Les apparitions de Medjugorje (Bosnie-Herzégovine) suscitent de vives discussions entre ceux qui doutent et ceux qui croient que la Vierge y délivre un message depuis 1983. Formée en 2010 par le pape Benoit XVI, une commission spéciale a remis ses conclusions au souverain pontife en 2014. Si jusqu’à présent aucun élément n’avait été communiqué, le journaliste italien Saverio Gaeta présente dans son livre « Dossier Medjugorje » les éléments essentiels de l’enquête.
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Les révélations du livre Dossier Medjugorje paru en février 2020 aux éditions italiennes San Paolo ont provoqué beaucoup de discussions. Il s’agit d’un rapport présentant les conclusions de la commission d’enquête chargée de se prononcer sur le caractère surnaturel des apparitions mariales de Medjugorje (Bosnie-Herzégovine). Formée par Benoît XVI en 2010, cette commission internationale composée de 17 membres et présidée par le cardinal Camillo Ruini a rendu ses conclusions en 2014. Jusqu’à présent, aucun élément n’avait été communiqué. Aleteia a demandé à l’auteur de Dossier Medjugorje quelques éclaircissements nécessaires pour une bonne compréhension de l’importance de ce rapport du Vatican. Saverio Gaeta, journaliste et auteur de nombreuses biographies dont celle de Padre Pio et Jean XXIII, a étudié pendant quatre ans (de 2010 à 2014) les apparitions de Medjugorje en focalisant son attention sur sept aspects essentiels dont certains jamais publiés.
Les sept premières apparitions
Le rapport de la commission d’enquête sur les apparitions de Medjugorje est un résumé riche de milliers de pages de procès-verbaux, de témoignages et de documents. C’est pour cela que Saverio Gaeta a voulu “ajouter un commentaire précis à ce texte, afin de permettre à chacun de comprendre certains passages qui, pris à la lettre, sont ambigus ou inexacts”. De l’analyse proposée par l’auteur du livre, il ressort que les apparitions qui “sont surnaturelles” ne sont pas les sept premières apparitions dans un sens chronologique, mais celles qui vont du 25 juin au 1er juillet 1981 : celles où la Vierge se présente comme “Reine de la paix”. Le message de Marie est en effet cohérent dans sa présentation et dans les messages qu’elle transmet aux jeunes visionnaires. Ainsi, l’apparition essentielle dans la paroisse de San Giacomo, aux côtés de celles de la colline Podbrdo, entre également en compte.
Que se passe-t-il le 24 juin 1983 ?
La première apparition, celle du 24 juin, n’a pas été prise en compte par la commission car il n’y a pas eu de contact direct ni de dialogue entre les visionnaires et Marie. La Vierge apparaît comme une figure plutôt floue sur la colline. Elle ressemble à une belle jeune femme sur un nuage. Ivanka Ivanković, alors âgée de 15 ans, et Mirjana Dragičević, 16 ans, sont les premières à la voir. Mais elles doutent. Elles saisissent qu’il s’agit peut-être d’une apparition de la Vierge, mais elles ont peur. Elles se précipitent pour appeler des garçons qui vont les rejoindre alors qu’elles décident de retourner sur la colline.
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Il y a six voyants en tout puisqu’aux deux jeunes filles vont s’ajouter quatre garçons : Vicka Ivanković, Ivan Dragićević, puis Milka Pavlović et Ivan Ivanković. “Ces deux derniers”, souligne l’auteur du Dossier Medjugorje, n’ont jamais été convoqués par la commission théologique pour offrir leur témoignage. Celle-ci le justifie parce que ce premier rendez-vous est considéré comme les “prémisses de tout ce qui va suivre”. C’est donc le 25 juin qui est considéré par la commission d’enquête comme la date de la première apparition de la Vierge “sous le sceau de la surnaturalité”. À cette occasion, les visionnaires sont toujours six : si Milka et Ivan Ivanković ne sont plus là, Marija Pavlović, la sœur aînée de Milka, et le petit Jakov Čolo, 10 ans, se sont joints au groupe.
Le jugement sur les apparitions ultérieures
Dès le début, souligne Saverio Gaeta, “une série d’événements se succèdent. Au fil du temps, certains des visionnaires de Medjugorje s’éloignent pour des raisons d’étude et de résidence, de sorte que les apparitions “individuelles” commencent : considérées unes par unes, elles atteignent aujourd’hui un total de plus de 51.000. Au point qu’il serait pratiquement impossible de collecter des documents probants, comme cela a été fait jusqu’au 1er juillet 1981, pour évaluer chacune des apparitions “individuelles”.
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Ainsi, sur 14 membres de la commission d’enquête, 12 ont déclaré qu’il n’était pas possible de porter un jugement sur les apparitions postérieures à celle du 1er juillet, tout en reconnaissant le caractère positif de ses fruits spirituels. “Ainsi, ajoute le journaliste, une position de précaution a été prise, non négative, vis-à-vis des apparitions elles-mêmes. Un peu comme ce qui s’est passé à Kibeho au Rwanda, où les manifestations de la première période ont été approuvées, c’est le cas ici pour les deux premières années. Elles constituent le premier noyau, celui qui est le plus complexe et le plus détaillé et qui certifie l’existence de la manifestation mariale. “Le reste n’est pas essentiel pour attester de la véracité de l’événement”, précise l’auteur.
Les doutes sur la crédibilité des visionnaires
Quel crédit accorder aux visionnaires et au sujet des apparitions qui surviennent au jour et à l’heure “fixées” par la Vierge ? Severio Gaeta précise que “le seul rendez-vous auquel il est fait référence à Medjugorje, c’est celui de l’heure des apparitions, c’est-à-dire à 17h45 heure solaire (temps qui correspond au mouvement du Soleil). Pour comparer, à Fatima, où la petite Lucie demande le 13 mai 1917 à la Vierge comment Jacinta, Francisco et elle-même doivent se comporter, elle leur demande de revenir au même endroit, à la même heure, à la même date, pour les mois à venir. Il y a donc pas moins de quatre indications à Fatima par rapport à une seule donnée à Medjugorje …”
De plus, la question des visionnaires “doit être contextualisée”, souligne l’auteur de l’ouvrage. En ce qui concerne la crédibilité, poursuit Severio Gaeta, “nous devons considérer que la commission les a interrogés entre octobre 2011 et février 2012. Le rapport a ensuite été achevé en janvier 2014. Les visionnaires ont été invités à cesser de trop se déplacer et à être plus discret. Par conséquent, depuis six ans, ils ne participent plus aux réunions publiques, sauf dans les diocèses où les évêques les accueillent et approuvent leurs initiatives (un exemple évident est celui où Ivan a été accueilli à Vienne par le cardinal Schönborn). Les visionnaires ont bien respecté les consignes informelles qu’ils ont reçues de l’autorité ecclésiastique”.
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Un autre point lié à la crédibilité des visionnaires concerne la durée des apparitions de Medjugorje. Severio Gaeta explique qu’elle est “complètement atypique : les visionnaires ont la tâche d’assister depuis près de quarante ans, chaque jour, à la venue de Marie. Étant une manifestation surnaturelle toujours en cours, il n’était pas approprié pour eux d’entrer au couvent, comme l’ont fait les voyants de Lourdes ou de Fatima. Par conséquent, étant tous mariés et ayant des enfants, ils doivent travailler pour subvenir aux besoins de leurs familles. Et quiconque se rend à Medjugorje peut les voir travailler au quotidien, certains dans les pensions qu’ils gèrent : ils sont eux-mêmes occupés à la réception, à la cuisine ou au service de table”, explique le journaliste.
Les questions sur les évêques
Un autre aspect souvent souligné est l’opposition aux apparitions exprimée par les évêques successifs de Mostar, le diocèse de Medjugorje. Comme précise Severio Gaeta, “Mgr Pavao Žanić, qui était évêque au début, et son successeur, l’actuel évêque Ratko Perić, étaient sceptiques. Pourtant, en analysant les documents des services secrets de Sarajevo, (du régime communiste de l’époque, ndlr) on constate qu’il y a eu “des pressions multiples sur Žanić, comme l’a souligné la commission elle-même. C’est ce qui aurait influencé ses jugements sur Medjugorje”, souligne-t-il. Par ailleurs, selon le journaliste, la querelle sur la gestion des paroisses en Herzégovine entre franciscains et laïcs – qui a longtemps empoisonné les relations au sein du diocèse – a été un autre aspect “qui a gâché le jugement des évêques”.
L'origine démoniaque ou frauduleuse
La commission a également démenti les influences démoniaques sur les apparitions mariales de Medjugorje. Dans son livre, Severio Gaeta condamne aussi “la thèse selon laquelle les apparitions ont été inventées par les frères franciscains pour justifier leur présence sur place. Cette thèse, soutenue à différentes époques par les évêques de Mostar, est également démantelée”, précise-t-il.
Les perspectives
Qu’arrivera-t-il à Medjugorje au cours des prochaines années ? Selon l’auteur “la perspective la plus raisonnable, dans le cas d’une approbation, est la reconnaissance du noyau initial des apparitions afin de considérer le cas de Medjugorje comme celui de Kibeho (apparitions mariales au Rwanda en 1981, reconnues par le Vatican en 2001, ndlr). La Commission internationale de l’enquête sur les apparitions de Medjugorje est le plus haut organe jamais créé par le Saint-Siège pour juger une apparition : une première dans l’histoire de l’Église. Pour cette raison, une déclaration formelle du Pape peut être attendue à l’avenir, grâce à cet énorme travail “, affirme Severio Gaeta.
Un autre objectif, qui peut être atteint avant même que le souverain pontife approuve officiellement les apparitions, c’est la reconnaissance de Medjugorje comme “un sanctuaire, dépendant directement du Saint-Siège”. Selon le journaliste, c’est une décision que le Pape “pourrait déjà prendre, en regardant les fruits qui se produisent quotidiennement en ce lieu, entre conversions, spiritualité, prière et foi », conclut-il.