La congrégation des sœurs de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur se prépare à célébrer le 150e anniversaire de la mort de sa fondatrice, sœur Marie-Euphrasie Pelletier, l’une des saintes d’Anjou qui a marqué le XIXe siècle. En quelques années, elle est parvenue à développer une œuvre présente sur les cinq continents au service des femmes “égarées”.Grégoire Bordillon, grand préfet républicain de Maine-et-Loire pendant la Révolution Française de 1848 a déclaré un jour : « Il n’y a qu’un homme à Angers, c’est la mère Pelletier ! ». Une marque de reconnaissance et de respect à la hauteur de cette femme remarquable et pourtant méconnue qui a œuvré toute sa vie pour les femmes et les enfants en détresse.
« Une personne vaut mieux qu’un monde »
Ces paroles de Marie-Euphrasie Pelletier (1796-1868) reflètent parfaitement sa vision très positive de la personne humaine. Pour elle, l’Amour de Dieu est incommensurable et chacun en est digne. « Jeune fille, elle a fait l’expérience de cet Amour, explique sœur Denise de la Maison-Mère d’Angers. Originaire de l’île de Noirmoutier, elle est allée en pension à Tours. C’est là qu’elle a appris le décès de sa mère bien aimée. À l’époque, il fallait trois jours et trois nuits pour retourner sur l’île, elle n’a donc pu se rendre à l’enterrement. Là, au cœur de la solitude et de la souffrance, elle a ressenti la tendresse de Dieu, et c’est cet Amour qu’elle a voulu transmettre ».
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Marie-Euphrasie s’engage à 18 ans dans la vie religieuse et entre chez les sœurs de Notre-Dame de Charité à Tours, communauté fondée en 1641 par saint Jean Eudes et qui accueille des jeunes femmes blessées par la vie et rejetées par la société. Devenue supérieure du couvent de Tours, une de ses premières initiatives est la création de la communauté des Sœurs de sainte Madeleine pour les femmes accueillies qui désirent entrer dans la vie religieuse. À la demande du clergé local, elle fonde ensuite une maison à Angers dont elle devient la supérieure. Chaque établissement étant indépendant, cette femme dynamique et énergique a l’idée novatrice de créer une nouvelle organisation afin de mettre en commun les ressources humaines et matérielles et de mieux répondre aux nombreuses demandes de fondations. Elle obtient le soutien du pape Grégoire XVI et c’est ainsi que naît la congrégation du Bon Pasteur, dont Angers devient la Maison-Mère. Le principe y est le même que chez les sœurs de Notre-Dame de Charité : accueillir les femmes risquant de tomber dans la « mauvaise vie », et leur donner un gîte, un couvert, une éducation, mais avec un mode de gouvernement centralisé.
« Marie-Euphrasie se montre très avant-gardiste en matière de pédagogie comme en témoignent les consignes qu’elle dispense aux sœurs lors des cours de formation », analyse Sarah Elbisser, responsable du patrimoine à la Maison-Mère de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur à Angers. « Rappelez-vous que par la force on n’obtient rien. Une tasse de lait chaud donnée fait plus que de longs discours », souligne par exemple Marie-Euphrasie. À une époque où les châtiments corporels sont monnaie courante, elle privilégie la douceur, croyant non seulement dans la dignité absolue de toute personne mais aussi dans ses potentialités, sa capacité d’évolution : « Évitez de sermonner beaucoup et surtout ne les humiliez jamais, jamais… Relevez-les toujours à leurs propres yeux. » Cette vision humaniste rejoint sa foi : nul n’est jamais trop loin pour Dieu et Son pardon sans restriction.
“N’ayez pas peur des obstacles”
“N’ayez pas peur des obstacles que vous rencontrerez”, avait coutume de dire cette sainte attachante. Ne craignez pas quelques petites épreuves. Les arbres que l’agriculteur taille sont les plus beaux. » Et de fait, l’audace et l’esprit d’initiative dont fait preuve Marie-Euphrasie ne sont pas courants pour l’époque et elle doit combattre les résistances de l’Église et les préjugés sociaux de son temps qui se dressent face à elle et l’entravent dans sa mission. Mais battante et volontaire, elle n’a pas peur des défis et ne se laisse pas décourager comme l’illustre Elodie Comoy, chargée de communication de la Maison-Mère d’Angers avec « l’histoire du tunnel » : « en 1854, sainte Marie-Euphrasie Pelletier achète l’ancienne abbaye Saint Nicolas, mais celle-ci se trouve en dehors de la clôture monastique que les sœurs doivent observer. Loin d’abandonner la partie et malgré les avis négatifs, elle décide de faire creuser un tunnel permettant de joindre l’abbaye aux jardins de la Maison-Mère. Long de 55 mètres, le tunnel est une manière créative et pratique de contourner la difficulté tout en respectant la règle canonique ! »
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Pour Marie-Euphrasie, sa mission ne doit pas s’arrêter à une ville ou une fondation. « Je ne veux plus que l’on dise que je suis française. Je suis de tous les pays où il y a des personnes à aider », disait-elle. Elle donne une expansion universelle à sa congrégation. Elle voyage beaucoup, en France et en Europe, pour aller fonder et visiter ses nouvelles congrégations, discuter avec les autorités locales, créer des partenariats. « Elle se déplace d’abord en diligence puis en train, au début de l’histoire des chemins de fers français. C’était très moderne pour l’époque ! », rappelle Sarah Elbisser. En 1842, des sœurs traversent l’Atlantique et partent à Louisville, aux États-Unis. L’Algérie accueille la congrégation l’année suivante en 1843, et l’Inde en 1854. Du vivant de la fondatrice, les sœurs du Bon Pasteur vont jusqu’en Australie en s’établissant à Melbourne en 1863. Attentive aux évènements, aux informations reçues, Marie-Euphrasie envoie des sœurs sur les routes de l’émigration, près des marchés d’esclaves, à l’aide des jeunes détenues… là où la situation des femmes est la plus fragilisée. À sa disparition le 24 avril 1868, elle est à la tête de 110 maisons sur les cinq continents.
« Madame de l’Espérance »
« Le pape François nous appelle à aller vers les périphéries, c’est ce qu’elle a fait, elle-même et avec ses sœurs, pour venir en aide aux pauvres, aux plus faibles, à ceux qui sont en détresse, constate sœur Denise. Par exemple, révoltée par le trafic d’êtres humains, elle a envoyé des sœurs dans certains pays où elle savait que des enfants étaient vendus afin de les sauver de l’esclavage et de leur offrir une nouvelle vie. Elle avait peu de moyens mais beaucoup d’audace, de créativité, de charisme et d’espérance. L’une de ses bienfaitrices, la comtesse d’Andigné, l’appelait d’ailleurs de ce joli surnom : « Madame de l’Espérance ». C’est cela qui lui permettait de continuer à avancer, de rencontrer des personnes pour trouver des fonds et poursuivre sa mission ».
En 2014, les Sœurs du Bon Pasteur et celles de Notre-Dame de Charité se réunifient avec toujours le même but : venir en aide aux femmes et aux enfants blessés et rejetés. La congrégation, reconnue ONG (organisation non gouvernementale) auprès de l’ONU, est présente dans 74 pays à travers le monde (516 communautés). Elle comprend des communautés de sœurs de vie active en mission sur le terrain et des communautés de sœurs de vie contemplative qui sont les héritières des sœurs de Sainte Madeleine et soutiennent le travail de leurs sœurs apostoliques par la prière.
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Fêtée le 24 avril, jour anniversaire de sa mort, Marie-Euphrasie Pelletier a été canonisée en 1940 par le pape Pie XII. Pour célébrer le 150e anniversaire de la mort de sainte Marie-Euphrasie Pelletier, le Centre Spirituel de la Maison-Mère du Bon Pasteur propose deux journées de découvertes, de rencontres et de partages avec les sœurs de la Congrégation :
Samedi 21 avril à 16 heures : Concert d’orgue, chant et poésie dans la chapelle du Bon Pasteur suivi par un temps de partage avec les sœurs et un verre de l’amitié.
Dimanche 22 avril à 10 heures : Messe célébrée dans la chapelle du Bon Pasteur
Le Musée du Bon Pasteur sera ouvert à partir de 14 heures ces deux jours au tarif spécial de 3 euros (visite guidée à 15 heures).
Maison-Mère du Bon Pasteur – Centre spirituel
3, rue Brault – 49045 Angers Cedex 01 – 02 41 37 59 47