Ses conteneurs font aujourd’hui partie du paysage et des habitudes des Français. Que ce soit à l'occasion de déménagements, de grands ménages de printemps, de tris ou simplement d'une envie de plus d’espace, ils accueillent chaque année quelque 120 tonnes de vieux vêtements. Ces bornes appartiennent au Relais, une société coopérative et participative (Scop) fondée en 1984 par Pierre Duponchel. C’était il y a 35 ans. « À l'époque je faisais partie d'une communauté Emmaüs et l'on voyait de plus en plus de demandes », se souvient le fondateur. « La seule réponse que nous pouvions donner aux personnes qui venait consistait à offrir un hébergement mais ce n’était pas suffisant pour permettre une réinsertion. On a donc décidé de s’attaquer à la création d’emplois ».
C’est lors d’un congrès d’Emmaüs international qu’il décide de s’intéresser tout particulièrement au métier de la friperie, encore inexistant en France. « Petit à petit on est devenu professionnel dans la filière qui est créatrice nette d’emploi : les matières premières sont de vieux vêtements qui avaient relativement peu de débouchés. En traitant ces vêtements on valorise de la matière première et on crée des emplois sans en supprimer d’autres », affirme Pierre Duponchel.
Aujourd’hui Le Relais réalise un chiffre d’affaires global de 110 millions d’euros. L’entreprise a développé une véritable filière industrielle en France et est le seul opérateur à maîtriser toute la chaîne de la valorisation textile. Il assure 68% de la collecte en France, dispose de plus de 22.000 bornes, gère 32 centres de collecte et de tri et valorise 97 % des TLC (textiles, linge de maison et chaussures) collectés. « Le Relais est présent sur l’ensemble du territoire de manière équilibrée. Nous employons actuellement 2.000 personnes en France et je pense que l’on peut encore créer entre 800 et 1.000 emplois dans la partie collecte, tri et valorisation », affirme le fondateur.
"En traitant ces vêtements on valorise de la matière première et on crée des emplois sans en supprimer d’autres."
« Mais derrière ce que nous faisons se trouve tout un champ d’emplois possibles pour de nouvelles activités », confie-t-il. « Quand on tri le textile on cherche à extraire ce qui a le plus de valeur possible c’est-à-dire les vêtements et la maroquinerie que nous revendons à des friperies d’occasion ou que nous exportons vers des pays dont la population à un plus faible pouvoir d’achat. Cela représente 65% de ce que nous collectons. Pour les 35% restant, il y a deux possibilités : soit la décharge, soit trouver de nouvelles filières pour ces vêtements. Si les vêtements ne sont plus utiles en l’état, ce n’est pas le cas de la fibre ! Nous avons commencé à l'utiliser pour les jeans en développant un outil industriel d’effilochage. C’est facile car le jean est composé presque à 100% de coton. Dans les prochaines années, il faudrait réussir à le faire pour d’autres matières. Aujourd’hui le verrou n’est autre que la connaissance de la fibre. Mais quand il aura sauté nous pourrons créer de nouveaux emplois ».
Outre la collecte, le tri et le recyclage de vêtements, Le Relais est également présent au Sénégal et à Madagascar, pays dans lesquels il emploie 1.000 personnes. « Nous avons par exemple relancé l’activité » économique de l’entreprise Karenjy qui a fabriqué la papamobile pour le Pape lors de son voyage à Madagascar », indique encore Pierre Duponchel. « Il faut voir la fierté des gens qui ont préparé la voiture mais plus largement de tout le peuple malgache ! C’était une souffrance pour eux de voir cette marque disparaître ».
Ingénieur des Arts et Métiers, Pierre Duponchel ne regrette pas son parcours de vie. « Je mesure chaque jour l’impact humain des activités du Relais. Ce qui me donne envie de me lever le matin depuis 35 ans, c’est que ce que je fais va servir à ce que de plus en plus de gens puissent accéder à des moyens et à une forme de vie meilleure que ce qu’ils ont aujourd’hui. Le monde économique est à l’origine des exclusions actuellement mais ce n’est pas une fatalité. Le Relais relève ce défi et montre qu’il y a une place pour tout le monde. À nous d’aborder l’économie afin de la rendre accessible au plus grand nombre. »