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Chili : « Cette renonciation collective est historique »

CHRSITOPHE DICKES

Christophe Dickès.

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Agnès Pinard Legry - publié le 18/05/18
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Après l’annonce ce 18 mai de la renonciation collective des 34 évêques chiliens interpelle, Christophe Dickès, journaliste et historien, décrypte pour Aleteia la portée de cet événement.

Venus rencontrer le Pape en début de semaine, les 34 évêques chiliens ont annoncé leur démission collective ce vendredi 18 mai quelques jours après la remise d’un rapport concernant des abus sexuels commis au Chili. Christophe Dickès, journaliste, historien et auteur de Le Vatican, vérités et légendes et L’héritage de Benoît XVI, revient pour Aleteia sur cet événement.

Aleteia : Comment analyser cette renonciation collective ?
Christophe Dickès : Il s’agit à mon sens d’un événement historique à double titre. D’abord parce que cela concerne directement la personne du Pape qui, à la suite d’une erreur qu’il a reconnue lui-même, a corrigé son appréciation à 180° en reconnaissant ses torts. Deuxièmement, il n’a pas hésité à convoquer l’ensemble des évêques chiliens à Rome, ce qui révèle une vraie volonté d’agir. Pendant trois jours, les évêques ont pu entendre les conclusions du rapport de Mgr Charles Scicluna, l’archevêque de Malte nommé enquêteur spécial au Chili après le voyage pontifical. Bien évidemment il est impossible de savoir le détail de ce fameux rapport. J’imagine qu’on ne renonce pas sans raison. Ayant affaire à une renonciation collective, on peut penser qu’une responsabilité collective a été reconnue. Alors qu’en début de semaine, on évoquait déjà une dizaine de renonciation ! Incompétence ? Inconséquence ? Irresponsabilité ?  L’avenir le dira… Mais nous avons affaire à des évêques qui ont renoncé à leur charge comme le permet le droit canon : « Quiconque est maître de soi peut renoncer à un office ecclésiastique pour une juste cause. » (Can. 187) Quelle serait cette « juste cause », sinon précisément le sens de la justice ? L’évêque est là afin de gouverner, d’enseigner et de sanctifier le troupeau. Comment peut-on gouverner, enseigner justement et surtout sanctifier sans cultiver le sens de la vérité et donc de la justice ?

Cet événement témoigne-t-il d’une volonté de l’Église catholique d’aller vers une tolérance zéro en matière de pédophilie ?
C’est une évidence. Même s’il faut reconnaître que nous avons ici affaire à une réaction, à la suite du voyage chilien du pape, plutôt qu’à un travail pro-actif. François se place malgré tout dans les pas de Benoît XVI. C’est dans cet esprit qu’il a créé une Commission pour la protection des mineurs peu après son élection. Mais des querelles de juridiction demeurent malheureusement avec le Congrégation pour la Doctrine de la Foi comme l’ont montré les démissions de plusieurs laïcs qui travaillent dans cette commission. Plus globalement, le problème de la pédophilie de l’Église ne peut se résoudre qu’à partir du moment où les conférences épiscopales réalisent un travail de transparence, de tolérance zéro et d’accompagnement des victimes. Bref, qu’elles prennent leur responsabilité. Rome ne peut agir seule afin de faire appliquer les nouvelles normes sur les délits les plus graves dans l’Église. En 2016, ces normes ont été complétées par une lettre apostolique dans laquelle le pape François décide qu’un évêque peut être « révoqué de ses fonctions s’il a commis, par négligence ou par omission, des actes ayant causé un grave préjudice [physique, moral, spirituel ou financier] à autrui ». Y sont inclus « les abus sur mineurs ou adultes vulnérables ». Désormais, le jugement d’un évêque ne relève plus de la seule compétence de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, mais aussi du pape et d’autres congrégations compétentes, notamment celle en charge du clergé.

Pourra-t-elle être un jour vraiment effective ?
En dépit des efforts du Vatican, les crimes et les scandales de pédophilie planent toujours comme une ombre sur l’Église. Même si les actes incriminés appartiennent majoritairement au passé, il faudra à mon sens au moins une génération pour que l’horizon s’éclaircisse, d’autant que passer de la parole aux actes n’est pas si aisé comme le révèle de façon terrible l’affaire chilienne.

Que dit cette démission collective de l’autorité du pape François ?
Il est très difficile de répondre à cette question. Les évêques ont-ils renoncé ensemble sous l’injonction de François ou ont-ils renoncé de leur propre chef à la suite des conclusions catastrophiques du rapport ? Nous le saurons peut-être dans les jours qui viennent. Le mea culpa du pape François sur ce sujet est une bonne chose, cela témoigne de sa volonté d’être intransigeant sur ces crimes et de ne pas subir. Encore une fois, il faut prendre ces affaires au cas par cas, pays par pays. Mais malheureusement, Rome règle et tranche des affaires alors que le pape François lui-même souhaite opérer une décentralisation dans l’Église afin de responsabiliser les évêques. Rome ne peut gérer à elle-seule les quelques 1,4 milliard de catholiques ! Dans ces affaires, la responsabilité des évêques, cheville essentielle de la hiérarchie ecclésiastique, est centrale. Si Rome ne reprend la main que très tardivement, au risque d’être elle-même éclaboussée, c’est parce que les autorités diocésaines ne font pas leur travail.

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