Des élections présidentielle et législatives sont prévues en Centrafrique le 27 décembre. Pays pivot du continent, le pays se déchire à nouveau, entre groupes ethniques, factions rivales et ingérences étrangères. Ce n’est pas le souvenir le plus heureux de la présidence Giscard d’Estaing : le sacre de Jean-Bedel Bokassa Ier en 1977 suivi de son renversement en 1979 par les services français. Quarante ans plus tard, la Centrafrique est toujours l’objet de tensions et de crises non résolues. La France dut intervenir de nouveau dans le pays en 2013 afin d’éviter un énième bain de sang. L’opération Sangaris s’est déroulée jusqu’en 2016 et l’intronisation d’un nouveau président. Quatre ans plus tard, tout reste à faire tant la situation est des plus instables.
Troubles, attaques et désinformation
Le gouvernement de Centrafrique ne contrôle guère plus que la capitale Bangui. L’armée du pays est incapable d’assurer la stabilité, minée qu’elle est par les rivalités ethniques et tribales. Le gouvernement tient grâce à un détachement de l’armée du Rwanda, qui intervient dans le cadre de l’ONU, et des mercenaires russes, rattachés notamment à la société militaire privée Wagner. Une garde présidentielle qui n’a donc rien de centrafricain et qui démontre l’extrême fragilité du régime. Les élections de décembre n’y changeront rien. Qu’elles aient lieu ou qu’elles soient reportées, le pays est plongé dans des troubles et des attaques continues dont il ne se relèvera pas. De très fortes oppositions sont à craindre au début de l’année 2021, tant il est improbable qu’une solution politique puisse être trouvée. Depuis son indépendance en 1960, la Centrafrique oscille entre coups d’État, répressions et guerres internes et la situation ne s’est guère améliorée en soixante ans.
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Deux groupes principaux s’opposent : la Seleka et les anti-Balaka. C’est une erreur de présenter les premiers comme musulmans et les seconds comme chrétiens, même si ces religions peuvent apporter un vernis culturel à une guerre qui est d’abord pluriséculaire et d’origine ethnique. La Seleka s’est officiellement constituée en 2012 en opposition au président François Bozizé. Composée de groupes du nord du pays, elle continue de semer la terreur dans les villages et de vivre de rapines et de razzias. Les anti-Balaka sont des groupes constitués pour se protéger des exactions des Seleka. C’est bien à tort qu’ils sont présentés comme chrétiens, même si certains parmi eux sont baptisés. Leur nom signifie anti-balle AK, en référence à la kalachnikov. Pour intégrer ces milices, les impétrants doivent passer par toute une série d’épreuves inspirées du vaudou et de l’animisme qui ont pour finalité de les rendre invulnérables aux balles de kalachnikov. Les colliers d’amulettes qu’ils portent autour du cou sont censés ajouter à la protection en faisant dévier les balles éventuelles qui pourraient les atteindre. Ethnies, magies, sorcelleries se mêlent dans un pays beaucoup plus complexe et multiple qu’il n’y paraît.
France vs Russie
En dépit de la fin de l’opération Sangaris (2013-2016), la France continue d’exercer un droit de regard dans le pays, bien que celui-ci ne présente pas de réel intérêt stratégique. Elle se heurte à la Russie, qui y a envoyé de nombreux mercenaires. Or depuis plusieurs mois c’est à une véritable guerre de propagande que se livrent les deux pays. Création de comptes Facebook pour délivrer des messages déstabilisants à l’égard des uns et des autres, affiches publicitaires en russe qui dénigre l’action de la France, réplique française dans la guerre de désinformation, ce pays voit s’affronter les deux puissances qui cherchent à conserver leur prédominance. Une guerre de l’information qui pourrit les relations entre Paris et Moscou, chose d’autant plus absurde que l’intérêt stratégique de la Centrafrique est quasi nul et que la France et la Russie ont bien d’autres dossiers plus importants à traiter. En marge de l’élection présidentielle de Centrafrique, c’est donc le futur du pays qui se joue, pour lequel il sera difficile de ne pas connaître d’événements sanglants, mais aussi une partie des relations diplomatiques franco-russe. Bangui risque d’être un nom qui va souvent revenir durant l’année 2021.
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