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Prix Charlemagne : le rêve européen de François

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Jean-Baptiste Noé - publié le 15/05/16
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Le Saint-Père a été honoré du prix Charlemagne, qu’il a reçu le 6 mai dernier des mains de plusieurs dignitaires européens.

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Prix fondé en 1949 par la ville d’Aix-la-Chapelle pour récompenser et honorer des hommes qui ont œuvré pour la construction européenne, il est décerné le jour de l’Ascension. Avant François, Jean-Paul II avait reçu un prix Charlemagne exceptionnel en 2004. Pour l’occasion, le prix lui a été décerné à Rome, où le Pape a reçu notamment le président du Parlement européen, ainsi que le Président du Conseil de l’Europe. Le discours qu’il a prononcé est dans la continuité de celui de 2014 au Parlement de Strasbourg. Il a appelé l’Europe à retrouver sa fécondité, intellectuelle et familiale, afin de poursuivre le rêve et le projet européen qui est le sien. Alors que le pape François est souvent présenté comme se détournant de l’Europe, il montre au contraire dans ce discours qu’il a parfaitement compris les enjeux et les défis actuels du continent.

Une Europe créatrice et féconde

On se souvient de l’image marquante du Pape à Strasbourg, où il avait présenté l’Europe comme une grand-mère inféconde et pleine de crainte. “Au Parlement européen, je me suis permis de parler d’une Europe grand-mère. Je disais aux eurodéputés qu’en bien des endroits grandissaient l’impression générale d’une Europe fatiguée et vieillie, stérile et sans vitalité, où les grands idéaux qui ont inspiré l’Europe semblent avoir perdu leur force attractive ; une Europe en déclin qui semble avoir perdu sa capacité génératrice et créative.”

C’est la fécondité qui est ici le fil directeur de son discours. La fécondité culturelle et politique bien sûr, et surtout la fécondité humaine. L’Europe doit ouvrir des rêves et un avenir à sa jeunesse, et elle doit promouvoir une politique de vie et de naissance. Il est d’ailleurs paradoxal que l’Europe soit une promesse pour beaucoup de migrants qui sont prêts à mourir pour tenter d’y pénétrer, et qu’elle semble à l’inverse avoir éteint l’avenir pour sa propre jeunesse, qui soit la quitte, soit refuse de fonder une famille et de s’ouvrir à la fécondité.

“Que t’est-il arrivé, Europe humaniste, paladin des droits de l’homme, de la démocratie et de la liberté ? Que t’est-il arrivé, Europe terre de poètes, de philosophes, d’artistes, de musiciens, d’hommes de lettres ? Que t’est-il arrivé, Europe mère de peuples et de nations, mère de grands hommes et de grandes femmes qui ont su défendre et donner leur vie pour la dignité de leurs frères ?” déclare le Pape.

Intégrer les personnes

On retrouve dans ce discours tous les grands thèmes du pape Bergoglio, évoqués depuis le début de son pontificat : l’inclusion des personnes et le respect des cultures particulières, l’importance de la ville comme lieu d’intégration, le dialogue des personnes et les ponts nécessaires à construire, l’attention portée aux faibles et aux exclus, notamment les personnes âgées et les enfants. Il s’agit d’intégrer réellement les personnes, c’est-à-dire de façon culturelle, et non pas uniquement de façon géographique.

“Les réductionnismes et toutes les tentatives d’uniformisation, loin de générer des valeurs, condamnent nos peuples à une cruelle pauvreté : celle de l’exclusion. Et loin d’apporter grandeur, richesse et beauté, l’exclusion provoque la lâcheté, l’étroitesse et la brutalité. Loin de donner de la noblesse à l’esprit, ils lui apportent la mesquinerie.” (…) Le temps nous enseigne que la seule insertion géographique des personnes ne suffit pas, mais que le défi est celui d’une forte intégration culturelle.

Ce discours éminemment bergoglien nous rappelle que ce Pape est lui aussi fils de l’Europe, puisqu’il a l’italien comme langue maternelle et qu’il descend de migrants du Piémont. C’est un homme qui a physiquement vécu loin de l’Europe mais qui, intellectuellement et charnellement, en a été très présent. On sent poindre chez lui le regret de l’Europe forte et féconde, d’une Europe qui ne doute pas d’elle-même, qui ose créer et s’ouvrir, qui ose intégrer et diffuser la culture qu’elle a créée. Bergoglio est bien un Pape européen, lui qui est né en Argentine, en Extrême-Occident.

Le rêve de François : une Europe capable d’être encore mère

Partant de la réalité d’une Europe qui renonce à la vie, qui semble avoir peur d’elle-même et peur de fonder des foyers et des familles, François exprime ses rêves d’une Europe de nouveau féconde.

“Je rêve d’une Europe jeune, capable d’être encore mère : une mère qui ait de la vie, parce qu’elle respecte la vie et offre l’espérance de vie. Je rêve d’une Europe qui prend soin de l’enfant, qui secourt comme un frère le pauvre et celui qui arrive en recherche d’accueil parce qu’il n’a plus rien et demande un refuge. Je rêve d’une Europe qui écoute et valorise les personnes malades et âgées, pour qu’elles ne soient pas réduites à des objets de rejet improductifs. Je rêve d’une Europe où être migrant ne soit pas un délit, mais plutôt une invitation à un plus grand engagement dans la dignité de l’être humain tout entier. Je rêve d’une Europe où les jeunes respirent l’air pur de l’honnêteté, aiment la beauté de la culture et d’une vie simple, non polluée par les besoins infinis du consumérisme ; où se marier et avoir des enfants sont une responsabilité et une grande joie, non un problème du fait du manque d’un travail suffisamment stable.

Je rêve d’une Europe des familles, avec des politiques vraiment effectives, centrées sur les visages plus que sur les chiffres, sur les naissances d’enfants plus que sur l’augmentation des biens. Je rêve d’une Europe qui promeut et défend les droits de chacun, sans oublier les devoirs envers tous. Je rêve d’une Europe dont on ne puisse pas dire que son engagement pour les droits humains a été sa dernière utopie.”

En lui remettant ce prix Charlemagne, l’Europe n’a pas oublié le Pape. Et en recevant les dignitaires à Rome et en leur faisant ce très beau discours, le Saint-Père montre qu’il n’a rien oublié de l’Europe, et qu’il espère beaucoup d’elle.

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