L’assainissement financier du Vatican, dont le pape François a fait un des objectifs majeurs de son pontificat, a connu une avancée considérable avec la publication le 1er juin d’un motu proprio relatif aux marchés publics des institutions vaticanes.
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En temps de vulnérabilité économique mondiale engendrée par la pandémie de coronavirus, le pape François entend en finir une fois pour toute avec la mauvaise réputation du Vatican en matière d’intégrité financière. Dans un document d’une trentaine de pages, publié à son initiative (sens de l’expression latine Motu proprio) le 1er juin, le Souverain pontife modernise la gestion des marchés publics par les institutions vaticanes, qui répondront désormais à des procédures beaucoup plus encadrées qu’auparavant, conformes à la pratique internationale.
Cette réforme vise spécifiquement l’atmosphère d’opacité dans certaines affaires économiques du Saint-Siège. Dernière affaire en date : l’achat litigieux d’un luxueux immeuble dans le quartier londonien de Chelsea. L’acquisition du bien, pour une valeur totale de 225 millions de dollars, a été financée par le Denier de Saint-Pierre (les contributions des diocèses au fonctionnement du Saint Siège) et par un prêt d’urgence de l’Institut pour les œuvres de religion (IOR), la “banque du Vatican”.
Fait unique, François est même monté en première ligne pour apporter aux journalistes des précisions sur l’enquête, au retour de son voyage au Japon en novembre 2019, qualifiant certaines pratiques de malsaines. En cause les agissements du cardinal Angelo Becciu et de Mgr Perlasca qui avaient piloté cette opération sans en référer aux organes de contrôle du Saint-Siège.
De retentissants précédents
Ce scandale survient à la suite de plusieurs autres affaires de corruption financière impliquant de près ou de loin les institutions vaticanes. A commencer par la retentissante faillite en 1982 de la banque Ambrosiano dont l’IOR était actionnaire majoritaire. En 2012, les révélations de Vatileaks avaient mis en lumière connivences et conflits d’intérêts au cœur du petit État.
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En 2014, c’est l’ancien secrétaire d’Etat Tarcisio Bertone en personne qui avait été épinglé pour avoir fait aménager un luxueux appartement de 700 m² dans le palais Saint-Charles, via des fonds provenant de la fondation Bambino Gesù, gérant l’un des plus prestigieux hôpitaux de Rome. Quelques temps plus tard, lors de son message pascal, le pontife s’en était pris aux « prêtres onctueux, somptueux et présomptueux » où d’aucuns ont vu une critique voilée du prélat italien.
Une priorité du pape
Le chef de l’Église catholique fait désormais explicitement de l’assainissement financier du Vatican une priorité de son mandat en lançant plusieurs réformes de taille. Citons l’audit des finances vaticanes par des cabinets internationaux, le nettoyage de comptes douteux à l’IOR et la collaboration avec les autorités fiscales internationales, la création du Secrétariat pour l’économie, du Conseil pour l’économie et du Réviseur général (équivalent de la cour des comptes en France) afin de contrôler l’utilisation des finances vaticanes.
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Restait à s’attaquer à l’épineux chantier des marchés publics, dont l’attribution se faisait souvent dans l’opacité la plus totale et en dehors de tout contrôle. C’est chose faite avec le motu proprio publié le 1er juin, qui réforme les procédures applicables à leur passation.
Réforme en profondeur
Le motu proprio transforme en profondeur la procédure applicable aux contrats publics, et semble taillé précisément pour éradiquer les dysfonctionnements identifiés dans l’affaire de l’immeuble londonien. Les partenaires économiques avec lesquels les investissements sont réalisés font l’objet d’une sélection rigoureuse, et sont tirés d’une liste d’où sont exclues les personnes et entreprises condamnées pour fraude, corruption, activités criminelles ou terrorisme. Exit, donc, les liens avec la mafia et les loges maçonniques révélés lors de la faillite de la banque Ambrosiano.
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Autre problème auquel s’attaque le motu proprio : le népotisme, jusqu’ici extrêmement répandu. Le mot vient d’ailleurs de l’habitude prise par les papes la Renaissance de conférer la pourpre à leur neveu, pratique dont bénéficia entre autres Alexandre VI Borgia, élevé au cardinalat par son oncle Callixte III. Jusqu’à récemment, sans aller jusqu’à des abus aussi caricaturaux, la pratique d’attribuer tel chantier ou d’investir telle somme au profit d’un parent était régulièrement observée.
Le motu proprio veut mettre fin à cette pratique en instaurant des commissions d’adjudications chargées d’attribuer et de valoriser les contrats publics. Triés sur le volet, les membres de ces commissions sont tirés au sort parmi une liste d’experts et d’employés du Vatican sélectionnés selon leur compétence, figurant sur une liste préétablie. Sont exclus de cette liste les parents jusqu’au quatrième degré et les anciens employés de partenaires économiques ayant répondu à une offre de contrat public.
Un contrôle désormais centralisé
Le motu proprio instaure également une centralisation des contrats publics au sein des institutions vaticanes. Jusqu’alors, ces derniers, par exemple les transactions immobilières et les investissements internationaux, faisaient l’objet d’un contrôle dispersé. Celui-ci revenait principalement à deux institutions : l’Administration du patrimoine du siège apostolique (APSA) et le Gouvernorat de la cité du Vatican.
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Mais des pans entiers de l’administration, en particulier la Secrétairerie d’Etat, échappaient à ce contrôle. Le motu proprio met fin à ce flou juridique et confie à l’APSA et au Gouvernorat le contrôle de l’ensemble des procédures d’investissement initiées par l’administration du Saint Siège et de l’Etat du Vatican.
Les autres institutions, en particulier les dicastères de la Curie, devront désormais passer par l’un de ces deux garants, afin d’éviter les pratiques douteuses observées dans l’affaire londonienne. Les acquisitions de biens ou de services répondent désormais à un plan structuré, et la procédure de passation des marchés publics intervient sur une plateforme informatique unique.
Une nouvelle ère ?
Cette réforme permet au Vatican de se mettre en conformité avec les bonnes pratiques internationales en la matière. Elle représente un jalon essentiel de la politique de réforme financière initiée par le pape François. Elle intervient à point nommé, alors que le Vatican s’apprête à se soumettre à l’audit de Moneyval, l’organisme du Conseil de l’Europe chargé de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, dont le précédent rapport relatif au Saint-Siège date de 2017.
L’enquête était programmée entre avril et décembre 2020, mais on ne sait pour l’instant si elle pourra être menée dans les temps. Les partenaires internationaux du Saint Siège n’ont cependant pas manqué de voir dans cette dernière mesure adoptée par le petit État un nouveau signe fort, indiquant que le Vatican est en passe de rompre définitivement avec les pratiques opaques du passé.
La réforme est d’autant plus cruciale que la situation financière du Vatican est devenue délicate. Les mesures de confinement – réduisant à néant les bénéfices des Musées du Vatican par exemple – l’ont en effet amputé d’une bonne partie de ses revenus. En mettant en place une économie « de bon père de famille », selon l’expression du pape François, et en luttant contre la corruption, cette réforme a donc pour objectif ultime de réaliser des économies substantielles.