Saint Christophe est facilement identifié comme patron des voyageurs. Mais la représentation, dans une église, des moyens de transport moderne est plutôt rare. Il faut aller dans le XVe arrondissement de Paris pour découvrir un avion et un train sur une fresque.
En 1926, le développement de la population dans le sud de Paris rendait nécessaire la construction d’une église pour remplacer une chapelle provisoire utilisée depuis trop longtemps. Le quartier était en pleine mutation, les techniques de construction aussi. Pour assurer une construction rapide et peu coûteuse, il fallait utiliser les moyens les plus modernes de l’époque.
C’est ainsi que l’église Saint-Christophe fut construite en utilisant des éléments de ciment armé moulé. Les éléments étaient moulés à l’usine, et montés sur place par bloc. Saint-Christophe peut ainsi être considérée comme la première église préfabriquée de France. La technique était novatrice, l’architecte chargé de la construction en avait déposé les brevets quelques années auparavant. En quatre ans, l’église était construite. Mais la principale surprise que réserve l’édifice est certainement l’hommage à saint Christophe, particulièrement original.
Une représentation renouvelée de saint Christophe
L’histoire de saint Christophe est connue : voulant se mettre au service de Dieu, le géant de stature colossale fait usage de sa force pour aider des voyageurs à traverser un fleuve dangereux. Un jour, c’est le Christ qu’il porte (son nom signifie en grec "porte-Christ"). Il est invoqué pour protéger des dangers tous ceux qui utilisent un moyen de transport. En plus d’être le saint patron des automobilistes (on trouve souvent son image dans nos voitures), il l’est aussi des bateliers, des cheminots…
Les fresques ornant l’abside le représentent, ce qui n’a rien d’exceptionnel dans une église sous son vocable. Ce qui l’est plus, ce sont les thèmes abordés : saint Christophe est entouré de voyageurs de toutes sortes. La présence de moyens de locomotion modernes, tels que d’avion, le train, l’automobile, le ballon à air chaud ou encore le paquebot rend ces fresques si singulières. Le quartier était marqué par les industries du transport, et les usines Citroën toutes proches tournaient à plein régime.
Henri-Marcel Magne, le peintre qui a réalisé les fresques, renouvelle donc l’iconographie liée à saint Christophe, tout en s’inscrivant dans la tradition iconographique du patron de tous ceux qui se déplacent, et en l’étendant aux modes de déplacement les plus récents. L’artiste témoigne ainsi d’une volonté de tenir compte du contexte d’une époque en pleine évolution, et de proposer pour l’art religieux une représentation qui tienne aussi compte des évolutions techniques. L’art mêle ainsi, à Saint-Christophe-de-Javel la tradition de la fresque, dans les tons bleus et or, et la modernité du sujet. Un témoignage unique.