Église”

“Payer une rançon, c’est mettre chaque personne en danger, en faire un objet de négoce potentiel. Cela mettrait en danger tous les prêtres, les religieuses et collaborateurs de l’Église qui se déplacent continuellement entre les villages, sans jouir d’aucun confort, mais en étant toujours prêts à se sacrifier pour l’amour de Dieu et de son peuple, car cela encourage la criminalité et invite les ravisseurs à faire encore plus de mal”, affirme-t-il.

Une utilisation défectueuse de l’argent

Mgr Kaigama affirme qu’il est urgent que le gouvernement nigérian s’attaque à cette situation en formant des agents de sécurité afin qu’ils agissent plus efficacement. “À ce stade, on pourrait s’attendre à ce qu’avec tout l’argent géré par les politiciens, le gouvernement investisse davantage dans l’achat d’équipement sophistiqué pour poursuivre les criminels”, argumente-t-il. “Malheureusement, les agents de sécurité gagnent très peu et doivent faire face à des criminels qui ont des armes plus sophistiquées et finissent par les vaincre et les tuer”, regrette-t-il. “Il y a des gens qui sont enlevés pendant des années, par exemple des jeunes filles à Chibok, dont Leah Sharibu et beaucoup d’autres, et ici, nous finissons par trouver ça normal”. C’est pourquoi il faut “un changement d’attitude”, car de nombreux obstacles doivent être surmontés afin de trouver une solution durable au problème.

“Nous ne faisons pas un bon usage de ce que nous avons : même si de l’argent est dépensé pour acheter de l’équipement de sécurité, l’argent est perdu dans le processus, et quand vous l’achetez, il est défectueux. Le gouvernement doit bien utiliser l’argent et s’occuper des agents de sécurité qui sont en première ligne contre ces criminels, et ensemble, nous devons faire un effort plus déterminé pour les combattre”, conclut-il.

Le Nigeria est un pays prioritaire pour l’AED. En 2019, 121 projets y ont été financés, dont des projets de formation des prêtres, de construction d’églises et d’aide d’urgence.



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