La venue de Jésus parmi nous coïncide avec celle du Royaume parce que le Christ en est la personnification. Jésus est le Royaume en personne, comme l’affirment beaucoup de théologiens. L'Évangile du troisième dimanche de l'Avent est l'illustration de la grandeur incommensurable de ce Royaume. Comment Jésus s'y prend-il pour initier ses auditeurs à cette caractéristique du Royaume ? Pour cela, il va se servir de la figure de saint Jean-Baptiste.
En effet, Jésus ne pouvait trouver personne plus adaptée à sa démonstration de la transcendance du règne inauguré par sa venue que celle du plus important des prophètes. Dans un premier temps, en désignant Jean-Baptiste comme le plus important des enfants des femmes, et en affirmant dans un second temps que le Royaume se situe à un tout autre niveau que les attentes de son Précurseur, Jésus désire nous montrer qu'il inaugure un nouvel âge du monde irréductible à tous les espoirs nourris par les hommes. Avec le fils de Marie commence une nouvelle ère de l'histoire qui dépasse tout ce que nous sommes capables d'imaginer. Jésus avait besoin en quelque sorte de Jean-Baptiste pour nous faire saisir que sa venue allait excéder nos prévisions.
Le désarroi de Jean-Baptiste
Cette démonstration de Jésus est d'autant plus probante que ce sont les événements qui vont lui fournir l'occasion de cette comparaison entre nos attentes et la consistance du Royaume. Quel homme pouvait mieux porter nos espérances, au sujet des temps messianiques, que le plus grand des prophètes, Jean-Baptiste ? Et pourtant celui-ci se montre dubitatif, hésitant, au sujet des actes et des paroles de Jésus ! « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? », fait-il demander par ses disciples à Jésus. Et ce dernier de lui répondre en énumérant les œuvres qu'il accomplit, en pleine concordance avec ce que le peuple d’Israël attendait du Messie.
Si Jésus réalise les miracles que les prophètes avaient annoncé que le Messie accomplirait, pourquoi Jean-Baptiste est-il si perplexe face à Jésus ? N'est-ce pas parce que le fils de Marie se situe au-delà des attentes des hommes, même des plus exigeants ? Qu'espérait Jean ? Une justice rigoureuse ? L’irruption triomphale du règne de Dieu, qui n’aurait souffert ni contestation ni dérobade ? Au lieu de cela, Jésus est tendresse, accueillant à tous, essuyant des échecs, déconcertant au point de déclarer que les prostituées et les publicains précèdent dans le Royaume ceux qui s'estiment des justes ! N'est-ce pas un signe que ce Royaume est bien divin, transcendant par rapport aux conceptions que nous pouvons en avoir ?
Un Royaume venu d'en-haut
Jésus va enfoncer le clou. S'appuyant toujours sur la figure de son Précurseur, il affirme tout de go que le Royaume dont il proclame, à l'instar de Jean, la proximité au début de sa prédication (Mt 3,1), ce Royaume bouleverse de fond en comble toutes les hiérarchies convenues, même celles qui sont fondées sur les valeurs religieuses les plus attestées ! C'est ainsi qu’il ne craint pas de proclamer que « le plus petit dans le Royaume des Cieux est plus grand que lui (Jean-Baptiste) », alors qu'il vient de soutenir, l'instant d'avant, que Jean est le « plus grand parmi les enfants des femmes » ! Paradoxe saisissant ! Qu'est-ce à dire, sinon que dans le règne de Dieu, c'est l'Amour divin qui confère leur ultime valeur aux êtres et à leurs œuvres ? Et que cet Amour est un don, un don immérité, un don d'en haut, sur lequel les hommes, quels que soient leurs mérites, n'ont aucun droit ni aucune prise ?
Avec cette comparaison audacieuse entre le plus petit dans le Royaume et Jean-Baptiste, comparaison à l'avantage du premier, Jésus nous fait toucher du doigt que le règne de son Père se situe au-delà de nos attentes, de nos désirs. Au fond, c'est un règne divin, transcendant, en accord avec son héraut et son initiateur (le Christ), avec le dynamisme qui l'habite (l'Esprit saint), et enfin avec celui qui nous le donne : le Père. La question de Jean-Baptiste au sujet de la messianité de Jésus n’aura pas été vaine. Elle aura donné au fils de Marie l’occasion de situer le Royaume dans la dimension véritablement divine qui est la sienne.