Amazon Prime, Netflix… les plateformes se mettent aux films chrétiens

Les deux armées se font face. D’un côté, le géant Goliath sort des rangs. Un homme gigantesque qui fait frémir de terreur toute une armée. De l’autre côté, un tout jeune berger s’avance. David. Le jeune homme s’élance vers la brute en maniant sa fronde, cherchant la bonne distance et le bon moment. Goliath ne bouge pas, mais envoie plusieurs lances pour ôter la vie de ce berger ridicule. La dernière lance vient toucher David, qui s’effondre au sol. Il reste là, les yeux clos, alors que Goliath se rapproche pour l’achever. David ne réagit pas. Le dernier plan se fixe sur les galets proches du berger, comme un rappel que l’histoire ne s’arrête pas là. Voici l’introduction de la nouvelle série Prime Video, House of David qui nous raconte la vie de David et les raisons qui l’ont amené à se dresser contre Goliath. Un immense projet créé par Jon Erwin, un réalisateur américain chrétien qui s’est distingué ces dernières années avec deux longs métrages 2Jesus révolution et I can only imagine : “C’est le premier projet de ma carrière qui est distribué à l’échelle mondiale, se réjouit-il dans une interview accordée à Charisma Media. C’est parce que nous avons eu du succès auparavant et parce que notre voix a été clairement identifiée qu’aujourd’hui nous pouvons garder un contrôle créatif sur la série, et c’est incroyable”.

Cette collaboration entre l'industrie audiovisuelle américaine et des projets d’inspiration ouvertement chrétienne surprend quand on analyse l’histoire du cinéma aux États-Unis. Dans les années 1920, Hollywood est réputé comme un lieu de débauche. Les films jouent un peu trop la corde de la provocation. Et derrière les caméras, l’ambiance et les faits ont le parfum du scandale quand la justice pénale ne s’en mêle pas. Aussi, à partir des années 1930, un document énonce ce qui est convenable de faire apparaître ou pas à l’écran, au risque d’être censuré. C’est le code Hays, code officieux rédigé par un jésuite américain qui va sévèrement encadrer la moralité des films réalisés à Hollywood. Sauf qu’en 1968, la Cour Suprême des États-Unis met fin à ce Code Hays, estimant que le cinéma a le droit à la liberté d’expression. Il est donc remplacé par un système de classification, encore utilisé aujourd’hui.

C’est en 2004 qu’un tsunami va complètement bouleverser l’industrie cinématographique : La Passion du Christ de Mel Gibson. Avec un budget de 30 millions de dollars, le film surprend tout le monde en engrangeant plus de 600 millions de dollars de recettes au box-office. Une vraie claque pour Hollywood qui réalise qu’un authentique public chrétien est disposé à venir en salle pour voir des films. Petit à petit des productions aux budgets modestes réalisent des chiffres d’affaires colossaux. À l’instar de Facing The Giant, God’s not dead (Dieu n'est pas mort), ou encore Fireproof, autant de films qui ont massivement séduit les spectateurs principalement américains.

Cela devient un fait, il existe une place pour les films chrétiens et il manque juste la bonne formule pour rejoindre le monde entier. The Chosen va la trouver. En 2019, la plateforme VidAngel (aujourd’hui Angel Studios) diffuse la première saison d’une série sur Jésus. Ce projet, porté par le réalisateur Dallas Jenkins, est la première série multi-saison qui veut suivre Jésus et tous ses proches durant les trois années de sa vie publique. Sans ressource, la production lance un financement participatif et reçoit alors 10 millions de dollars pour la première saison, faisant de ce projet le plus cher de l’histoire du financement participatif.

En 2020, le Covid force le monde entier à se confiner. La plateforme décide alors de donner accès aux épisodes gratuitement. Et c’est à ce moment que la série The Chosen prend une dimension mondiale. Les spectateurs peuvent regarder tous les épisodes gratuitement, avec la possibilité de financer la série s’ils le souhaitent. Une aubaine qui va conquérir le monde. En 2024, la série atteint les 600 millions de vues, un chiffre stratosphérique, qui va continuer de grandir puisque 5&2 Studios, la nouvelle boîte de production de The Chosen tenue par le réalisateur, a accepté de donner l’exclusivité de la diffusion de la série à Prime Video. Un geste fort qui montre son envie de rejoindre une audience plus large. 

Si Amazon a compris l’impact du public chrétien et son important pouvoir d’achat, Prime Video n’est pas la seule plateforme à proposer des exclusivités chrétiennes. Netflix a également flairé le filon, en proposant des productions inédites, comme Testament : l’histoire de Moïse, qui s’est hissée dans le top 3 des séries les plus regardées de la plateforme en France, ou encore le film Mary, réalisé par D.J. Caruso. La particularité d’Amazon Prime est de vouloir développer le Bible Universe si cher à Dallas Jenkins, avec The Chosen in The Wild avec Bear Grylls, ou encore The Chosen Adventures, une série d’animation qui reprend l’histoire de The Chosen, mais pour les enfants, ainsi que tous les projets en cours de préparation pour plus tard. Une autre plateforme, moins connue et plus confessionnelle, fait également parler d'elle : Angel Studios. La plateforme qui a lancé The Chosen est également à la barre de nombreux films : Sound of Freedom, Cabrini, L’espion de Dieu ou encore King of Kings, un film d’animation qui devrait sortir le 11 avril 2025 au cinéma, exclusivement aux États-Unis.

Une véritable entente se tisse entre les plateformes de streaming et le public chrétien. Cette alliance en est encore à ses débuts, mais on peut imaginer que cela se démocratise de plus en plus, si les séries et films rencontrent le succès promis. Il faut maintenant espérer que cette nouvelle tendance apporte au public des séries intéressantes, travaillées et réussies, autant sur la forme… que sur le fond.