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Plaidoyer pour une sexualité augmentée

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Guillaume Desvignes - publié le 13/04/18
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Comment ajuster sa sexualité pour qu’elle devienne pleinement épanouissante ? Dans un univers hyper-érotisé et pourtant plus frustrant que jamais, chacun est amené à se poser cette question. Dans un stimulant dialogue, Mgr Emmanuel Gobilliard et la sexologue Thérèse Hargot proposent enfin des réponses réalistes et motivantes. Au bout du chemin ? La joie, tout simplement.

Comment ajuster sa sexualité pour qu’elle devienne pleinement épanouissante ? Dans un univers hyper-érotisé et pourtant plus frustrant que jamais, chacun est amené à se poser cette question. Dans un stimulant dialogue, Mgr Emmanuel Gobilliard et la sexologue Thérèse Hargot proposent enfin des réponses réalistes et motivantes. Au bout du chemin ? La joie, tout simplement.

Ils sont nombreux les indices récents qui indiquent que la prétendue libération sexuelle parvient au terme de sa propre logique. Et si l’on juge l’arbre à ses fruits, le moins que l’on puisse dire est qu’elle a manqué son objectif. Cinquante ans après l’explosion de mai 1968, le slogan « Jouissez sans entraves » — devenu injonctif — a engendré de lourdes conséquences : familles détruites, porno-dépendance, instrumentalisation sexuelle des êtres, relations virtuelles, quand il ne s’agit pas de perversions plus lourdes encore. C’est ainsi que dans un essai récent et nerveux, intitulé L’autre héritage de 68 (Albin Michel), l’historienne et militante féministe Malka Marcovich, dresse la liste des conséquences accablantes de ce puissant mouvement sociétal, en particulier l’indulgence dont a bénéficié la pédophilie dans certains milieux progressistes (et de rappeler les stupéfiantes pétitions publiées par Libération à la fin des années 1970), mais aussi les pratiques incestueuses dans des familles déstructurées, la violence sexuelle en milieu scolaire.

Un principe funeste élevé en vertu

Dans un tout autre registre, que dire ce cette actrice porno française récemment stupéfaite et meurtrie de recevoir, via les réseaux sociaux, les avances sexuelles ultra-dégradantes formulées par de très jeunes ados fascinés par ses « prestations », librement accessibles sur les portails X via n’importe quel smartphone ? Mais si de plus en plus nombreux sont ceux qui décrivent avec lucidité les effets d’une sexualité devenue folle, « déplorant les effets dont ils chérissent les causes », ces lanceurs d’alerte inattendus peinent encore à voir que le ver était dans le fruit dès le début de cette pseudo émancipation. Tout part de là pourtant, et d’un principe funeste élevé en vertu : l’individualisme forcené, euphémisé en « hédonisme ».



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Tel est le point de départ de l’échange entre Mgr Emmanuel Gobilliard et Thérèse Hargot qu’a recueilli avec talent le journaliste Arthur Herlin, de l’agence I-Média, et collaborateur régulier d’Aleteia. La sexualité, rappellent le prélat et la sexologue, est avant tout relation, impliquant l’âme, le cœur et le corps. Tout sauf une démarche égocentrique, puisqu’elle procède de l’incomplétude sexuelle des individus nés — quoi qu’en en dise désormais — homme ou femme. Or, par un tour de passe-passe sémantique plus ou moins conscient, l’époque a réduit de manière dramatique la sexualité à la génitalité. N’ “ont une sexualité (que) ceux qui pénètrent ou se font pénétrer sexuellement”comme le résume sans détour Thérèse Hargot. Dans un tel contexte, toutes les expériences se valent et il convient de les pratiquer si possible à un rythme élevé, condition essentielle pour parvenir à l’épanouissement sexuel et même à une vie réussie. Si seulement…

La sexualité en pleine liberté

Dans le cabinet de la sexologue, comme dans le confessionnal de l’évêque, défilent des personnes de tous les types, rongés par la culpabilité suscitée par une sexualité insatisfaite et parfois toxique. Ces femmes qui se sentent obligées de satisfaire les besoins sexuels de leurs maris quitte à éprouver le sentiment de se prostituer, ces hommes mariés qui consomment de la pornographie en cachette et bricolent des justifications bancales pour maquiller ce qu’est cette pratique en réalité : une forme d’adultère. Les exemples très concrets sur lesquels s’appuient les deux interlocuteurs confèrent une densité singulière à leur propos, loin des traités iréniques et déconnectés que l’Église a trop souvent publié et qui ont sans doute contribué à rendre son discours parfois inaudible.

Enseignement capital donc, que Jean Paul II avait clairement formulé : la sexualité réduite à la génitalité se retrouve singulièrement appauvrie. Pour lui redonner sa pleine dimension, la première des solutions est de l’exercer en pleine liberté. Or la liberté, ce n’est pas avoir le choix, mais choisir. Choisir d’aimer en l’occurrence – ce qui explique la citation de saint Augustin utilisée dans le titre de l’ouvrage – et de s’inscrire dans un don total à l’autre. Et qui dit total, dit définitif et exclusif, ce qui exclut par exemple le divorce ou l’adultère. C’est toute la force de cet ouvrage que de montrer que si l’Église désapprouve ces pratiques, ce n’est pas parce que « c’est mal », mais parce que ce sont des maux qui blessent les personnes au plus profond de leur humanité.


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Enrichir sa sexualité par le don total, est-ce pour autant réduire la part de la génitalité ? Non, répondent en chœur Emmanuel Gobilliard et Thérèse Hargot. « La relation sexuelle est bonne ! Elle est l’expression la plus forte, la plus intime et la plus belle d’une relation d’amour entre deux êtres », souligne l’évêque auxiliaire de Lyon. Le mépris du corps, la méfiance à l’encontre de la sexualité, sont à proscrire absolument d’autant plus que, par effet boomerang, elles peuvent conduire à des comportements déviants, sources de souffrances pour les individus concernés. Nul angélisme dans le propos, mais une volonté de mener une réflexion aussi réaliste que possible. « Le mariage, c’est une affaire de sang, de sperme, de sueur, de peau à peau », assène la sexologue. Et la première question à se poser avant d’engager une réflexion sur d’éventuelles fiançailles, selon la sexologue, a le mérite d’être claire : « Ai-je envie de faire l’amour avec elle, avec lui ? ».

Deux réflexions bien peu épiscopales dans leur formulation, mais qui n’offusquent pas l’évêque pour autant. Tel est le ton de cet ouvrage qui balaye tous les champs, même les plus obscurs ou les plus délicats comme la masturbation, la contraception, l’homosexualité, l’avortement ou la pédophilie en milieu clérical ou non. Et cela fait du bien après des décennies de langue de bois qui ont rendu l’Église quasi muette, laissant libre champ à toutes les caricatures alors qu’elle est sans doute la seule à proposer une vision intégrée et réellement épanouissante de la sexualité. Pour faire le point sur soi-même, pour booster son couple, pour aider des proches englués dans une sexualité mal ajustée, pour parler à ses ados, ce recueil peut se révéler une aide précieuse. Mais il saura aussi parler avec pertinence aux personnes consacrées, à celles et ceux qui vivent un célibat non choisi ou encore aux couples confrontés à l’infertilité.

Aime et ce que tu veux, fais le !

Mgr Emmanuel Gobilliard et Thérèse Hargot – Entretiens avec Arthur Herlin, Aime et ce que tu veux, fais-le ! Regards croisés sur l’Eglise et la sexualité, Paris, Albin Michel, 2018, 245 p., 19 euros.

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