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L’Europe confrontée aux mutilations génitales féminines

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Paul De Maeyer - publié le 21/10/18
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Selon les estimations de l’UNICEF, 200 millions de filles et de femmes de 30 pays du monde ont été infibuléesEn Allemagne, environ 65.000 femmes vivent l’horreur des mutilations génitales féminines (MGF de l’anglais Female Genital Mutilation)[1]. C’est 12% de plus que l’année dernière, indique la Deutsche Welle sur internet en citant les dernières estimations de Terre des Femmes, diffusées le 24 juillet dernier. Cette augmentation serait due à l’afflux de migrants en provenance de pays où cette pratique est très répandue, comme l’Érythrée.

“Depuis des années, ce nombre augmente également en Allemagne et montre à quel point le travail éducatif est important dans ce pays aussi”, souligne Christa Stolle, représentante administrative de Terre des Femmes. Pour mettre fin aux mutilations génitales féminines, outre les lois et les poursuites, il faut selon elle, “un travail de prévention et de protection” particulièrement minutieux “auprès des sujets à risque”, car “aucune fille ne devrait avoir à subir de mutilation à ses parties génitales”.

Selon l’organisation allemande, au moins 15.500 autres filles et jeunes filles sont menacées de telle pratique. Une pratique sanglante, voire totalement inutile et même dangereuse, dont les conséquences accompagnent les victimes traumatisées toute leur vie, sous forme de graves problèmes de santé, comme l’apparition de kystes, d’infections, voire de graves complications lors d’un accouchement. La période de vacances est un moment très critique : les filles sans méfiance sont emmenées dans le pays d’origine de leurs parents, où elles sont ensuite mutilées selon les traditions locales.

Pour la première fois depuis l’entrée en vigueur de l’article 124 du Code pénal suisse (le 1er juillet 2012), qui interdit la mutilation des organes génitaux féminins, une femme résidant dans le canton de Neuchâtel a été condamnée en juillet dernier à 8 mois de prison pour avoir soumis ses filles à cette pratique, rapporte toujours Terre des Femmes. Selon le droit suisse, même si les événements se sont déroulés à l’étranger, c’est-à-dire en Somalie et en Éthiopie, la femme était en effraction.

“Fleur du désert”

Une Somalienne de 36 ans, a raconté à la chaîne allemande sa terrible et douloureuse expérience. “J’avais 11 ou 12 ans. Plusieurs personnes m’ont tenue. Puis on m’a incisé. On m’a mise sur une table. Je revois la scène. J’ai senti une douleur terrible. Puis on m’a cousue. On m’a attaché les jambes ensemble pendant un mois pour que la blessure se cicatrise”. La jeune femme, qui se fait appeler Ifrah pour préserver son intimité, a expliqué que l’’intervention se fait avec un “objet coupant”. Les personnes qui procèdent à l’infibulation “n’ont aucune idée de ce qu’elles sont en train de faire”, estime-t-elle. “Elles ont un couteau, une lame de rasoir, et coupent…”.

La Somalienne est suivie depuis deux ans et demi par l’équipe du Dr Cornelia Strunz du Desert Flower Center, ouvert en 2013 à l’hôpital Waldfriede de Zehlendorf, au sud-ouest de Berlin. La clinique offre des soins qui comprend la chirurgie reconstructive. Celle-ci est parrainée par la top model somalienne et ambassadrice de l’ONU pour la lutte contre les MGF, Waris Dirie, auteur du livre autobiographique Desert Flower (Fleur du désert). Enfant, la jeune femme a elle-même été soumise à cette pratique sanglante. Une pratique qui peut entraîner la mort de la victime, comme dans le cas de sa sœur Ifrah, âgée de 9 ans, décédée suit à une hémorragie.


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Situation italienne

Alors qu’en Europe, les estimations font état d’environ un demi-million de femmes à avoir subi des mutilations génitales, leur nombre oscille en Italie entre les 60 et 80.000, révèle l’agence AGI, selon une enquête de l’Université Bicocca à Milan. Réalisée sur un échantillon de 1.400 femmes, cette dernière révèle que près des trois quarts des personnes interrogées sont contre cette pratique. En revanche, près d’une femme sur dix (8,3%) la défend et un “noyau dur” de 13,5% est même favorable à son maintien.

Alors qu’une majorité écrasante de femmes provenant de pays comme l’Érythrée (98,3%), le Ghana (93,9%) et l’Éthiopie (87,5%) sont favorables à l’interdiction des mutilations sexuelles féminines, parmi les femmes du Nigeria et du Burkina Faso, un pourcentage pour ainsi dire étonnamment élevé souhaite poursuivre cette pratique, respectivement plus de 45% (soit presque la moitié) et 34% (soit un peu plus du tiers).

Le cas du Kenya

Bien que la lutte contre les mutilations génitales féminines ait fait d’importants progrès dans différents pays du monde, au Kenya, où cette pratique est interdite depuis 2011, celle-ci risque de régresser. En effet, souligne le site de la Deutsche Welle dans un article du 5 février 32018, dans le pays africain, qui a interdit cette pratique en 2011, une femme médecin, Tatu Kamau, a lancé une action en justice pour la légaliser. “Les mutilations génitales féminines (MGF) font partie de notre héritage , soutient-elle. Les interdire équivaut à s’éloigner de nos racines africaines”. L’avocate de l’excision demande donc que “cette loi soit abolie afin qu’il soit légal pour nous de pratiquer notre culture”. Le docteur Tatu Kamau propose de médicaliser la pratique et de laisser les femmes adultes décider librement de se soumettre “oui” ou “non” au cut ( la coupe).

Selon Renate Staudenmeyer, de l’organisation Terre des Femmes, la proposition du docteur Kamau est néfaste, car elle minimise la “violence structurelle” qui se cache derrière cette pratique. “C’est une forme extrême de violence perpétrée contre les filles”, insiste-t-elle. A la mi-juin, le juge David Kemei de la Haute Cour de Machakos, au sud-est de la capitale Nairobi, a renvoyé l’affaire présentée par Tatu Kamau devant le juge en chef David Maraga, lui demandant de nommer un trio de juges pour statuer sur cette affaire, selon le quotidien The Star.

Situation mondiale

Selon les estimations du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), diffusées en février 2016 à l’occasion de la Journée internationale de la tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines, au moins 200 millions de filles et de femmes dans 30 pays du monde ont été mutilées en 2015. Cela représente une augmentation de 70 millions par rapport à 2014, due en partie à la croissance démographique dans certaines régions du monde et aux données gouvernementales en provenance d’Indonésie.

Environ la moitié de toutes les MGF sont pratiquées en Égypte, en Éthiopie et en Indonésie. Mais pendant la période 2004-2015, presque toutes les femmes âgées de 15 à 49 ans en Somalie  (98%) et en Guinée (97%) ont subi des MGF. Quant aux filles de 0 à 14 ans  – selon l’ONU, certaines subissent cette pratique dès la première semaine de leur vie.  Leur plus grand nombre est  enregistré en Gambie (56%) et en Mauritanie (54%).

L’ampleur et la brutalité de cette pratique, qui n’est mentionnée ni dans la Bible ni dans le Coran, expliquent pourquoi les Nations Unies ont inscrit les mutilations sexuelles féminines dans l’Agenda 2030 des objectifs pour le développement durable. “La dignité, la santé et le bien-être de millions de filles sont en jeu ; il n’y a pas de temps à perdre. Ensemble, nous pouvons et devons mettre fin à cette pratique néfaste”, a déclaré le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, dans son message pour la Journée internationale de la tolérance zéro 2018.



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*

1] Les MGF sont divisées en quatre grandes catégories ou procédés. Cf.  http://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/female-genital-mutilation.

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