La liberté de la messe est une liberté sans équivalent, qui met en lumière les questions décisives qui se posent à l’humanité frappée par la pandémie. Pour l’évêque de Limoges, la bataille de la messe oblige. S’engager dans les pas du Christ, c’est s’engager dans le soin des autres. Quelle étrange séquence pour les catholiques d’avoir à batailler avec les pouvoirs publics pour l’accès à la messe… Cette “bataille” s’inscrit elle-même au sein d’une autre, partagée avec tous nos citoyens, contre la Covid-19 et se trouve compliquée par des débats internes, parfois très âpres, entre catholiques sur la manière dont ces deux combats doivent s’articuler. La messe doit-elle être sacrifiée à la lutte contre la pandémie ou l’inverse ? Dit autrement et schématiquement, vaut-il mieux mourir de faim (“celui qui mange ce pain vivra à jamais” Jn 6, 58) ou de la Covid ?
Un loisir dominical ?
On découvre alors que le débat interne aux catholiques recoupe en partie le débat avec les pouvoirs publics. Pour les croyants qui considèrent que la messe est un des modes de rencontre avec le Christ, possiblement suppléé par d’autres nourritures, la prudence et la charité imposent de renoncer sans bruit, momentanément, au précepte dominical. On y satisfera autrement.
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C’est ainsi que pensent des gouvernants, probablement pas dénués de bonnes intentions à l’endroit des chrétiens, mais considérant la messe comme un loisir dominical, et ne pensant pas que sa privation momentanée soit un enjeu décisif au regard des problèmes du pays. Les mots de l’ancien ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, le 3 mai dernier, expliquant que “la prière n’a pas forcément besoin de lieu de rassemblement”, résument cette vision. Dans un pays où domine une culture technoscientifique, hygiéniste, marchande, les religions demeurent un anachronisme avec lequel il faut bien composer, mais il y a des questions plus importantes à gérer en ces temps de crise que le prurit de rassemblement dominical des catholiques.
Une liberté qu’on ne peut comparer
Nous nous trouvons ad intra face à une question théologique et pastorale : La messe est-elle indispensable à la vie de foi ? Et, pour ce qui regarde le lien de l’Église avec le gouvernement et plus largement avec la société civile, nous sommes également face à un enjeu symbolique fort : La liberté de culte, qui inclut la liberté de rassemblement – il ne revient évidemment pas aux gouvernants de s’immiscer dans la question pastorale de la messe – peut-elle être restreinte pour un bien plus grand qui serait la santé des populations ? Est-elle donc un bien essentiel, puisque c’est ainsi que les autorités ont déterminé les lieux autorisés à rester ouverts ?
Cette liberté de culte n’est comparable à aucune liberté de consommer, de pratiquer des loisirs sportifs, des activités culturelles. Elle honore la dimension transcendante, spirituelle, de la personne humaine.
Nous pensons que cette liberté de culte n’est comparable à aucune liberté de consommer, de pratiquer des loisirs sportifs, des activités culturelles. Elle honore la dimension transcendante, spirituelle, de la personne humaine et revêt à ce titre le caractère d’une liberté fondamentale, reconnue – pour le moment – par le droit. À ce titre nous attendons qu’elle soit prise au sérieux par nos gouvernants. Il est gravement anormal d’apprendre par les médias, sans concertation préalable, sans aucun accusé de réception des propositions de protocole sanitaire fournis par la Conférence des évêques aux services du Premier ministre, que le culte restera fermé au public ou sera de manière absolument inintelligible limité à trente personnes.
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Un enjeu d’humanité
Il faut donc nous battre avec détermination. Non pour obtenir que notre pré carré, nos petites habitudes ou nos quêtes soient préservés. Mais parce qu’il y a là un enjeu de vie chrétienne et un enjeu d’humanité fondamental. L’actuelle pandémie, qui conduisit à un premier confinement au Carême et au temps pascal, et à un second à la fin de notre année liturgique, où les lectures de la messe font entendre des textes apocalyptiques qui révèlent la caducité de ce monde, bien loin de reléguer le “culte” à un enjeu secondaire, met plutôt en lumière les questions décisives qui se posent à l’humanité. Elles ne sont pas que sanitaires ou économiques. Elles touchent le sens profond de l’existence et nos gouvernants n’ont ici pas beaucoup de réponse à proposer.
Une bataille qui oblige
Cette “bataille de la messe” nous oblige. Elle nous contraint d’abord à ne pas utiliser d’autres armes qu’évangéliques. La colère, la violence, la haine, le mépris, l’intolérance ne peuvent pas y avoir de place. Elle nous oblige puisque “revendiquer” la messe, c’est mesurer à quoi elle engage. Elle n’est destinée ni au confort de notre âme ni à nous rassurer à bon compte. Elle donne de devenir ce que nous recevons, le Corps du Christ. Elle engage donc à mettre nos pas dans les siens avec d’autant plus de ferveur que nous aurons mis d’énergie dans la bataille de la messe.
Mettre ses pas dans ceux du Christ, c’est forcément prendre soin des autres et donc, entre autres choses, ne pas négliger les moyens sanitaires qui confineront l’épidémie. Il ne s’agit pas de choisir la messe ou la lutte contre la Covid-19. Il s’agit de choisir la messe et (donc) la lutte contre la pandémie.
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