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La jolie histoire qu’on nous raconte à propos de l’Abba Antoun, le grand Antoine, le patriarche des moines qui vivent dans les déserts d’Égypte, met le doigt sur le problème majeur de tout effort vers la sainteté : on veut parfois la fin et on n’est pas prêt à prendre les moyens. Parfois la volonté se cabre devant l’effort. Mais alors, comment "vouloir vouloir" ?
Pouvoir et ne pas vouloir
"Des frères vinrent chez l’abbé Antoine et lui demandèrent une parole de salut. Il leur dit : “Vous connaissez l’Écriture ? Vous en savez assez.” Mais ils insistèrent pour que lui aussi daigne leur dire quelque chose. Alors il leur dit : “L’Évangile dit : Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre.” Ils lui dirent qu’ils ne pouvaient faire cela. Il leur répondit : “Si vous ne pouvez tendre l’autre, au moins supportez que la même soit frappée de nouveau.” Mais comme ils déclarèrent ne pouvoir faire cela, il leur dit : “Si donc vous ne pouvez même cela, ne rendez pas le mal qu’on vous a fait.” Ils répétèrent ce qu’ils avaient déjà dit. Alors Antoine dit à son disciple : “Va, fais-leur des mets à manger, car tu vois qu’ils sont bien faibles. (Puis aux frères :) Si en effet vous ne pouvez faire l’une des choses et ne voulez pas faire l’autre, qu’attendez-vous de moi ? Il vous faut la prière qui guérira votre infirmité.”"
Voilà des frères, pleins de bonnes intentions — ils ont sans doute fait déjà du chemin pour venir jusqu’à la cellule d’Antoine —, qui demandent "une parole de salut", c’est-à-dire qu’ils veulent être éclairés sur les moyens qui leur permettront d’avancer vers la sainteté. Demande classique, qui permet à l’ancien qui reçoit des novices de développer pour eux un point du programme ascétique, jugé particulièrement important et de nature à mettre en marche une dynamique spirituelle.
Antoine réduit l’exigence
Antoine les renvoie purement et simplement à la lecture de l’Écriture : l’Évangile leur donnera la parole de Jésus, qui contient toute sagesse, mais ils veulent la parole d’Antoine qui les touchera plus. Antoine avance donc le commandement du Christ dans le discours sur la montagne : "Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends-lui encore l’autre" (Mt 5, 39). Bien sûr, il ne choisit pas ce qu’il y a de plus facile, mais ces jeunes gens sont pleins de bonnes dispositions, il faut leur donner quelque chose de sérieux. Et voilà qu’ils déclarent forfait et trouvent que cela dépasse leurs forces ! Antoine réduit un peu l’exigence : "Supportez que la même soit frappée de nouveau." Même repli frileux : "On ne peut pas !" Antoine ne se décourage pas, il descend le curseur un peu plus bas : "Ne rendez pas le mal qu’on vous a fait." Même réponse.
Antoine n’est pas un rigoriste, il est prêt à comprendre la faiblesse humaine, il l’a montré. Mais là, que faire ? Il demande à son disciple de leur servir de la nourriture, car sans doute ils ont fait un long chemin pour arriver et ils sont fatigués, cela pourrait expliquer leur peu d’enthousiasme pour embrasser l’idéal évangélique.
Il vous faut la prière qui guérira votre infirmité.
Un conseil plein de douceur
Ce dernier conseil est plein de douceur : "Il vous faut la prière qui guérira votre infirmité." Ils sont faibles, mais Antoine leur propose la prière qui est le moyen d’offrir à Dieu cet "a-boulisme" (absence de volonté) qu’ils sont sans doute les premiers à regretter, mais dont ils ne savent pas comment sortir. L’essentiel est de ne pas en rester là et de ne pas porter dans la tristesse l’échec de leur démarche. En demandant à être guéris, en se reconnaissant pauvres, ils grandiront en humilité. Et Dieu leur fera peut-être la grâce de plus de liberté.