Smartphones, tablettes… Facebook, mails, Pinterest, Instagram… L’hyperconnexion sollicite à outrance notre cerveau. Le résultat : Déconcentration, stress et fatigue. Et si on apprenait à mieux gérer notre flux numérique ? A débrancher un peu… pour vivre plus ! Elle était connectée H 24 sur le net, travaillait en continu, checkait ses mails non stop, répondait à ses clients le samedi à 2 h du matin via son Iphone, se démultipliait à l’infini en jouant au ‘’ping pong’’ avec les quarante fenêtres ouvertes sur son ordinateur. Ses clics l’amenaient à d’autres clics, sans fin. Elle se sentait superwomen, capable de tout gérer en même temps.
Qui est cette homo numericus ? Julie, 33 ans, graphiste et créatrice d’une agence de communication. Comme elle, un actif sur deux consulte sa messagerie professionnelle sur son mobile en dehors du boulot (trajet, soir, week-end et… vacances). Et déclare régler des problèmes personnels au travail*. L’utilisation des nouveaux outils de communication a modifié les manières de travailler et accéléré le phénomène du ‘’blurring’’ : les frontières entre vie privée et vie professionnelle sont devenues floues.
Une large majorité considère le travail nomade comme un gain de productivité mais aussi, pour la moitié, source de stress. Ils se trouvent trop sollicités et ont l’impression de trop bosser. Ces hyperconnectés aimeraient mieux gérer leur flux numérique mais n’y parviennent pas. Logique. La toile est devenue le prolongement de notre conscience. Et le smartphone, détenu désormais par 77 % de français**, a envahi notre quotidien, nous suivant partout, y compris la nuit.
Pourquoi sommes nous accro ?
Les responsables de cette hypersollicitation sont moins nos collègues et nos boss que… nous. « Nous nous l’imposons en consultant nos messages au fil de l’eau et en surfant dès que nous avons un moment de libre », souligne la sociologue Catherine Lejealle. Tout en (essayant) de travailler, on tweete une info, poste une photo sur Instagram, épingle sur Pinterest, commente sur Facebook et, bien sûr, on checke si on a bien été Liké. En 2016, on passe en France 1 h 20 sur les réseaux sociaux***.
Les notifications nous rendent accros et les infos, qui renvoient à d’autres infos, chronophages. « Je ne me rendais pas compte que je travaillais en permanence, surfer sur Internet est tellement ludique ! », explique Sophie, 38 ans, communauty Manager. Le vagabondage web est facile, fluide, captivant mais pas seulement : l’hyperconnexion nous donne l’impression d’être une salariée super pro et indispensable. Elle nous procure « un sentiment de pouvoir, la sensation d’être reconnue et valorisée, l’impression d’être active et de tout savoir en temps réel », ajoute Catherine Lejealle. « Elle répond en plus à des peurs (rater une info, une interaction sociale, une expérience), une anxiété appelée FOMO ou Fear of Missing Out ». Le psychiatre Christophe André évoque même la boulimie dans Psychologies****: ‘’nous devenons obèses d’infos inutiles, de liens virtuels. Nous n’arrivons plus à nous autoréguler’’. Ce tourbillon nous laisse la plupart du temps insatisfaits.
Des effets secondaires nocifs
Il y a un an, Julie a fait un mini burn out : « J’étais au bout du rouleau. Les gens m’insupportaient, même mes clients. Mon travail était pollué par de multiples interférences dues au Net. J’avais une sensation de trop plein, de messages, d’applis, d’infos. J’étais happée, prise dans un engrenage. Mais surtout, j’enchainais les insomnies. J’ai lu qu’elles étaient liées aux pollutions visuelles ».
Les hyperconnectés ont l’impression de se perdre, d’avoir la tête qui explose, d’être speed, de s’appauvrir intellectuellement. Ce n’est pas nous qui utilisons Internet, c’est Internet qui nous utilise, qui vrille notre concentration et nous détourne de notre travail, nous poussant, parfois même, à commettre des bourdes. Genre le mail pro auquel on répond entre deux stations de bus et qui se révèle erroné.
Le laboratoire de médias interactifs de Stanford, qui voulait à l’origine prouver les avantages du ‘’multitâche’’, a conclu que ‘’les individus qui font plusieurs choses à la fois mélangent toutes les informations. Ils gobent tout et n’importe quoi sans discernement. Les multitâches sont tout simplement mauvais à presque toutes les tâches’’*****. Ce qui est vrai, en revanche, c’est que les accrocs au Web subiraient des modifications cérébrales similaires à celles dépendantes de la drogue ou de l’alcool, selon une étude chinoise******: ‘’ les sujets des troubles de dépendance Internet sont associés à des changements structurels et fonctionnels dans les régions du cerveau impliquant dans le traitement des émotions, de l’attention exécutive, prise de décision et le contrôle cognitif’’.
Tout débrancher ?
Impossible de débrancher totalement, Internet est un formidable progrès, un outil de libération, de connaissance et de réflexion…. A condition de reprendre le pouvoir sur lui : maîtriser l’outil, en faire usage de façon raisonnée, y aller uniquement par nécessité, bref se désaccoutumer.
Julie a viré son Mac de la maison, les notifications et les pastilles sur son Iphone. Le soir et le week-end, elle met sur off la fonction wi fi. Les premières semaines, une envie irrésistible la poussait à yeuter l’écran de son Iphone. « C’était dur, surtout pour ma conscience professionnelle. Je stressais de ne pas répondre dans la seconde à mes clients. J’ai mis en place une réponse e-mail automatique leur signifiant que j’avais bien reçu leur message. Ça les fait patienter jusqu’au lundi ou mon retour lorsque je pars en vacances ».
Pour l’aider, elle s’est remise à la danse modern-jazz deux soirs par semaine. Elle en ressort tellement épuisée qu’elle n’a plus de tentations. Le lundi, elle doit gérer un bloc de mails, mais en une matinée, c’est expédié. Pour mieux se concentrer, elle pose à l’envers son smartphone, mis sur silencieux, et vers 17 h, elle fait une pause, navigue, tchatte.
Sophie, elle, libère son cerveau en regardant des docus animaliers et en s’adonnant au yoga. « Je me souviens qu’à la première séance, j’étais paniquée. 90 minutes sans toucher à mon portable, ni partager mes pensées me paraissaient insurmontables. Plus j’enchainais les postures, plus j’avais l’impression de vider mon cerveau. Il ne se passait rien, je ne produisais rien, je n’échangeais rien. Depuis, j’y vais chaque dimanche soir. Seule. Je démarre ma semaine zen, centrée et les idées en place. Pratiquer le yoga efface le tableau noir des ‘’scribouillis’’ que j’ai dans ma tête, toutes ces infos qui se mélangent après une session Internet ».
Aujourd’hui, elle ne panique plus à l’idée de rater une info, de répondre plus tard à un mail ou de ne pas tweeter au bon moment, « ce qui m’a permis de réaliser que, finalement, la sélection des messages se fait naturellement : les plus importants reviennent ». Elle hiérarchise les priorités et privilégie les interactions de qualité. Sa dernière trouvaille est le logiciel OmmWriter, un traitement de texte qui permet de travailler sur fond de paysage neigeux, masque icônes et fenêtres ouvertes, et qui diffuse une musique apaisante. Elle a rendu son portable pro : ses clients la joignent sur son fixe du boulot. A l’ancienne. Conséquence ? Comme Julie, elle revit ! En devenant mono tâche, elle a gagné en concentration, donc en créativité et efficacité. Le numérique est redevenu son outil de travail. Plus sa vie.
Sources :
*Ifop/Room 2013
** In ‘’Les Français et leur smartphone : une relation fusionnelle’’, Enquête Deloitte « Global Mobile Consumer Survey » janvier 2017
***www.blogdumoderateur.com
****Janvier 2013
*****in Lefigaro.fr février 2013
****** in la revue PLoS ONE 2012