Missionnaire en Haïti depuis plus de vingt ans, sœur Paësie a fondé la famille Kizito, une communauté qui prend soin depuis trois ans des enfants des bidonvilles en veillant à leur éducation, que ce soit à travers l’école, la catéchèse ou des activités de loisir.
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Que sa voix douce ne vous trompe pas. Sœur Paësie, c’est une main de fer dans un gant de velours. Cette religieuse de 51 ans a fondé en 2017 la famille Kizito, une communauté au service des enfants pauvres d’Haïti. Originaire de Nancy, elle entre le jour même de ses 18 ans chez les missionnaires de la charité, la congrégation fondée par Mère Teresa, dans laquelle elle reste durant trente ans. Envoyée en mission successivement à Grenade – dans les Antilles -, aux États-Unis et en Islande, elle débarque en Haïti en 1999. “La situation globale du pays est assez décourageante”, explique-t-elle. “L’argent est détourné par les dirigeants. Plus de la moitié des gens vivent en-dessous du seuil de pauvreté et ne mangent pas à leur faim tous les jours”. Là-bas, les religieuses s’occupent des malades, en particulier des enfants, touchés par la tuberculose, le sida, la typhoïde, la malaria, le choléra, la pneumonie. Beaucoup d’entre eux sont orphelins ou déposés au centre de soins par des parents qui ne reviennent jamais les chercher.
Si la sœur aime beaucoup cet apostolat, elle réalise que les enfants des bidonvilles souffrent d’un grand manque en matière d’éducation. “Il y avait beaucoup à faire car on ne s’occupait pas d’eux”. Pour les enfants pauvres, l’école est loin d’être une évidence. Les frais de scolarité, même peu chers, sont déjà trop onéreux pour les familles. “Il existe quelques écoles gratuites, souligne sœur Paësie, mais il y a le prix des uniformes et des livres, donc en réalité, elles ne sont pas accessibles aux plus pauvres”.
Là-bas, les garçons qui ne vont pas à l’école se retrouvent rapidement enrôlés dans des gangs armés, exposés à la violence, à la corruption, à toutes sortes d’immoralités. Face à la misère, nombre d’entre eux se mettent à mendier ou à voler. Surchargées par les soins médicaux, les missionnaires de la charité manquaient de temps pour se consacrer à l’éducation. “Tous les jours, nous avions des enfants mourants qui arrivaient chez nous. Nous étions débordées avec le travail médical qui prenait le pas sur l’éducation”, affirme la religieuse.
L’éducation des jeunes, un appel
Sœur Paësie sent grandir un appel à se consacrer exclusivement à l’éducation des jeunes. En accord avec les autorités religieuses, elle se sépare alors de sa communauté tout en gardant ses quatre vœux. Car chez les sœurs de Mère Teresa, en plus la pauvreté, de la chasteté et de l’obéissance, il existe un quatrième vœu de service aux plus pauvres. L’évêque des lieux l’encourage immédiatement et accompagne la reconnaissance officielle de la famille Kizito, une petite communauté reconnue comme une association de fidèles dans l’archidiocèse de Port-au-Prince, dont le nom a été choisi en référence à saint Kizito, le plus jeune du groupe des 22 martyrs de l’Ouganda canonisés par Paul VI en 1964. Les sœurs portent un habit bleu et gris fabriqué avec du carabela, un tissu traditionnel local utilisé par les paysannes et les travailleuses. Aujourd’hui, elles sont six et vivent de dons pour leurs actions auprès des enfants.
La nouvelle communauté prend ses quartiers à côté de Cité Soleil, le plus vaste bidonville de Port-au-Prince, où vivent entre 400.000 et un million de personnes. Si dans les campagnes, l’agriculture est difficile, dans les bidonvilles, les habitants peuvent survivre au jour le jour en vendant qui un morceau de savon, qui de la lessive au détail ou un peu de riz. Là-bas, un amoncellement de petites maisons en tôle entassées les unes sur les autres. L’accès à l’eau, difficile, est payant, et les maisons n’ont pas de toilettes. Quand il pleut, tout est inondé, et quand le soleil darde ses rayons, la chaleur est intense.
“Depuis un an, on voit une recrudescence de la violence, des kidnappings et des gangs armés. L’évangélisation me semble la seule solution pour remédier à la solution catastrophique du pays.”
Les religieuses créent huit écoles, trois foyers de garçons, quatre centres de catéchèse et d’autres dédiés à la danse et au football. Au total, une soixantaine d’employés prennent en charge près de 2.000 enfants. Tout n’est pas rose et les éducateurs se heurtent parfois à des difficultés. “Quand ils étaient dans la rue, certains de nos jeunes étaient impliqués dans des gangs, beaucoup ont été victimes d’abus sexuels. Ce n’est pas toujours facile car ils ont gardé quelques habitudes, mais ces enfants ont choisi de quitter la rue et leur accueil se fait par étapes”.
“Aujourd’hui, 95% d’entre eux sont scolarisés. Certains d’entre eux sont orphelins, ont été maltraités par un beau-père ou une belle-mère. Quand c’est possible, nous essayons de retrouver les parents et de recréer le lien, et souvent cela les apaise beaucoup”. En sus de la misère matérielle, sœur Paësie souligne une détresse spirituelle. “Les enfants très pauvres n’ont pas accès aux sacrements. D’une part, ils ne vont pas à l’église car ils n’ont pas les vêtements nécessaires, et d’autre part, les paroisses demandent que l’on fasse des offrandes, donc c’est un obstacle”. D’où l’importance des centres de catéchèse pour éveiller les jeunes à la foi.
“C’est devenu un peu mon pays. J’ai beaucoup reçu des Haïtiens, de leur foi et de leur courage”, confie celle que l’on surnomme joliment “Maman soleil” ou “Maman la rue”. “Ils me donnent toutes sortes de titres”, s’amuse-t-elle. “Ils ont vécu des situations difficiles mais il y a très peu de suicides. Ils se battent, je vois en eux une espèce de rage de vivre et une espérance parce qu’ils ont la foi, même si elle reste mélangée à une forte superstition. La religion vaudou cultive la rancune et crée de la division entre les gens, et depuis un an, on voit une recrudescence de la violence, des kidnappings et des gangs armés. L’évangélisation me semble la seule solution pour remédier à la solution catastrophique du pays. Ma présence ici est très clairement liée à l’appel de Jésus. Je sais que je suis là où il m’a demandé d’être, pour soulager la misère”. Pour terminer, “Maman soleil” cite Mère Teresa : “Nous réalisons que ce que nous accomplissons n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan, mais si cette goutte n’existait pas dans l’océan, elle manquerait”.
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