Joe Biden est le président de l’Amérique d’avant. Par son âge, par sa formation, par son positionnement politique, il représente l’ancienne génération des élus démocrates. Il a quatre ans pour régler les problèmes de l’Amérique d’aujourd’hui, dans un pays fracturé.
Donald Trump a toujours été présenté par les commentateurs comme le président de l’Amérique d’avant, celle des Wasps et des petits Blancs qui refusaient le multiculturalisme et le melting pot de l’Amérique d’aujourd’hui. Sur un autre registre, on peut en dire autant de Joe Biden. Né en 1942 sous Roosevelt, débutant la politique dans les années 1960 sous Kennedy et Johnson, élu sénateur pour la première fois en 1972 sous Richard Nixon, Joe Biden est un vestige de l’Amérique d’autrefois, celle de la Guerre froide et de l’American way of life. À 78 ans, il est le président élu le plus âgé, preuve que le parti démocrate n’a pas réussi à renouveler ses cadres et, tout en tentant de s’allier avec le mouvement progressiste contemporain, est resté ancré dans les mentalités politiques d’autrefois.
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Unir un pays divisé
Le nouveau président est un démocrate bon teint, un centriste qui n’a pas l’extrémisme économique d’un Bernie Sanders ou le délire progressiste des mouvements universitaires. Par sa pensée, par son référentiel politique et sa façon de s’habiller il est typiquement Ivy league. Ainsi s’appelle le regroupement des universités de la côte Est, établissements qui fournissent les élites américaines en droit, en économie et en politique. Biden a d’abord été choisi pour faire barrage à Sanders et ensuite à Trump. Il n’en reste pas moins un président affaibli avant même son investiture, qui laissera probablement la place au pouvoir de l’administration.
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Les soupçons de fraude pèseront tout au long de son mandat, au moins pour une partie de l’électorat qui, à tort ou à raison, ne démordra jamais sur la conviction que l’élection leur a été volée. Son âge l’empêche de se représenter, ce qui signifie que la campagne pour 2024 est d’ores et déjà lancée. Le pays est fracturé d’une part par la violence du mouvement Black lives matter, qui s’en est pris aux centres-villes de nombreuses cités et qui impose un terrorisme intellectuel dans plusieurs universités, et par le refus d’une autre partie de l’électorat du nouveau président. L’Amérique démocrate n’en a pas fini avec le trumpisme, même si Trump se retire. Plutôt que de condamner les manifestants du Capitole, comme pour mieux ignorer leur existence, Biden et son équipe seraient plus avisés de se demander pourquoi cette manifestation a eu lieu et comment recréer une unité civique dans un pays qui en manque. Il ne suffira pas d’accuser le complotisme et les réseaux sociaux, qui demeurent le symptôme et le thermomètre du problème, mais non pas son origine.
Dans un film perpétuel
L’Amérique a besoin de défis. Elle a toujours douté d’elle-même, elle se perçoit toujours comme déclassée, avec cette nécessité quasi vitale de revenir, de faire un come back. C’était déjà la volonté de Roosevelt, puis de Kennedy, de Nixon et de Reagan, avant Trump. Cette nation du cinéma se vit dans un film perpétuel, avec des mises en scènes dont la réalité dépasse très souvent la fiction. Déjà le story telling a été écrit autour de Biden pour montrer sa survie face aux épreuves et sa volonté de toujours se relever : l’accident de voiture dans lequel sont décédés sa première épouse et ses enfants, le cancer brutal de son fils, et son expérience du pouvoir aux côtés d’Obama. L’Amérique a besoin de rêves, ce que Trump a su donner à une partie de la population, même si pour l’autre partie il fut un cauchemar. Pas sûr que Biden avec ses trous de mémoire et ses confusions mentales ne fassent rêver très longtemps.
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Pour tous ceux qui furent effrayés par l’élection de Trump en 2016, c’est enfin un retour à la normale. Ils ne pourront néanmoins pas occulter qu’il est passé de 63 millions de voix en 2016 à 74 millions en 2020 et que 20% des Noirs ont voté pour lui, un record pour un candidat républicain. Trump rêve de revenir en 2024 et d’autres rêvent avec lui. Il aura l’âge de Biden aujourd’hui. Comme si au milieu de ses difficultés et de ses incertitudes il était rassurant, pour l’Amérique d’aujourd’hui, d’être dirigé par l’Amérique d’hier.