Il faut être un peu attentif : la petite chapelle dédiée à sainte Geneviève, dans l’église Saint-Eustache, est souvent bien sombre. Pourtant, elle abrite un tableau qui mérite plus que le regard distrait des touristes de passage. Il s’agit d’une représentation de Tobie et de l’ange Raphaël. Cette œuvre ne se trouve pas dans l’endroit pour lequel elle a été imaginée. Elle devait orner la sacristie de l’église San Marco à Florence. Mais après un détour par Vienne, elle est arrivée à Paris. Les sources retiennent que c’est "par voie d’échanges" qu’elle est parvenue dans la capitale autrichienne. Son arrivée en France est due au passage de Napoléon Ier à Vienne en 1805, où elle a été "enlevée" pour être rapportée en France. Une prise de guerre…
Elle restera quelques années au Muséum central des arts, l’ancêtre du musée du Louvre. Ce n’est qu’en 1811 que Tobie et l’ange arrivent à Saint-Eustache. Depuis plus de deux siècles, ils n’en ont pas bougé. Les peintures illustrant l’histoire de Tobie et de l’ange Raphaël étaient très prisées au XVIIe siècle, soit un peu après la réalisation de ce tableau, mais l’attrait existait déjà pour une scène aux protagonistes inhabituels. Voit-on en effet souvent un homme portant un poisson sous le bras ? C’était souvent à l’occasion du départ d’un fils qu’elles étaient commandées.
Pourquoi raconter l’histoire de Tobie et de l’ange ?
Tobie est envoyé par son père Tobit, aveugle, pour récupérer de l’argent laissé en Perse. L’ange Raphaël se fait compagnon de route de Tobie, ignorant tout de l’identité du jeune homme. "Tobie sortit chercher un homme qui connaisse la route, pour l’accompagner jusqu’en Médie. À peine sorti, il trouva l’ange Raphaël debout devant lui, mais il ne savait pas que c’était un ange de Dieu" (Tb 5,4). Pendant ce long voyage, Tobie est attaqué par un poisson. Sur les conseils de Raphaël, Tobie lui arrache le cœur, le foie et le fiel qui permettront de composer un remède pour guérir la cécité de son père.
Raphaël ne révélera son nom qu’après leur retour : "Moi, je suis Raphaël, l’un des sept anges qui se tiennent ou se présentent devant la gloire du Seigneur. Les deux hommes furent alors bouleversés et ils tombèrent face contre terre, saisis de crainte. Mais Raphaël leur dit : ‘Ne craignez pas ! La paix soit avec vous ! Bénissez Dieu à jamais !’"”" (Tb 12, 15-17). Le peintre saisit le moment où Tobie tient le poisson qui a tenté de lui attraper le pied et dont les organes permettront de réaliser un remède. Tobie est dans la confiance : il ne regarde pas la route et tient la main de l’ange qui le guide. L’ange tient un pot à onguents. C’est lui qui sait comment guérir Tobit.