En pratique, le principe de subsidiarité s’applique à tous les niveaux sociaux, publics et privés. Il doit être présent à l’intérieur de chaque institution humaine, comme dans les entreprises, l’école ou l’assurance. Dans le cadre des institutions internationales, son fonctionnement rencontre de multiples interprétations.Dans une vision juste, le principe de subsidiarité s’applique à l’intérieur de toutes les institutions humaines, publiques et privées. C’est ainsi que chez les entrepreneurs et dirigeants chrétiens (EDC), on explique que la subsidiarité doit s’appliquer à l’intérieur de l’entreprise. On a souvent une vision très hiérarchique de l’entreprise. C’est un peu normal, car il faut bien à un moment que quelqu’un tranche au niveau le plus élevé. Mais il faudrait réviser et compléter cette vision traditionnelle, qui venait en particulier du taylorisme : d’après l’ingénieur américain Taylor, la mécanisation du travail à la chaîne demandait aux salariés de « ne pas penser ».
Dans le monde du travail
Depuis l’origine et surtout depuis la révolution industrielle, l’Église a toujours dit qu’il fallait aussi appliquer ce principe de subsidiarité dans le monde du travail, ce que le management (la gestion) a découvert bien après. En réalité, on peut obtenir beaucoup plus, au niveau de la productivité mais aussi en termes de respect de la personne, en appliquant le principe de subsidiarité dans l’entreprise. En impliquant les salariés à la base, dans des cercles de qualité, des équipes autonomes de production, ou une gestion participative, etc., on peut trouver des idées nouvelles, des méthodes, des améliorations qui bénéficient à tous. Par moments, évidemment, il faut passer au niveau supérieur de l’encadrement, puis à la direction générale, mais le principe de subsidiarité peut s’appliquer aussi dans le travail avec beaucoup de fruits, ce qui améliore l’efficacité, tout en respectant mieux chaque acteur de la vie de l’entreprise et donc la dignité des salariés.
Lire aussi :
Le principe de subsidiarité « chaque fois que nécessaire »
Le cas de l’école
Autre exemple : l’éducation. On a aujourd’hui en France un système extrêmement centralisé avec l’Éducation nationale. Même s’il y a encore un secteur privé, celui-ci doit obéir aux règles définies par le ministère. Il y a notamment un monopole d’État pour les grades universitaires, etc. L’application du principe de subsidiarité en la matière devrait reconnaître que les premiers éducateurs des enfants sont les parents et que cela implique le libre choix de l’école. Or il y a tout un ensemble d’éléments qui empêchent ce libre choix ; non seulement parce que beaucoup d’écoles, mêmes privées, ont du mal à développer leur caractère propre, mais aussi parce qu’il y a des limitations à ce libre choix.
Pas de décentralisation sans autonomie réelle
Autre exemple aussi, au niveau de la décentralisation et des collectivités locales : en France, même s’il y a eu un certain nombre de lois sur la décentralisation, le pays reste très jacobin et reste bien loin du niveau de la décentralisation qui existe dans des pays comme l’Allemagne, la Suisse ou les États-Unis, qui sont des pays fédéraux. Sans aller jusque-là, les collectivités locales n’ont pas de grande autonomie financière ni de grande autonomie fiscale. Elles doivent attendre leurs recettes du bon vouloir de l’État et comme la situation de l’État est difficile aujourd’hui, les collectivités locales perdent beaucoup de leur autonomie. Donc, là aussi, c’est un coin au principe de subsidiarité.
L’obligation de s’assurer
Même chose aussi dans la protection sociale au sens strict. Prenons l’assurance-maladie : tout le monde comprend qu’il y ait une obligation d’assurance, comme par exemple, pour l’automobile dans un autre domaine. Une personne qui a une voiture doit s’assurer. Pourquoi ? Parce que si l’on provoque un accident ou, pour la maladie, si l’on est gravement malade, le risque est que l’on ne puisse pas avoir les fonds nécessaires soit pour indemniser, soit pour se soigner. Donc le principe de l’assurance obligatoire est quelque chose d’important, aussi bien pour la voiture que pour l’assurance-maladie. Est-ce que cela implique pour autant un monopole public comme celui de la « Sécu », qui est tout à fait uniforme et dont on voit bien les problèmes de gestion, de fraude, etc. ? La question mérite d’être posée.
Lire aussi :
Le principe de subsidiarité, expression de la liberté humaine
Une application européenne complexe
Peu diffusé en dehors de l’Église, le principe de subsidiarité est passé dans le domaine public, notamment au niveau européen. Sous l’influence de Jacques Delors, le principe de subsidiarité a même été intégré aux traités européens. Mais il est clair qu’il a été intégré d’une manière partielle, avec deux singularités. La première est qu’il n’est prévu d’appliquer le principe de subsidiarité qu’aux relations entre l’Union européenne, la Commission européenne, le Conseil, etc. — disons le niveau européen — et le niveau national.
C’est déjà une première singularité car la subsidiarité s’applique en principe à l’ensemble des corps intermédiaires et pas seulement jusqu’à l’État, mais aussi depuis tous les échelons inférieurs. La deuxième singularité, c’est que la façon dont le principe de subsidiarité est présenté dans les textes européens en fait une subsidiarité descendante et non ascendante. C’est-à-dire que l’on définit d’abord ce qui est de la compétence de l’échelon européen avant d’attribuer les compétences de l’échelon national. Il est affirmé que le droit communautaire prime sur le droit national.
Au niveau mondial
Au niveau mondial, certains ont beaucoup critiqué Benoît XVI parce qu’il avait parlé d’une « autorité politique mondiale ». On a dit : « Attention, il veut un gouvernement mondial ! » Or on l’a mal lu, car il n’a jamais parlé d’un gouvernement mondial, ce qui serait absurde, voire dangereux. Il parlait d’une autorité mondiale. Il a parlé aussi d’une autorité morale, ce qui n’est pas du tout la même chose qu’un gouvernement. Mais il a toujours précisé que cela devait s’appuyer sur le principe de subsidiarité. Ce n’est pas du tout une façon de dire qu’il faut qu’il y ait une sorte de « super ONU » qui prenne toutes les décisions au niveau mondial ! En outre, on oublie que le pape Jean XXIII avait déjà dit exactement la même chose cinquante ans plus tôt et François reprendra exactement la même analyse dans Laudato si’. Lors de la création des Nations-unies, l’Église s’était réjouie, mais chacun voit que l’ONU est bien loin aujourd’hui de remplir le rôle d’une autorité morale : non seulement elle est souvent impuissante, mais encore elle prend souvent des décisions contraires au droit naturel.
Lire aussi :
Le principe de subsidiarité implique des corps intermédiaires