Appréhendé de l'extérieur, le monothéisme chrétien peut sembler paradoxal. Un Dieu unique en trois personnes, cela dépasse allègrement l'entendement ! Beaucoup s'interrogent : s'agit-il d'un vrai monothéisme ? On a accusé le christianisme d'être un polythéisme : il y aurait trois dieux ! Cette hérésie est nommée trithéisme : selon elle, Père, Fils et Esprit seraient trois divinités différentes. À cette proposition erronée, la foi objecte que si les trois personnes partagent les attributs de la divinité : immensité, éternité, toute-puissance, si l'essence divine subsiste en chacune d'elles, en revanche elles ne sont pas trois divinités distinctes, mais un seul Dieu. Pourquoi ? Parce qu'elles ne sont pas séparables. Elles n'ont jamais existé l'une sans l'autre. De toute éternité, le Père n'a jamais été sans le Fils, ni le Fils sans le Père, ni l'Esprit sans eux deux. Père, Fils et Esprit sont Dieu, mais un seul Dieu car unis depuis toujours, de toujours à toujours. Dieu est un, mais non solitaire.
Un seul Dieu... en trois personnes bien distinctes
Une autre hérésie a voulu sauvegarder faussement le monothéisme chrétien : le modalisme. Selon lui, les trois personnes divines seraient trois modes d'apparition de l'unique divinité. Si cette proposition était vraie, les "trois" de la Trinité n'auraient pas de consistance personnelle propre. En effet, selon cette hétérodoxie, le Père, le Fils et l'Esprit représentent plutôt trois formes de manifestation de l'unique réalité transcendante. Comme si Dieu se révélait sous trois modes d'apparition différents selon les besoins de sa manifestation aux hommes dans l'histoire.
En ce cas, on ne peut plus parler de personne car une personne est forcément distincte d'une autre. Or, pour le modalisme, les trois réalités désignées sous les noms de Père, Fils et Esprit ne se différencient pas selon leur individualité insubstituable (le Père n'étant pas le Fils, et ne pouvant pas prendre sa place), mais selon la place qu'elles occupent dans l'économie de la révélation. Que se manifeste-t-il dès lors, sinon une divinité mystérieuse prenant successivement plusieurs visages dont aucun n'est définitif, simples masques d'une réalité indiscernable ?
À l'opposé d'une telle conception, dans la Trinité des chrétiens, le Père n'est pas le Fils, le Fils n'est pas l'Esprit, et l'Esprit n'est ni le Père ni le Fils. Les trois personnes divines ne sont pas trois modes de la réalité "Dieu", mais trois personnes en chacune desquelles subsiste entièrement l'unique nature divine.
Des conséquences essentielles pour la vie des chrétiens
Cette différence trinitaire des personnes divines est fondamentale. En effet, si Dieu n'était pas communion de personnes, Il retournerait à Sa solitude. Restant solitaire, quel exemple de charité pourrait-Il dès lors nous enseigner, nous qui avons été créés à Son image et ressemblance ? Quelle réalité d'amour nous donnerait-Il à vivre s'Il n'a jamais eu que Lui-même à aimer de toute éternité ? En resterions-nous à l'amour de soi, au lieu de nous ouvrir à l'autre ? Ou bien devrions-nous suivre les préceptes moraux d'un Être qui ne vivrait pas Lui-même ce qu'il commande à Ses créatures ?
Avec le modalisme, plus question de vivre avec Dieu, de Dieu et en Dieu. On en reviendrait plutôt, par une funeste régression, à une morale, là où on attendait une Vie et l'Amour ! Ainsi, l'orthodoxie du dogme trinitaire, loin de représenter une simple affaire de subtilités théologiques, est essentielle pour l'existence des chrétiens.