Là où le mensonge semble devenir la norme des rapports sociaux, le devoir du chrétien est d’opposer une résistance non-violente, sans jamais quitter l’Esprit de paix, de miséricorde et de justice. Les parents, les éducateurs, le savent mieux que quiconque : nous disons des choses que nous pensons claires mais qui sont souvent mal comprises et déformées. La malveillance peut y avoir sa part, la bêtise aussi, mais souvent c’est simplement une attention distraite qui provoque cet écart entre deux vérités, celle qui se dit et celle qui se comprend.
Un sentiment de trahison
Ces derniers jours ont été marqués par quelques contacts entre les responsables de l’État et les pasteurs de l’Église. Des paroles ont été prononcées : les évêques ont fait connaître leur demande. Non pas de pouvoir célébrer la messe car il n’appartient pas à l’État de décider cela, mais de permettre aux personnes de s’y joindre. Ont-ils été écoutés ? En apparence, en tout cas, on s’est employé à leur en donner l’illusion. Mais dans les faits, rien. On s’est même permis de travestir leurs propos, en prétendant parfois que ce chiffre de 30 leur paraissait raisonnable. Le manquement à la parole donnée, quand elle vient du sommet du pouvoir, s’accompagne parfois — notre histoire en témoigne — d’un “Je vous ai compris” qui transforme la possibilité de l’incompréhension en sentiment de trahison. Et c’est cela, surtout, qui est insupportable : se sentir trahi par ceux qui ont la charge d’être fidèles dans le service du bien commun. Et découvrir aussi que, comme des enfants qui jouent avec des allumettes, ils n’ont pas même conscience de l’incendie qu’ils peuvent provoquer. Ce n’est pas faute pourtant d’en avoir eu quelques signaux…
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À la manière d’un Gribouille
Il faudra bien qu’un jour on puisse s’interroger sur la raison profonde qui provoque ce blocage violent de toute une société. Sans doute y a-t-il, au commencement, un réel désir de protéger des vies. Mais dans notre pays où l’on n’hésite pas depuis des décennies à légiférer pour en autoriser de plus en plus facilement la suppression, sur notre terre où l’on demande aux policiers de matraquer de pauvres hères sous le prétexte qu’ils s’abritent sous des tentes car l’État ne peut leur procurer le toit auquel pourtant ils ont droit, oui ici, en France, comment ne pas comprendre que ce désir ardent de sauver quelques vies, dès lors qu’on ne considère l’humain que comme une marchandise qui consomme ou que l’on consomme, ne se fasse à la manière d’un Gribouille ? D’autant qu’il y a fort à parier que cette urgence de sauver soit aussi dictée par l’impératif mortifère du principe de précaution qui paralyse la pensée et contraint sans cesse à de fausses bonnes solutions pour ne pas être englués dans des plaintes et des procès dont nul ne sort indemne.
À qui faire confiance ?
Nous voici donc sommés, prêtres, de dire aux hommes de notre temps : “Ne venez plus à la messe” tandis que ceux qui nous gouvernent leur enjoignent de “faire leurs courses”. Nous voici donc dans ce monde merveilleux où, pour sauver Papi et Mamie, nouveaux héros du discours politique postmoderne, on les isole dans la cuisine pour y manger leur bûche en visio-conférence avec leurs enfants ruinés et leurs petits-enfants privés d’études. Nous voici donc maintenu dans les vieilles lunes du monde d’avant qui infantilise et déresponsabilise le citoyen pour mieux le maintenir à l’état végétatif idéal de consommateur indolent, jouisseur sans entraves pourvu qu’il reste seul.
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À qui désormais faire confiance ? Quelle parole suivre et à quelle promesse se fier, puisque plus rien ne vaut, sinon la puissance des sondages et des professionnels de la communication qui disent désormais le droit et imposent leur vérité ?
La résistance du baptisé
La messe ne saurait être le théâtre d’un combat, les églises ne se transformeront pas en ring. Une résistance non-violente à l’esprit du monde est cependant possible, et même souhaitable. C’est la résistance du baptisé, de celui qui reconnaît pour Maître et Seigneur le Christ Jésus. Selon ce que nous serons amenés à vivre les uns et les autres en ces jours, que ne nous quitte jamais l’Esprit de paix, de miséricorde et de justice. Afin que là où le mensonge semble devenir la norme des rapports sociaux, nous choisissions de ne pas faire mentir les mots de l’Évangile et de ses Béatitudes. Il y a dans ce dévoilement un petit goût de fin d’un monde… À nous de manifester que la lumière du jour nouveau déjà se lève !
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