Dans un très beau roman, Xavier Accart, rédacteur en chef du mensuel de spiritualité chrétienne Prier raconte le destin compliqué d’un père et d’un fils dans une histoire riche en rebondissements. On y découvre à quel point la prière et l’accompagnement spirituel peuvent retourner le cœur et conduire à une vraie joie.Des persécutions contre les congrégations catholiques en 1903 à la seconde guerre mondiale, puis jusqu’à l’après-guerre et les années 1970, Xavier Accart a conçu une véritable fresque romanesque. Décrivant la présence de Dieu dans la simplicité de nos vies et l’irruption du sacré dans “le murmure d’une brise légère”, son roman, Le dormant d’Ephèse, permet de sentir, contre tous les discours mortifères, que la foi, l’espérance et la communion sont possibles. Nous ne sommes pas condamnés à la mort et à la solitude.
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L’histoire d’un père et d’un fils
L’histoire se noue autour du destin d’un père et d’un fils qu’un engrenage tragique a séparés. Xavier Accart, que nous avons interrogé, explique que dans cette filiation, “il y a quelque chose qui se brise au départ”. Renaud est contraint à l’exil et se retrouve obligé de quitter la femme qu’il aime. Il ne peut pas revenir et respecte le nouveau foyer que son amour de jeunesse, Mari, a dû construire en son absence. Il ne veut pas tout bouleverser. On peut avoir l’impression qu’il n’arrive pas à être père, du moins que les circonstances ne lui permettent pas de vivre sa paternité. C’est en exil, au service des orphelins, qu’il redécouvrira la beauté de la paternité.
Mais selon l’auteur, le cœur du roman, “c’est d’abord l’itinéraire de Malques pour pardonner à son père”. On suit ainsi pas à pas la beauté d’un itinéraire spirituel, tout en finesse et subtilité, qui va d’un ressentiment initial, un sentiment de révolte, à une gratitude magnifiquement décrite : “Le soleil couchant confondait dans un même rougeoiement ciel et terre. Malques sentait son cœur déborder d’amour, comme si tout son être, le temps de ce crépuscule, était devenu un immense Merci tourné vers le Père.”
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Quand la prière et l’accompagnement spirituel délivrent du mal
Une des dimensions fondamentales du livre, c’est le rôle que joue l’accompagnement spirituel. Là encore, on peut y voir la trace de la paternité, paternité non plus charnelle mais spirituelle, celle des hommes de foi et de prière. Dans l’itinéraire de Malques, c’est la conversation avec un moine, Dom Baz, enraciné dans la prière et la contemplation, qui lui permet d’affronter ses vieux démons et d’accepter de pardonner son père. Il dit en effet : “Ce dont vous avez besoin, Malques, c’est de devenir fils. Or, depuis le péché des origines, il me semble que cela consiste d’abord à pardonner à son père.”
L’itinéraire spirituel de Renaud est marqué par la tradition de la prière orientale et plus particulièrement la personne d’un évêque latin surnommé “le patriarche”, qui l’accompagne dans son chemin de foi : “Le patriarche, pour sa part, accompagnait silencieusement la métamorphose intérieure de Renaud.” Ce sont donc ces hommes de prière, se laissant habiter par Dieu, qui parviennent à trouver la parole capable d’illuminer la vie intérieure des personnages du roman. On découvre ainsi tout le lien entre prière et accompagnement spirituel.
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Le roman comme chemin spirituel
Selon Xavier Accart, dont c’est le premier roman mais non le premier livre, il y a à travers les différentes formes qu’il a pu aborder un fil conducteur très profond. C’est lui qui relie la recherche philosophique et théologique de sa thèse et son essai sur les symboles de la liturgie avec ce premier roman. Il s’agit du thème du “questionnement spirituel, des valeurs pérennes, du sens spirituel des choses.” L’intérêt de la forme romanesque dans cette aspiration, “c’est qu’elle permet de poser les choses de manière plus complexe encore que dans la pensée. On peut aborder toutes les dimensions du réel en même temps sans se cantonner au débat d’idées.”
Le roman permet d’entrecroiser “les dimensions individuelles, sociales et spirituelles de la paternité et de la transmission”. On voit toutes les imbrications et tous les plans de l’existence qui résonnent. “C’est pour cette raison que pour Platon, le meilleur outil pour aborder les problèmes les plus complexes de l’existence, c’est le mythe”. On comprend comme le roman peut devenir un véritable chemin spirituel qui montre la foi dans toute sa complexité et à quel point elle bouleverse la vie dans toutes ses dimensions.
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Il s’agit donc d’un roman d’une très grande richesse qui ne se limite d’ailleurs pas à la question de la paternité. C’est la question de la possibilité du sacré, de la joie de la foi et de l’éternité rendue présente dans la simplicité de nos vies qui affleure tout au long du récit.
Le Dormant d’Ephèse, par Xavier Accart, éditions Tallandier, janvier 2019, 19,90 euros.