Député Les Républicains du Bas-Rhin, Patrick Hetzel est descendu dans les rues de Paris ce dimanche 6 octobre pour dénoncer le projet de loi bioéthique. Ce lundi soir, il sera dans l’hémicycle avec son groupe pour discuter du texte. « Le rassemblement de ce dimanche peut contribuer à installer les choses dans le débat public et faire réaliser que des lignes rouges sont en train d’être franchies », confie-t-il à Aleteia.
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Le temps s’est-il accéléré ces derniers jours dans l’hémicycle ? Si les députés ont consacré quatre jours au seul premier article du projet de loi bioéthique, l’examen du texte a été, vendredi 4 octobre, expéditif : il aura fallu moins de trois heures aux députés pour trancher sur la question de la recherche sur les cellules-souches embryonnaires et sur l’embryon. Pis, l’article 17, dans lequel il est question des fameux embryons chimères, n’aura suscité l’attention des députés qu’un peu plus d’une demi-heure. En cause, reproche l’opposition, le temps de parole imposé. « Les Républicains ne disposent plus que d’une demi-heure pour la fin des discussions sur le projet de loi bioéthique », regrette auprès d’Aleteia Patrick Hetzel, député du Bas-Rhin. « Malgré une gestion parcimonieuse du temps de parole, je n’ai pas pu défendre les 2/3 des amendements que j’ai déposés, et il en va de même pour mes collègues ».
Aleteia : L’article 14 du projet de loi bioéthique, prévoyant notamment de faciliter les recherches sur les cellules-souches embryonnaires, comptait 250 amendements… et n’a été discuté qu’un peu moins de trois heures par les députés. Comment expliquer une telle « rapidité » ?
Patrick Hetzel : Il y a une double explication. D’une part on voit bien que la majorité au pouvoir cherche à faire passer son texte à bas bruit. Son objectif est de faire en sorte qu’on en parle le moins possible sinon des questions apparaissent ! Nous nous retrouvons donc avec une majorité silencieuse qui, à part les rapporteurs et les ministres, ne s’exprime pas (ou peu). La deuxième explication est le temps législatif programmé. Ce dispositif, propre à l’Assemblée nationale, fixe à l’avance la durée de l’examen d’un texte en séance. Un temps de parole globale est ainsi attribué aux différents groupes parlementaires (en fonction de leur représentativité, ndlr) qui l’utilisent à leur convenance. Notre groupe (Les Républicains) n’était pas d’accord avec ce format : on ne peut pas s’exprimer car nous n’avons pas le temps nécessaire. Sur toute la durée de l’examen du texte, les Républicains n’ont que 11 heures… Il ne nous reste actuellement qu’une demi-heure jusqu’à la fin. C’est un vrai scandale ! Nous avons géré notre temps avec parcimonie. Malgré cela, je n’ai pas pu défendre les 2/3 des amendements que j’ai déposés, et il en va de même pour mes collègues. De la même manière les députés non-inscrits n’ont eu qu’une heure sur l’ensemble du texte.
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Outre le temps programmé, que déplorez-vous dans la conduite des travaux de l’Assemblée ?
On aurait dû prévoir deux textes de loi. Le premier aurait été consacré aux quatre premiers articles autour de l’extension de la PMA, qui est intimement liée à des enjeux sociétaux, ainsi qu’à la filiation. Le gouvernement a eu beau clamer qu’il ne s’agissait pas d’une loi sur la filiation, elle est de facto impactée. D’autant plus qu’il est nécessaire de remettre les choses en perspective par rapport à l’adoption : aujourd’hui un certain nombre d’enfants se retrouvent à l’assistance sociale… ne seraient-ils pas mieux dans les familles ? Le deuxième texte, consacré aux lois de bioéthique, aurait quant à lui mérité un débat en tant que tel, c’est-à-dire sans temps de parole programmé. Le débat n’est vraiment pas à la hauteur des enjeux.
“Quand vous décortiquez le texte, vous vous apercevez que des lignes rouges sont franchies à de nombreux endroits.”
Outre l’élargissement de la PMA, quels sont les principaux points de vigilance ?
Il y a d’abord la recherche sur l’embryon qui va passer de 7 à 14 jours tout simplement parce que la science le permet. Par ailleurs jusqu’à présent tous les travaux de recherche portant sur les cellules souches embryonnaires humaines nécessitaient une autorisation de l’agence de biomédecine. Les laboratoires n’auront désormais plus qu’à déposer une déclaration. Il n’y a plus aucun garde-fou. Ensuite il y a toute la question des fameuses chimères c’est-à-dire le fait qu’on puisse injecter des cellules humaines dans un embryon animal qu’on va réimplanter dans la femelle de l’espèce considérée. Ce soir (lundi 7 octobre ndlr.) nous allons aborder le diagnostic préimplantatoire. Là encore on ouvre un peu plus grand la porte à l’eugénisme. Quand vous décortiquez le texte, vous vous apercevez que des lignes rouges sont franchies à de nombreux endroits.
L’amendement porté par Jean-Louis Touraine, et adopté jeudi soir à l’Assemblée, prévoyant la reconnaissance de la filiation des enfants nés de la GPA à l’étranger vous a-t-il surpris ?
Ce n’était pas une surprise de la part de Jean-Louis Touraine qui s’est toujours déclaré favorable à la GPA. Qu’il porte cet amendement n’était donc pas surprenant. Ce qui a été une surprise c’est qu’à l’intérieur de l’hémicycle il y ait eu un vote en faveur de cet amendement ! On voit aujourd’hui qu’une majorité cherche à minimiser ce qui s’est passé, on évoque une seconde délibération… Personnellement, je pense que les masques sont tombés avec ce vote. Cette majorité sait pertinemment qu’à partir du moment où on légalise la PMA pour toutes la GPA suivra. Le principe d’égalité entre les couples fera que, juridiquement, il sera intenable de maintenir cette barrière.
La manifestation de ce dimanche 6 octobre peut-elle faire bouger les lignes ?
Je pense que ce rassemblement est une réussite, les gens se sont mobilisés et cela s’est fait dans une très bonne ambiance. La manifestation peut contribuer à installer les choses dans le débat public. Indéniablement, cela peut permettre à nos concitoyens de réaliser que des lignes rouges sont en train d’être franchies à travers ce texte. Aussi longtemps que la loi n’est pas promulguée un revirement est toujours possible. Mais ce texte m’inquiète beaucoup : à tous les étages nous allons vers du moins-disant éthique.