separateurCreated with Sketch.

D’après tes paroles, tu seras jugé !

Jean-Francois-Kahn-marianne-journaliste-afp

Jean-François Kahn.

whatsappfacebooktwitter-xemailnative
Henri Quantin - publié le 29/01/25
whatsappfacebooktwitter-xemailnative
Un homme peut-il être réduit à ses seules paroles, heureuses ou malheureuses, comme "celui qui dit…" ? Tous nos mots nous engagent, rappelle l’écrivain Henri Quantin.

"Nous sommes “celui qui dit que…”, rien d’autre." Ainsi parle une tragédienne d’un autre temps, dans L’Épître aux jeunes acteurs d’Olivier Py (Actes Sud). Être ce que l’on dit…, vérité sublime ou vérité triste ? Hommage à la Parole qui élève celui qui ouvre la bouche ou constat désenchanté de la réduction de chacun à ses bons mots ou ses formules mauvaises ? "Une vie en quelques citations" pourrait être le sous-titre de bien des nécrologies : le best of (ou le worst of) remplace l’oraison (ou le réquisitoire) funèbre. Jean-Marie Le Pen restera donc, à peu près comme tout le monde, "celui qui a dit que…". En un sens, ce n’est pas absurde pour une personnalité qui a toujours prétendu dire tout haut ce que tout le monde pensait tout bas. "Point de détail", "On fera une fournée la prochaine fois", "Durafour crématoire", autant de fragments d’un discours odieux donnés pour une biographie suffisante.

Le choc des propos

Le contexte de chaque citation disparaît avec l’homme, comme une glose inutile face au choc des propos. Nul ne juge nécessaire, par exemple, de se souvenir que le jeu de mots de très mauvais goût qui visa Michel Durafour répondait à son appel à "exterminer le Front national". La justice, d’ailleurs, condamna Jean-Marie Le Pen pour injure publique envers un ministre, non pour antisémitisme. Dans le jeu de "celui qui dit que...", bien sûr, cette précision sera soupçonnée d’arrière-pensées complices, alors qu’elle ne fait que rappeler un élément objectif du dossier.

Chacun est-il réduit à ses paroles les meilleures ou les pires ? La mort de Jean-François Kahn a montré que certains propos semblent pouvoir mourir avec leur auteur, quand le nécrologue juge qu’ils déformeraient le portait funèbre. Aussi la plupart des articles ont-ils passé sous silence les mots que prononça le fondateur du magazine Marianne, quand Dominique Strauss-Kahn fut accusé d’agressions sexuelles dans un hôtel new-yorkais : "troussage de domestique", la formule agita pourtant toute la presse française en mai 2011. Le site de l’Élysée fait sans réserve l’éloge d’un homme "pétri d’idéal républicain" et Le Figaro se contente d’une allusion en forme d’euphémisme : "Âgé de 72 ans, il annonce se retirer du journalisme en 2011, en raison d’une polémique liée à l’affaire Dominique Strauss-Kahn." Il est vrai que Jean-François Kahn, contrairement à Jean-Marie Le Pen, avait fait rapidement amende honorable, qualifiant sa formule d’"inacceptable" et arguant d’un réflexe de défense pour son ami DSK. Aggraverons-nous notre cas, si nous finissons ce best of de citations douteuses en disant, comme Jordan Bardella interrogé sur l’antisémitisme de Jean-Marie Le Pen, que nous ne sondons pas les reins et les cœurs ?

D’après tes paroles

Paroles qui passent, paroles qui restent… Pour connaître les autres comme pour mener sa propre existence, peut-être l’essentiel est-il dans le choix des citations qui méritent d’être conservées. Sur ce point, le chrétien ne peut oublier l’avertissement du Christ : "Or, je vous le dis, de toute parole sans fondement que les hommes auront proférée, ils rendront compte au Jour du Jugement. Car c’est d’après tes paroles que tu seras justifié et c’est d’après tes paroles que tu seras condamné" (Mt, 12, 36-37). Si le tribunal médiatique ne peut fournir de cela qu’une sombre parodie, il a tout de même le mérite de rappeler que tous nos mots nous engagent. Voilà qui n’est certainement pas un point de détail.

Vous avez aimé cet article et souhaitez en savoir plus ?

Recevez Aleteia chaque jour dans votre boite e−mail, c’est gratuit !

Vous aimez le contenu de Aleteia ?

Aidez-nous à couvrir les frais de production des articles que vous lisez, et soutenez la mission d’Aleteia !

Grâce à la déduction fiscale, vous pouvez soutenir le premier site internet catholique au monde tout en réduisant vos impôts. Profitez-en !

(avec déduction fiscale)