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“Jérôme Lejeune, la liberté du savant”

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Aude Dugast - publié le 03/04/19 - mis à jour le 21/01/21
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Pionnier de la bioéthique moderne, Jérôme Lejeune connaîtra tous les honneurs avant d’être ostracisé pour sa fidélité à ses petits malades. Aude Dugast, la postulatrice de sa cause de béatification à Rome, a eu accès à toute sa correspondance. Elle publie le récit complet de cette vie héroïque, cette intelligence exceptionnelle, totalement libre qui s’est mise au service des plus faibles. Il a été reconnu vénérable par le pape François le 21 janvier 2021 “L’intelligence d’un seul est un don pour tous”, c’est la pensée qui jaillit en songeant à Jérôme Lejeune, ce grand savant qui a mis son immense intelligence au service des enfants handicapés mentaux. Ce qui force l’intérêt et l’admiration dans le parcours du Professeur, reconnu vénérable par le pape François jeudi 21 janvier 2021, c’est cette immense intelligence, ce génie, au sens propre du terme, qu’il met avec dévouement au service des personnes blessées dans leur intelligence, ceux qu’on appelait alors les enfants « mongoliens ». Il leur offre ce qu’ils n’ont pas. Puis sa fidélité, à leurs côtés.

Dès 1957, à 31 ans, alors qu’il est nommé expert auprès de l’ONU pour ses travaux exceptionnels sur les radiations atomiques, il choisit de consacrer sa carrière exclusivement à ses petits patients, délaissés des grands de ce monde, sans se laisser attirer par d’autres propositions avantageuses. Et il leur restera dévoué, n’hésitant pas à prendre leur défense au prix de sa carrière.



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Comme un roman

La vie de Jérôme Lejeune se lit comme un roman, elle est pleine de suspense et de rebondissements. Elle nous conduit de Paris à Washington auprès de Kennedy, puis à Moscou où il est envoyé par le pape Jean Paul II auprès de Brejnev, en pleine Guerre Froide, pour alerter le dirigeant soviétique sur les conséquences dévastatrices d’une guerre nucléaire. Elle nous conduit de la reine d’Angleterre au roi Baudouin pour protéger les enfants à naître, de Pedro l’enfant trisomique aux 9.000 patients qui viennent le consulter dans son service de l’hôpital Necker-Enfants malades à Paris. De Mère Teresa à Jean Paul II, son ami, dont il partage l’admiration pour la beauté de toute vie humaine. Elle nous conduit des académies scientifiques les plus prestigieuses aux parlements en passant par les cours de justice où le médecin est appelé à témoigner en faveur de la vie humaine, de l’Australie au Canada, des États-Unis à l’Amérique latine.



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Pionnier de la génétique moderne

Après dix années d’enquête et la lecture de plusieurs dizaines de milliers de pages de correspondance (2.000 lettres échangées entre Jérôme Lejeune et son épouse, Birthe, qui s’écrivaient chaque jour lorsque l’un des deux était absent), de conférences, de réflexions personnelles, et grâce aux témoignages de nombreux proches, collaborateurs français ou étrangers, familles de patients, personnalités diverses, de nouveaux aspects de sa vie personnelle, me sont apparus, mais aussi dans sa carrière, son engagement personnel et sa sainteté.

De sa vie personnelle, il faut retenir la façon romanesque dont il rencontra Birthe qui deviendra sa femme, son meilleur soutien. Sa carrière est plus connue, à travers toutes les étapes de son travail acharné, dans le service du Pr Turpin puis dans le sien propre à l’hôpital Necker à Paris qui permirent la découverte de la trisomie 21 et d’autres maladies comme la maladie du cri du chat. Ses travaux déterminants ont fait de lui un pionnier de la génétique moderne. Courtisé dès 1959 par les États-Unis, Jérôme Lejeune est aussi l’objet des vives attentions de l’université française, ce qui est oublié aujourd’hui. Quand est fondée la chaire de génétique fondamentale en France, il y est nommé professeur, puis l’université le choisit comme doyen de la faculté de médecine des Cordeliers à Paris (aujourd’hui l’Université Paris Descartes) ; il y créa le premier certificat de cytogénétique en France et le premier certificat de génétique générale.



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Une fidélité héroïque

Il recevra de nombreux prix dans le monde entier, dont le Prix Kennedy et le fameux Allen Memorial Award, la plus grande distinction en génétique. Plus d’une dizaine d’Académies scientifiques l’accueilleront parmi leurs membres avant d’être ostracisé par ceux qui l’ont encensé, car il refuse de se rendre aux arguments eugénistes et préfère prendre la défense de ses petits patients. Au risque de perdre beaucoup. Ce qui adviendra. Son engagement personnel est héroïque. Il suit sa conscience, sans dévier d’un millimètre. Les portes se ferment.

Mais d’autres, plus grandes encore, s’ouvrent à lui. Si son procès de canonisation est en cours à Rome, ce n’est pas en raison de ses travaux scientifiques mais c’est parce que le Professeur est un mélange harmonieux d’excellence scientifique et de respect de la personne humaine dans sa souffrance. Comme l’a écrit saint Jean Paul II au lendemain de la mort de son « frère Jérôme », Jérôme Lejeune « a toujours su faire usage de sa profonde connaissance de la vie pour le vrai bien de l’homme et de l’humanité ». Son amour inconditionnel, fidèle et courageux, et son intelligence aimantée par la vérité, révèlent un exercice élevé des vertus.

Au cours de ces dix années de recherche, j’ai été frappée et émerveillée par l’unité profonde de cet homme, l’unité entre son intelligence et son cœur, ses paroles et ses actes, sa vie personnelle et sa vie professionnelle. Cette liberté attire, inspire et dilate le cœur et l’intelligence.

Jérôme Lejeune : la liberté du savant

© Artège

Jérôme Lejeune, la liberté du savant, Artège, avril 2019, 480 pages, 22 euros

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