En Italie, selon l’association “Save the Children”, 427.000 enfants ont été témoins de violences conjugales entre 2009 et 2014. Or ces violences, outre le drame qu’elles représentent pour celles qui les subissent, ont des conséquences à long terme sur les enfants. En seulement cinq ans, 427.000 enfants ont été témoins de violences sur leur mère, en Italie. Soit en assistant directement aux scènes de violence, soit parce qu’ils constatent des coups sur elle, ou bien ils relèvent des meubles et des objets cassés dans la maison. Ce sombre tableau est le résultat d’une enquête réalisée par l’Institut italien des statistiques (ISTAT), présenté début juillet par l’association de défense des droits de l’enfant Save the Children. Et encore l’ONG précise qu’il s’agit là “d’estimations” et non de données brutes. Les sources sur cette question sont encore “multiples, trop fragmentaires et insuffisantes” d’après l’association.
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Or une commission d’enquête parlementaire italienne a estimé dans un rapport d’une quarantaine de pages publié en février que 6,788 millions de femmes, soit 31,5% des femmes âgées de 16 à 70 ans en Italie, ont subi dans leur vie “une forme quelconque de violence physique ou sexuelle”. Dans la grande majorité des cas, infligée par “leur conjoint actuel ou ex-conjoint”. Parmi ces millions de femmes, plus d’une sur dix disent avoir eu peur pour “leur vie et celle de leurs enfants”.
Dans la moitié des cas (48,5%), les enfants sont des témoins directs de la maltraitance de leur mère. Mais ce pourcentage monte à 50% dans trois des cinq grandes régions italiennes : le Nord-Ouest, le Nord-Est et le Sud. Et dans 12,7% des cas – soit plus d’un enfant sur dix – les enfants eux-mêmes sont des victimes directes de la violence de leur père. L’étude de l’ISTAT révèle également une augmentation de 50% des condamnations définitives pour mauvais traitement au sein de la famille. Celles-ci sont passées de 1.320 en 2000 à 2.923 en 2016. Dans 94% des cas, ces peines concernent des hommes dont la moitié ont entre 35-54 ans.
1,4 million de mères maltraitées
Sur 1,4 million de mères maltraitées chez elles, plus de 446.000 continuent de vivre avec leurs bourreaux, souvent pour des raisons économiques. 174.000 d’entre elles déclarent que leurs enfants ont « assisté » aux violences ou les “ont subi directement”. Dans 97% des cas ce sont des femmes mariées. 71% sont italiennes, 40% des femmes au foyer. Et quatre femmes sur dix (34%) ont un diplôme supérieur, lit-on dans la synthèse du dossier.
Sur les 455.000 mères qui ne vivent plus avec leur conjoint violent et ont déclaré que leurs enfants ont assisté à la maltraitance ou subi eux-mêmes de mauvais traitements, sept sur dix sont séparées ou divorcées, et dans 42% des cas, elles ont entre 30 et 49 ans. Près de la moitié (46%) ont terminé leurs études secondaires et plus d’une femme sur trois (34%) sont des dirigeantes, des femmes d’entreprise ou des travailleuses indépendantes.
Parmi les 1,4 million de femmes victimes des violences répétées de leur conjoint actuel ou ancien, seulement 7% d’entre elles ont pleinement conscience du crime subi et ont essayé de sortir de cette spirale. Plus d’un tiers ont subi des mauvais traitements même pendant leur grossesse. Dans 43,6% des cas, leur partenaire était sous l’effet de l’alcool ou de substances psychotropes. Dans 19,7% des cas, il était en possession d’une arme. Plus d’une femme sur cinq ont envisagé l’idée de se suicider ou de s’automutiler.
Les victimes silencieuses
Il existe cependant tout un groupe de femmes qui, pour multiples raisons, gardent le silence. 548 000 “victimes silencieuses”, comme on les appelle, dont 61% d’entre elles sont mariées, 57% âgées de 55 à 64 ans, et 56% à avoir des enfants. Près de six femmes sur dix (57%) de cette catégorie parlent des violences subies comme quelque chose de simplement “pas bien” ou “qui s’est produit” mais jamais comme un “crime”. Et c’est pourquoi, en partie, elles hésitent à demander de l’aide. En fait, seulement 4% d’entre elles ont porté plainte, et près de quatre sur dix (soit 39%) l’ont retirée. Alors que 39% n’en ont parlé à quiconque, seulement 3% l’ont fait avec un avocat, 2% ont consulté un médecin et 2% encore se sont adressés à un centre d’écoute.
Les violences conjugales commises sous les yeux des enfants ne sont reconnues socialement, en Italie, que depuis la fin des années 1990. Selon la directrice des programmes Italie-Europe de l’association Save the Children, Raffaela Milano, leurs effets sur le “développement psychophysique” de ces “petits témoins” est “dévastateur”. Surtout si l’enfant est encore petit. Chez un enfant de moins de 4 ans, “assister à de telles violences peut nuire à son développement neurocognitif, et susciter des troubles de l’estime de soi, avec des effets négatifs sur ses capacités intellectuelles et relationnelles”, souligne-t-elle. L’enfant a du mal à nouer “des relations sociales”, à avoir des “relations amicales et sentimentales” et à les faire durer .
Quant aux adolescents, ils ont tendance à “perdre de l’intérêt pour les activités sociales, à souffrir d’une baisse d’estime, à éviter les relations avec leurs pairs”, rapporte Save The children dans son étude. Ils ont par exemple “des attitudes provocatrices à l’école, qu’ils transfèrent parfois sur les réseaux sociaux et dans leurs relations sentimentales”.
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L’attitude à avoir
Pour la directrice Raffaela Milano, il est indispensable de mettre en place un système de protection minutieux et généralisé qui “ne laisse jamais les femmes affronter seules le parcours complexe et douloureux qui les libèrera de la violence domestique”, et que l’on “prenne en charge immédiatement les enfants, sans attendre la conclusion des procédures judiciaires”.
Les violences domestiques dépassent largement le cadre de la famille. Édouard Durand, du Tribunal des Mineurs à Bobigny, dans la banlieue de Paris, en est convaincu. “Elles ont un impact sur toute la société et sur des générations”, confie-t-il dans un entretien au Nouvel Observateur. Bien que l’on commence à mesurer l’impact terrible de ces violences conjugales sur les enfants, sur leur développement et sur la société à moyen et à long terme, on a encore du mal, estime-t-il, à “dire qu’un violent conjugal est un père dangereux, et qu’il faut être protecteur”.
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