Alors que l’incendie qui a partiellement détruit Notre-Dame dans la nuit de lundi à mardi 15 avril est encore dans tous les esprits, ce dramatique évènement a été aussi l’occasion de faire découvrir au grand public l’un des trésors de la cathédrale : la couronne d’épines. Auteur du roman “La Couronne”, salué par le jury du Grand Prix catholique de littérature, François Dubreil retrace pour Aleteia les tribulations de la Sainte Couronne à travers les siècles.
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L’incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris, dans la soirée et la nuit du 15 avril dernier, a été vécu comme un drame par une très grande majorité de Français, quelles que soient leurs convictions religieuses. Mais devant le spectacle terrible des flammes qui ravageaient ce chef d’œuvre du patrimoine national, les catholiques avaient une angoisse plus prégnante encore, craignant la destruction du Saint-Sacrement et la perte des trésors religieux recueillis au fil des siècles dans la cathédrale. Nous devons à l’héroïsme des sapeurs-pompiers parisiens et de leur aumônier la préservation d’un bon nombre de ces merveilles, au premier rang desquelles se trouve une relique particulièrement chère au cœur des chrétiens : la Sainte Couronne d’épines. L’histoire de cette relique reflète à elle seule l’évolution dramatique et fluctuante des relations entre le christianisme et le monde séculier depuis deux millénaires.
Protégée par de pieuses familles
La tradition nous enseigne que de pieuses familles la préservèrent aux premiers siècles de notre ère, tandis que les communautés chrétiennes de Terre Sainte devaient faire face à la fois aux persécutions organisées par le pouvoir païen et aux destructions massives occasionnées par les révoltes juives contre Rome. Après la conversion de Constantin, au tout début du IVe siècle, une longue période de paix commença. Le souvenir de la Passion put s’exprimer librement en Terre Sainte, par le culte des reliques et par l’édification de la première basilique du Saint-Sépulcre. Le christianisme finit progressivement par supplanter le paganisme, devenant la nouvelle religion officielle de l’empire romain sous le règne de Théodose.
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Mais cette ère paisible s’acheva brutalement au VIIe siècle avec le retour des guerres et des persécutions. Jérusalem fut prise successivement par les Perses zoroastriens de Chosroès, puis par les troupes du Calife Omar, qui combattaient sous l’étendard d’une nouvelle religion née en Arabie : l’islam. Les empereurs byzantins transférèrent donc peu à peu les reliques de la Passion à Constantinople, tant pour les préserver que pour servir leur prestige. Ils les offrirent ainsi durant des siècles à la vénération des fidèles à proximité immédiate de leur palais, dans la chapelle de Notre-Dame du Phare.
L’acquisition de saint Louis
En 1204, la chute de Byzance lors de la quatrième croisade occasionna un nouveau déplacement des reliques. Les souverains latins de Constantinople, à court d’argent, durent se résoudre à mettre en gage leurs trésors, dont la Sainte Couronne, auprès de marchands vénitiens. Le roi Louis IX de France décida alors de se porter acquéreur de la précieuse relique, dépensant à cet effet plus de la moitié des revenus annuels du domaine royal !
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Le 10 août 1238, après de longues négociations et un périlleux transport, le roi, en compagnie de sa mère Blanche de Castille, put enfin accueillir la Sainte Couronne en France. Le 18 août, pieds nus et en chemise de lin par souci d’humilité devant le Roi des rois, Louis IX faisait une entrée triomphale à Paris en portant lui-même la relique, qu’il installa alors à la cathédrale Notre-Dame de Paris. Pour conserver ce trésor inestimable il décida ensuite d’élever à côté de son palais de l’île de la Cité le plus merveilleux des écrins de pierre : la Sainte-Chapelle. À partir de 1248 et durant tout l’Ancien Régime, la Couronne d’épines y fut ainsi offerte à la vénération publique en lien étroit avec la monarchie française.
Les troubles révolutionnaires
La Révolution devait mettre un terme définitif à cette situation. En 1791, Louis XVI décida de transférer le trésor de la Sainte Chapelle vers l’Abbaye de Saint-Denis, espérant le mettre à l’écart des troubles parisiens. Mais deux ans plus tard, en octobre 1793, la nécropole royale était à son tour profanée. La Sainte Couronne échappa par miracle à la destruction, et fut conservée pendant vingt ans dans une simple boîte au Cabinet des Médailles de la Bibliothèque Nationale.
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Il fallut attendre le rétablissement du culte par le Concordat pour qu’en 1804 Bonaparte, soucieux de s’attirer les bonnes grâces de l’Église avant son sacre, décidât d’en faire don au chapitre de Notre-Dame de Paris. C’est ainsi que la relique finit par intégrer la cathédrale, où l’on put la vénérer tout au long des derniers siècles jusqu’au tragique incendie du lundi 15 avril dernier.
Une protection providentielle
L’histoire de la Sainte Couronne, comme celle du christianisme elle-même, est donc faite d’alternances de périodes de paix et de rejet, voire de persécutions. Le plus remarquable est que la relique, témoignage de la royauté du Christ, ait pu survivre deux mille ans à cette incessante succession de violences et de destructions. Nos contemporains y verront probablement pour la plupart d’entre eux une simple chance. Nous chrétiens, saurons y voir la marque de la Providence.
La Couronne, par François Dubreil, Téqui, mars 2018, 590 pages, 24,90 euros