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« J’ai pleuré et j’ai cru. » Vers une renaissance catholique ?

Une centaine de personnes réunies pour prier dans la rue après l'incendie de Notre-Dame de Paris, le 15 avril 2019.

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Bruno Béthouart - publié le 20/04/19
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Le président du Carrefour d’histoire religieuse s’interroge sur le sens de l’émotion collective qui mobilise l’opinion pour reconstruire la cathédrale Notre-Dame de Paris. N’est-ce pas le signe d’une permanence de « l’essence catholique de la France » et d’une renaissance de sa foi ?« J’ai pleuré, et j’ai cru. » Ces simples mots ont été rédigés par Châteaubriand dans la préface de son célèbre ouvrage, Le Génie du christianisme publié en 1802, après un temps de dévastation religieuse. L’auteur justifie ainsi son besoin irrépressible d’écrire à la gloire de la foi chrétienne et plus précisément de la religion catholique. Et il en vante les mérites en des termes dithyrambiques : « De toutes les religions qui ont jamais existé, la religion chrétienne est la plus poétique, la plus humaine, la plus favorable à la liberté, aux arts et aux lettres… L’ordre gothique, au milieu de ses proportions barbares, a […] une beauté qui lui est particulière[1]. » Gérard Cholvy et Yves-Marie Hilaire dans leur Histoire religieuse de la France contemporaine[2] font de ce livre le point de départ de la grande période de retour au catholicisme par le biais du romantisme au XIXe siècle.

Des signes annonciateurs ?

Comment ne pas faire un rapprochement entre ce constat et l’émotion qui étreint non seulement la France mais aussi le monde entier saisi par l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris ? De partout les dons affluent pour qu’elle puisse être sauvée. Alors se pose une question toute simple à l’historien : ne serait-ce pas le signe annonciateur d’une renaissance catholique après les prémisses manifestées, selon Gérard Cholvy par l’avènement de Jean-Paul II en 1978 ?



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Avant de se manifester, le feu couve d’abord sous la cendre puis il surgit au cœur de la nuit. Cette intuition, cette hypothèse « à chaud » comporte évidemment des risques mais finalement pas plus importants que les démonstrations contraires qui depuis cinquante ans annoncent le déclin inéluctable du catholicisme et veulent démontrer « comment notre monde a cessé d’être chrétien » : titre imposé par l’éditeur à son auteur avec lequel je partage bien des analyses relatives notamment à l’abandon des références aux fins dernières[3].

Pour étayer cette double hypothèse d’une permanence de l’essence catholique de la France[4] et d’une renaissance de la foi catholique, voici quelques éléments qui mériteraient des développements.

La permanence de l’essence catholique de la France

Des constats étonnants pour nourrir l’hypothèse : un simple tas de pierres et de bois s’effondre, sans même qu’il y ait mort d’homme et la capitale s’enflamme, non seulement elle mais tout le pays et même le monde entier ! C’est bien le signe que l’âme du bâtiment résonne dans l’esprit et surtout le cœur des Français.



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La France est laïque et c’est le président de la République qui déclare sur le parvis alors que le feu fait encore rage : « Nous reconstruirons Notre-Dame. » Et il ajoute : « Parce que Notre-Dame de Paris, c’est notre histoire, notre littérature, notre imaginaire, le lieu où nous avons vécu tous nos grands moments […] cet épicentre de notre vie, cet étalon d’où partent les distances. » Pour la reconstruction, il confie cette tâche à un général, catholique pratiquant, qui s’est permis de le critiquer pour avoir limogé le général de Villiers en 2017. Est-ce une confusion des genres ? Pas du tout, c’est tout simplement une reconnaissance explicite de ce que la cathédrale de Paris représente pour le pays ; c’est aussi la démonstration que l’essence de la nation française, comme le montre Alexis de Tocqueville dans son ouvrage L’Ancien Régime et la Révolution, s’enracine dans un État centralisé depuis des siècles avec comme référence structurelle l’armature de l’Église catholique ; c’est enfin la preuve que les chefs d’œuvres que sont nos cathédrales gothiques, nos églises romanes, les écrits émouvants des Victor Hugo, Charles Péguy et tant d’autres sur la Vierge Marie touchent encore et toujours le cœur des Français malgré une réelle crise dans la transmission de notre héritage judéo-chrétien.

Un retour à la foi catholique ?

Il faudrait à cet effet un équivalent à Chateaubriand dans la logique de ce raisonnement. Le détonateur ne serait-il pas le pape Jean Paul II qui, en venant à Paris en mai 1980, s’est confié en des termes saisissants à Notre Dame de Paris ?

Vierge Marie, depuis ce bord de Seine,
Nous vous prions pour le pays de France.
Vous, Mère, enseignez-lui l’espérance !



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C’est une évidence statistique que pour bien des raisons la pratique régulière s’est effondrée en Europe et précisément en France depuis un demi-siècle ; que les rites de passage sont aussi sérieusement ébranlés tant pour les baptêmes que pour les mariages, victimes des lois dites d’adaptation à la modernité. Le catholicisme a-t-il pour autant disparu de la conscience d’une majorité de Français ? Peut-être pas ! Sinon comment expliquer que 70% des Français continuent de vouloir se faire enterrer dans le rite catholique ? Comment comprendre l’émotion ressentie sincèrement par une majorité importante de Français au récit du martyr du père Jacques Hamel le 26 juillet 2016 dans son église de Saint-Etienne du Rouvray, aux funérailles catholiques de Johnny Hallyday en décembre 2017, à l’annonce du sacrifice de sa vie par le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, catholique convaincu, le 23 mars 2018 ? Comment expliquer enfin cette immense sidération, cette lamentation sincère partagée devant ce tas de pierre et de bois en flamme au cœur de l’île de la Cité alors que l’institution qui l’habite est vilipendée pour des délits tout à fait condamnables en son sein et que de nombreux médias ne cessent de s’en prendre à elle depuis des décennies ?

Il reste à souffler sur les cendres

L’essence catholique de la France est toujours présente y compris dans les jeunes générations présentes dans la prière à deux pas de l’île de la Cité où brûle le vaisseau gothique  mais il reste à souffler sur les cendres pour que la foi catholique renaisse au cœur de cette structure de référence qu’est l’Église. Et là, comble de la Providence diront certains, c’est une femme, la petite Marie de Nazareth, celle que les catholiques vénèrent comme la mère de Dieu et la première des hommes qui vient, de manière paradoxale, déclencher le phénomène puisque l’édifice lui est dédié. Bien au-delà du cercle des catholiques pratiquants, l’émotion ressentie par Chateaubriand remonte à la surface. Les responsables de l’Église en France et Mgr Aupetit en particulier semblent l’avoir compris : vont-ils transformer l’essai ?

L’avenir nous dira si c’est un feu de paille ou, après les prémisses du pontificat de Jean Paul II, les débuts visibles d’une renaissance catholique.



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[1] François René de Chateaubriand, Le Génie du christianisme, ou Beautés de la religion chrétienne, IIIe partie, livre I, chapitre 8.
[2] Les deux chercheurs contestent l’idée répandue d’une « déchristianisation » linéaire et inéluctable. Appuyés sur des données précises, ils mettent en avant une théorie des flux et des reflux religieux depuis la Révolution française.
[3] Cf. Guillaume Cuchet, Comment notre monde a cessé d’être chrétien, Seuil, 2018 (Ndlr).
[4] L’essence : « fond de l’être, nature des choses ».

En images : Notre-Dame de Paris immortalisée par les plus grands peintres :
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