Son aspect éducatif est souvent mis en avant mais la surexposition aux tablettes est, pour les médecins, un réel problème. Alors, outil pédagogique ou danger ? Le point avec le psychiatre Serge Tisseron. En voiture, en train, pour les occuper, la tablette est devenue la meilleure alliée des parents. Seulement voilà quand on est un parent occupé le temps peut vite nous échapper et les heures passées devant l’écran s’accumuler ! Quels sont les risques pour les enfants à passer trop de temps devant les écrans ? Et quel est le réel intérêt pédagogique de ces nouveaux outils ?
Le 1er mars 2017 le docteur Anne-Lise Ducanda, médecin dans une PMI d’île de France postait une vidéo sur youtube dans laquelle elle alertait du danger de la surexposition des enfants aux tablettes et autres écrans. Elle s’inquiétait du développement de « symptômes autistiques » chez des enfants trop confrontés aux écrans. Les tablettes, téléphones et autres nouvelles technologies seraient-ils alors à bannir pour les enfants ?
Pour le psychiatre Serge Tisseron, en aucun cas on ne devrait associer l’autisme à cette problématique. «L’autisme est une maladie grave qu’il ne faut pas confondre avec des signes d’enfant surexposés aux écrans » explique-t-il. « Si le repli sur soi, l’isolement et l’indifférence sont des symptômes de l’autisme, ils ne représentent qu’une petite partie de cette maladie. Un enfant de moins de trois ans, qui passe plus de 2 heures par jour devant la télévision, sera affecté sur la longue durée précise t-il. Des études montrent que la surconsommation d’écran à cet âge peut laisser des séquelles qui affectent l’enfant jusqu’à l’adolescence, et probablement au delà. Un enfant, laissé seul devant une tablette, développera des syndromes d’abandon par manque d’interaction avec un autre humain.
Donner le temps à l’enfant de se construire
Pour Serge Tisseron, « il faut respecter l’âge et la durée auxquels on expose les enfants aux tablettes ». Auteur des balises 3 6 9 12, âges qui correspondent à des moments bien précis de la vie de l’enfant, le psychiatre explique qu’on ne gère pas les écrans de la même manière en fonction des âges. Avant 3 ans par exemple, l’enfant a besoin de construire ses repères dans l’espace, ainsi que sa relation multisensorielle aux objets : odeur, consistance de ses derniers. Le repère temporel est aussi très important, or avec une tablette « tout est basé sur la répétition des actions, l’enfant n’apprend pas l’irréversibilité de certaines de ses actions. A chaque âge correspondent des priorités » conclue-t-il.
Construire tous ses repères prend du temps pour un enfant, or l’écran lui prend ce temps nécessaire à son développement. « Prenez un enfant de 8-9 ans, on l’empêche de passer autant de temps devant l’ordinateur car pendant ce temps il ne fait pas ses devoirs » détaille le psychiatre.
La tablette, un outil pédagogique ?
« L’Efficacité des applications n’a jamais été démontrée » rappelle Serge Tisseron. Il s’agirait plutôt de revenir à l’utilisation première des tablettes : le divertissement. L’utilisation d’une tablette devrait être obligatoirement accompagnée d’un adulte, sur une période courte et « l’enfant doit être invité à parler de ce qu’il voit et fait sur la tablette ».
Pour les nouveaux parents, de plus en plus connectés, et parfois plus à l’aise devant un écran qu’avec des jouets « la tablette peut apporter le plaisir de jouer ensemble.» Cependant elle ne devrait pas être le seul moyen de divertissement d’un enfant mais « son utilisation doit se faire en complément des jouets traditionnels » précise Serge Tisseron.
Trouver le juste milieu entre l’utilisation de la tablette et les jeux traditionnels, voilà le véritable défi. Même si certaines applications dites « éducatives » ont été développées, rares sont les enfants qui y portent un réel intérêt. Serge Tisseron donne l’exemple de Scratch, une application avec laquelle les enfants âgés de 5 à 7 ans peuvent programmer leurs propres histoires et des jeux interactifs, « c’est un excellent outil de création mais ce n’est pas un logiciel éducatif ». Sans parler qu’ il vaudrait mieux favoriser les jouets qui exercent l’habilité des mains comme le pliage, le découpage… qui ne sont pas réellement stimulées lorsque l’on joue sur une tablette.
Pour plus d’informations sur les balises de Serge Tisseron un ouvrage est disponible : 3-6-9-12 apprivoiser les écrans et grandir aux éditions Eres.