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Carême : une question à se poser avant de jeûner sans réfléchir

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Olivier Catel - publié le 24/02/25
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La bonne manière de jeûner donne toute sa place au prochain, enseigne la Bible. Au seuil du carême, le frère dominicain Olivier Catel, enseignant à l’École biblique de Jérusalem, qui vient de publier "Jeûner avec la Bible" (Éditions du Cerf), donne des indications simples pour ce qui lui semble être une une sainte pratique du jeûne, inscrit dans la charité.

Alors que le carême approche, la question du jeûne, comme chaque année, se pose à nouveaux frais. Dans notre société marquée par l'abondance alimentaire, certains choisissent une sobriété heureuse. Ils réduisent leur alimentation et évitent les excès. D'autres, en quête de bien-être personnel, espèrent purifier leur corps et clarifier leur esprit. Les musulmans, avec leur jeûne du Ramadan, interpellent les chrétiens sur leur propre pratique du jeûne. Les catholiques, quant à eux, hésitent souvent entre des pratiques symboliques comme renoncer à un carré de chocolat ou manger un bol de riz le vendredi.

Mais avant de savoir comment jeûner, il faut déjà savoir pourquoi. Cela passe par la redécouverte de la dimension communautaire du jeûne dont parle la Bible. Dans l'Ancien Testament, en plus du jeûne pénitentiel majeur de Yom Kippour, les Israélites jeûnent en signe de deuil, pour implorer la protection de Dieu face à un danger, pour demander pardon et pratiquer la pénitence. Celui qui jeûne se rend physiquement faible, pauvre devant Dieu et, par un jeu de miroir inversé, reconnaît la toute-puissance divine. Le jeûne revêt donc des significations variées.

L’aspect communautaire du jeûne

Pour nous guider, retenons trois exemples où la Bible souligne l’aspect communautaire. Dans le livre de Jonas, le prophète avertit les habitants de Ninive qu'ils seront détruits s'ils ne se convertissent pas. En réponse, tout le peuple, y compris le roi et le bétail, jeûne collectivement. Ce jeûne collectif incite Dieu à épargner la ville, illustrant l'importance de pratiquer le jeûne ensemble. Quand un problème touche toute la communauté, comme les abus dans l’Église, la réponse est communautaire et c’est pourquoi le Pape appelle parfois toute l’Église à jeûner.

Pour jeûner intelligemment en ce carême, il existe quelques règles simples. Ne pas jeûner avant tout pour "se faire mal" mais plutôt pour laisser la place à Dieu et au prochain.

Après l’épisode du veau d’or, Moïse remonte sur le Sinaï pour supplier Dieu de ne pas détruire Israël (Dt 9, 18). Moïse, bien qu'innocent, agit en tant qu'intercesseur et nous rappelle qu'aujourd'hui encore, nous avons la possibilité de jeûner pour ceux que nous aimons et qui souffrent, notre jeûne pouvant renforcer notre prière. Il nous faut aussi redécouvrir la dimension sociale et éthique du jeûne comme le demande le prophète Isaïe (c. 58). Les fils d’Israël sont de bons pratiquants : ils jeûnent pour se rapprocher de Dieu et pensent ainsi qu’automatiquement Dieu va leur accorder ce qu’ils demandent mais c’est oublier que la pratique du jeûne n’a de véritable sens que si ceux qui jeûnent respectent leur prochain, ne l’oppriment pas. Le "jeûne qui plaît à Dieu" est un jeûne où le prisonnier est libéré, le pauvre vêtu et nourri. On ne peut se rapprocher de Dieu qu’en se rapprochant de son prochain.

Jésus ne donne pas de directives

Le Nouveau Testament ne parle que peu du jeûne et ne donne aucun commandement. Jésus jeûne quarante jours au désert, mais devons-nous faire de même ? Ce jeûne est une épreuve très personnelle pour Jésus où Satan teste sa messianité et sa divinité. Quand les disciples de Jean le Baptiste et des Pharisiens demandent à Jésus pourquoi ses disciples ne jeûnent pas, Jésus leur explique que jeûner dans la tristesse en attendant le Messie n’a plus de sens quand "l’Époux" est avec eux. Il faut se réjouir et ils jeûneront, "quand l’Époux leur sera enlevé," (Mt 9, 15), une période que les premiers chrétiens ne savaient pas réellement comment identifier puisque Jésus avait dit qu’il serait avec nous jusqu’à la fin du monde. En Mt 6, 18, Jésus exhorte à jeûner discrètement, sans fournir de commandements ou directives sur les durées de jeûne : il met l'accent sur notre relation intime avec le Père. L'évangile de Jean n'évoque pas le jeûne, et l'apôtre Paul ne l'aborde que pour en faire une critique dans 1 Tim 4.

Quelques règles simples

Finalement, un texte chrétien ancien, le Pasteur d’Hermas (début du Ier siècle), permet de comprendre comment jeûner. Il existe deux manières de jeûner. La manière la moins parfaite est de réduire sa consommation de nourriture pour contrôler ses passions et éviter de pécher. La manière la plus parfaite consiste à se priver volontairement et partiellement de nourriture — l’abstinence —, sans se faire mal, en ne mangeant que du pain et de l’eau, à calculer l’argent économisé que l’on donne alors au pauvre qui a faim involontairement. Le pauvre, ainsi nourri, exprime sa gratitude à Dieu pour la générosité de son bienfaiteur, et Dieu, en retour, accorde des grâces spirituelles au donateur.

Cette pratique parfaite, et sainte, est une magnifique illustration de la communion des saints, c'est-à-dire de la circulation de la charité et de la grâce. Elle offre un modèle inspirant pour guider nos propres pratiques. Nous devons redécouvrir cette dimension collective et sociale qui donne toute sa place au prochain. Pour jeûner intelligemment en ce carême, il existe quelques règles simples. Ne pas jeûner avant tout pour "se faire mal" mais plutôt pour laisser la place à Dieu et au prochain. Le carré de chocolat ? Pourquoi pas ? Mais en mettant la somme économisée dans une tirelire et donner la somme aux pauvres (en la doublant si on peut). Il serait bon aussi, si cela est possible, de se retrouver les vendredis de carême pour jeûner ensemble, prier et demander à l’Esprit saint de nous éclairer et d’éclairer ce monde.

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