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À Rome, une exposition sur la Jordanie, berceau du christianisme

Le pape François serrant la main de la reine Rania de Jordanie le 3 février 2025.

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Jean-Baptiste Noé - publié le 06/02/25
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Dans le cadre de l’année jubilaire, la Jordanie et le Saint-Siège organisent à Rome une exposition conjointe consacrée à l’histoire chrétienne du pays. L’initiative, qui met en valeur le christianisme des origines dans cette région, n’est pas sans portée diplomatique, analyse le géopoliticien Jean-Baptiste Noé.

L’art est aussi un instrument de diplomatie. En organisant, sous l’égide du ministère jordanien du Tourisme, une exposition consacrée à la Jordanie chrétienne, "La Jordanie, aube du christianisme", le Saint-Siège rappelle que le christianisme est chez lui dans cette région qui a vu le baptême du Christ et où l’islam n’est arrivé que sept siècles plus tard. L’exposition ne dure qu’un mois pour se terminer le 28 février. Elle fut inaugurée par Lina Annab, ministre du Tourisme et des Antiquités de Jordanie, ce qui montre l’importance que le royaume lui accorde. 90 pièces sont exposées, témoins de la présence du christianisme dans la vallée du Jourdain et de son antériorité historique dans cette région où l’islam est désormais majoritaire.

Un enjeu diplomatique

Issu de la famille hachémite, qui fut gardienne des lieux saints de l’islam, et notamment de La Mecque, l’actuel roi Abdallah a toujours voulu faire de la Jordanie un pays de pluralisme et de libertés. Cette exposition illustre le pluralisme des pratiques de l’islam, dont plusieurs pays assument leur passé préislamique. Nous sommes ici très loin des talibans qui avaient fait bombarder les bouddhas de Bamyan afin d’effacer les preuves d’une histoire riche avant l’islam. Très loin également de certains dirigeants Frères musulmans d’Égypte, qui appelaient à raser les pyramides, alors que le gouvernement actuel a fait bâtir un immense musée pour mettre les collections antiques en valeur et a participé à la rénovation du musée copte du Caire. Autant d’islams, autant de rapports différents au passé et à l’histoire. Dans la lignée de la doctrine définie par le cardinal Jean-Louis Tauran (1943-2018), le Saint-Siège veut dialoguer avec les courants qui acceptent le dialogue et les échanges, afin de les mettre en valeur et ainsi de marginaliser les radicaux.

L’art a toujours occupé une place prépondérante dans l’instrument diplomatique du Saint-Siège, à la suite du Conseil pontifical pour la culture créé par Jean Paul II. Avec la Chine, avec la Russie, aujourd'hui avec la Jordanie, la mise en avant des objets culturels permet de créer un dialogue là où celui-ci est parfois difficile et de se retrouver sur des éléments communs. Organisée dans le cadre de l’année jubilaire, l’exposition se veut aussi une respiration d’espérance pour tous les chrétiens d’Orient, dont la situation est des plus compliquées. En l’organisant à Rome, le Saint-Siège cherche aussi à faire découvrir cette longue histoire et cette richesse culturelle à un monde occidental qui bien souvent la connaît peu.

Le poisson et la croix

Le logo choisi pour l’exposition est celui d’un poisson, issu des représentations stylisées des mosaïques romaines. Le poisson était le symbole des chrétiens antiques, bien plus utilisé que la croix, qui ne s’impose dans l’iconographie chrétienne qu’à l’époque médiévale. Le poisson est aussi le symbole de l’eau et donc du baptême, notamment celui du Christ, réalisé dans le Jourdain, donc en Jordanie actuelle. Le poisson symbolise aussi les chrétiens qui nagent dans le monde, sans en être, mais sans se noyer, comme les chrétiens d’Orient qui doivent aujourd'hui vivre dans des sociétés qui leur sont parfois hostiles et où ils sont minoritaires. Il est donc le symbole d’un christianisme antique qui se renouvelle aujourd'hui, dans une continuité majeure de l’histoire. 

Cette exposition se veut aussi une commémoration : celle du 60e anniversaire de l’établissement de liens diplomatiques entre la Jordanie et le Saint-Siège (1965). Pour cet État indépendant depuis 1946, c’était bénéficier d’une reconnaissance internationale ; pour le Saint-Siège, il s’agissait de sortir du club chrétien, en établissant des relations diplomatiques avec un pays musulman, et de témoigner de sa sollicitude pour des pays non alignés, à une époque où la logique des blocs primait. Depuis, tous les papes depuis Paul VI se sont rendus en visite officielle en Jordanie, faisant de lui l’un des rares pays au monde à avoir bénéficié d’une telle prérogative.

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