Alors que le congrès des maires de France s’est achevé ce 22 novembre, le malaise des élus locaux de la République est palpable. Lassitude, isolement, sentiment d’abandon…Un maire sur deux ne souhaite pas se représenter aux élections municipales de 2020, révèle une enquête du Cevipof.Ils sont le premier maillon, ou en tout cas le plus visible, de la République. Considérés comme les piliers de la démocratie locale, les maires sont, parmi tous les élus, ceux qui bénéficient du niveau de confiance le plus élevé de la part des citoyens. Problème de voisinage, travaux de réaménagement urbain, projet d’ouverture d’une école, permis de construction mais aussi tourisme et attractivité du territoire, les maires sont sur tous les fronts. Mais aujourd’hui, les édiles des petites et grandes communes font grise mine. En 2014, 60% des maires sortants ont été réélus. Quatre ans plus tard et un an et demi avant les prochaines élections, ils sont 49%, soit un maire sur deux, à vouloir « abandonner tout mandat électif », révèle une enquête du Cevipof pour l’association des maires de France.
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Dans le détail, cette proportion atteint 55% pour les maires des communes de moins de 500 habitants contre 28% pour les communes de 5 à 10.000 habitants et 9% pour les communes de plus de 30.000 habitants. « Ces enquêtes sont intéressantes car elles donnent à comprendre ce que vivent certains élus », explique le Père Marc Lambret, curé de Sainte-Clotilde et directeur du Service Pastoral d’Études Politiques (SPEP). « Le climat social est tendu et les difficultés sont nombreuses en terme de territoire et d’identification. Mais il faut aussi prendre du recul, de la hauteur et replacer ces chiffres là où ils se jouent ».
“L’individualisation du rapport politique”
« Que dit ce chiffre (un maire sur deux ne compte pas se représenter aux prochaines élections, ndlr) de notre société ? », s’interroge le prêtre. « La logique du ‘réussir ou périr’ est de plus en plus présente, c’est un phénomène qui se généralise. Les gens, dont les maires font partie, vivent dans cette obligation, cet impératif de réussite. » « Finalement, il existe de nombreux points communs entre la vie d’élu local et celle de prêtre : on est humainement très fortement sollicité. Ce sont des situations où on a énormément de retours. Il y a de la gratitude et des remerciements mais il y a aussi beaucoup de pression ! Et encore plus pour les élus car cela touche à des questions matérielles ».
« Les édiles municipaux déplorent une relation de plus en plus individualiste entre le citoyen et son représentant municipal », souligne ainsi l’enquête. « L’individualisation du rapport politique observée au plan national touche désormais les collectivités locales de telle sorte que l’exigence aiguë des citoyens se transforme en relation consumériste vis-à-vis du maire ».
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Les maires interrogés dans le cadre de l’enquête du Cevipof avancent trois principales raisons pour justifier leur décision de ne pas se représenter : une volonté de privilégier la vie personnelle et familiale (70,8%), le sentiment d’avoir rempli son devoir civique (52,5%) et les exigences des administrés (36,7%). « C’est normal et heureux que les gens qui ont une vie familiale veuillent en profiter », se réjouit le Père Marc Lambret. « Ce que je vais dire relève du bon sens mais tout est une question d’équilibre. La vie de certains hommes politiques se structurent autour des mandats politiques jusqu’à en devenir, parfois, des drogués de la vie politique. D’autres élus ne veulent pas être uniquement l’homo politicus. Se pose alors pour eux la question suivante : quelle est la consistance de cet autre moi ? », détaille le curé de Sainte-Clotilde. « Qu’espèrent-ils ? En quoi croient-ils ? Le matérialisme, que j’associe à une certaine misère spirituelle, conduit selon moi à une plus grande facilité à s’effondrer, à jeter l’éponge face à l’insuccès. Interroger cet autre moi, trouver un équilibre de vie permet de faire naitre d’autres motivations, de nourrir d’autres espérances et d’agir autrement ».