Cette semaine est marquée par la très belle fête, le 14 septembre, de la Croix glorieuse (Exaltation de la Sainte Croix) et le lendemain par celle de Notre-Dame-des-sept-douleurs. Dans une actualité ecclésiale et civile lourde, c'est toujours l'occasion pour nous, chrétiens postmodernes, de nous remettre en perspective face à la souffrance, aux difficultés de la vie, face au scandale de la Croix. La pensée dominante dans nos sociétés, issue de la philosophie des Lumières, puis du positivisme et d'une forme d'athéisme matérialiste, accompagnée par les indéniables progrès scientifiques et médicaux des 150 dernières années, a largement influencé notre foi.
La regrettable perte du sens du péché
De nombreux auteurs ont ainsi montré comment une forme d'irénisme, d'optimisme un peu béat, était venu influencer les penseurs chrétiens à partir des années 1960 et plus encore à la faveur de l'application, plus ou moins heureuse, des textes conciliaires issus de Vatican II. Ainsi, à partir des années 1970, l'horizon de ce que l'on appelait les fins dernières, a quasiment disparu du discours ecclésial, remplacé par une forme d'humanisme bienveillant. S'en est suivie une perte de la notion de péché, avec une catastrophique désertion du sacrement de pénitence ; mais, aussi une incompréhension puis une aversion pour l'idée même de la mortification chrétienne.
C’est par la Croix que nous sommes sauvés
Sans tomber dans les éventuels excès, déplorés d'ailleurs légitimement, d'une religion mue pour l'essentiel par la peur de l'Enfer, il serait quand même bien nécessaire que les pasteurs d'aujourd'hui profitent de ces fêtes, des temps de pénitence, comme le Carême ou de l'Avent, pour reprendre une saine et sainte prédication sur ces fameuses fins dernières. Sans elle, impossible de comprendre en effet, le scandale de la Croix.
Comment expliquer la nécessité du sacrifice du Christ, ses souffrances, sa Passion, si ce n'est pas nos péchés qu'Il portait sur la Croix ? Si, l'oblation propitiatoire du Verbe incarné ne vient pas combler l'abîme créé par l'homme en son premier péché entre lui et son Créateur ? Comment, face au déchaînement du mal sous toutes ses formes en ce monde, conserver l'espérance théologale, si l'on ne réalise pas que le poids de souffrance porté par le Christ en son humanité, de par sa divinité, vient tout restaurer et réconcilier avec le Père, sous le feu de l'Esprit ? Comment alors comprendre que nous-mêmes, humbles pécheurs, nous pouvons faire de nos vies, de nos difficultés, de nos petites (ou grandes) croix une participation à la Rédemption de nos frères, en les insérant dans l'unique sacrifice du Sauveur ? "Ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je l’accomplis pour son corps qui est l’Église" (Col 1, 24).
Pour être porteur d’espérance
Dans notre pays, en proie à l'athéisme matérialiste ou à des formes de religiosités nouvelles quelque peu évanescentes, il y a là un témoignage fort à vivre auprès de nos concitoyens, souvent désabusés et en recherche de repères. Pour être porteur d'espérance, le peuple chrétien doit sans doute se recentrer sur les grandes vérités de la foi, et retrouver le sens d'une plus grande radicalité spirituelle. Profitons donc de ces deux belles fêtes pour méditer sur notre engagement à suivre Jésus, quoi qu'il puisse nous en coûter, dans le service de nos frères et pour la plus grande gloire de Dieu : "Alors Jésus dit à ses disciples : “Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive. Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la trouvera”" (Mt 16,24-25).