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Reportage. Les chrétiens iraniens au cœur de la République islamique

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Sebastiano Caputo - publié le 09/06/16
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Bien loin des préjugés, les fidèles du Christ, présents depuis des siècles, font partie intégrante de la société.Ispahan, Iran. Le jour vient à peine de se lever. Sur la place centrale de Jolfa, le quartier où vivent les Arméniens de la ville de confession chrétienne, un petit groupe d’anciens s’est réuni de bonne heure. Assis sur des bancs et sur les murs, à l’ombre des pins les protégeant de la chaleur, ils parlent de tout et de rien. Aux alentours, le rythme de la vie s’écoule paisiblement. Les étudiants se dirigent à pied vers l’université d’Histoire de l’art située à une centaine de mètres de là, tandis que les commerçants ouvrent leurs boutiques et que les ouvriers reprennent le travail.

Les bâtiments en terre cuite ocre, mêlés aux pavés de la rue, surplombés par les clochers des églises donnent au panorama des airs de cité médiévale d’Occident. Pourtant, nous sommes bien en Iran. Une femme couverte d’un foulard arguant sa fille en farsi nous retire un dernier doute. “Ani ! Ani ! Viens ici !”, crie-t-elle.

Chapelet et tasbih

Jolfa est devenu un quartier arménien lorsque les survivants du génocide du début du XXe siècle, ont accepté la main tendue par leurs frères présents dans la région depuis la nuit des temps. Au fil des âges, l’intégration faisant effet, la communauté s’est “iranisée” pour finalement devenir un lieu de coexistence pacifique entre chrétiens et chiites. Dans la rue, les hommes marchent main dans la main comme il est de coutume en Orient, l’un tient un chapelet, l’autre, un tasbih islamique.

Les mosquées, elles aussi, cohabitent pleinement avec les édifices chrétiens tels que la cathédrale Saint-Sauveur, autrement appelée cathédrale de Vank, et les douze églises voisines. C’est un vendredi, jour de prière pour toutes les religions, que nous sommes rendus à Sainte-Catherine, pour y rencontrer les fidèles chrétiens. L’architecture de l’église avec son toit bombé rappelle le style oriental des mosquées islamiques. Avant de pénétrer dans le lieu de culte, le gardien nous invite à enlever nos chaussures, signe de la proximité qui règne entre islam et christianisme. “Quand deux religions ont vécu ensemble pendant des siècles et se respectent, inévitablement, elles échangent leurs coutumes”, souligne le vieil homme en ouvrant la porte laissant échapper des chants et des acclamations. “Aujourd’hui, c’est un jour de fête pour notre communauté. Venez boire un thé chaud !” L’intérieur révèle de hauts murs arqués persans entièrement décorés à la peinture à l’huile. Ici, les géométries orientales se mélangent en tous points avec l’iconographie biblique.

La petite église a été construite dans le style de la cathédrale de Vank, mère de tous les lieux de culte des chrétiens de Jolfa. Cette dernière, quant à elle, a été construite en 1655 par les Arméniens arrivés après la guerre qui opposait l’Empire safavide à l’Empire ottoman. Le clergé chiite issu de la Révolution islamique de 1979 n’a pas effacé tout cela ; en réalité, il l’a plutôt protégé, considérant qu’il faisait partie intégrante de son héritage ethnique, culturel et spirituel millénaire. Dans sa Constitution même (art. 13), le gouvernement a signé la reconnaissance de la présence des trois religions minoritaires (le christianisme, le judaïsme et le zoroastrisme), proclamant la liberté de religion et d’autres droits fondamentaux.

Nous nous sentons Iraniens

Environ 350 000 chrétiens vivant en Iran sont ainsi reconnus par la loi, tolérés en public, sous réserve de quelques conditions, telles que l’interdiction d’évangéliser. Quoi qu’il en soit, les cloches et les croix sont à la vue de tous dans l’espace public et pas seulement à Ispahan, comme en témoigne l’église Saint-Sarkis située dans le centre ville de Téhéran, la capitale, où nous nous sommes rendus.

Pourtant éloignés de plusieurs dizaines de mètres, les chants religieux arméniens résonnent et témoignent de la vivacité spirituelle du lieu. C’est parce qu’un mariage s’y prépare. Le diacre, baptisé Matevosian, nous interpelle : il souhaite que nous participions aux célébrations. Il nous présente alors le père Arestagal, jeune consacré d’origine arménienne : “Cela fait des siècles que nous sommes présents dans ce pays. C’est pourquoi nous nous sentons Iraniens et faisons partie intégrante de la société à part entière. Avec les musulmans, la relation est bonne parce qu’elle ne gêne pas nos croyances religieuses ; en effet, le gouvernement lui-même a signé les lois qui nous protègent”, assure-t-il. C’est d’autant plus vrai que la communauté chrétienne d’Iran bénéficie même de représentants au Majlis (Parlement iranien, ndlr) depuis des décennies. En ce sens, le président Hassan Rohani a récemment créé un ministère dédié aux Relations entre les minorités religieuses et le gouvernement afin d’assurer l’avenir des chrétiens d’Iran et ainsi pérenniser leur présence dans le pays.

 

 

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