Au pied du Château Saint-Ange, les bénévoles en uniforme vert rappellent la consigne à tous les pèlerins qui veulent emprunter la voie spécialement conçue pour eux : "silence durant le pèlerinage". Le message est transmis avec une certaine fermeté par le père Romain, responsable de la pastorale de Sainte-Marie de Lyon (Maristes), aux 45 élèves de troisième qu'il accompagne pendant quatre jours à Rome pour un pèlerinage. En quelques minutes, l'excitation de se trouver entre camarades de classe dans la Ville Éternelle sous un beau soleil hivernal laisse peu à peu la place à un beau recueillement. "C'est beau de vivre ce moment en silence", confie un accompagnateur.
À leurs côtés, cinq prêtres se sont joints au cortège. Ce sont des missionnaires clarétains, aussi appelés Fils du Cœur Immaculé de Marie, qui suivent la règle créée au XIXe siècle par le Catalan Antoine-Marie Claret. Ils habitent tous à Rome, dans la maison généralice de leur ordre. Aujourd'hui est leur jour de retraite mensuel, pendant lequel ils prennent le temps "de se rapprocher du foyer de leur foi", explique avec un doux sourire le père José Enrique, un Sévillan de 35 ans qui a rejoint cette congrégation en 2011. Il présente ses quatre frères, aux âges et origines divers : Nigeria, Italie, Salvador, Porto Rico.
C'est un temps pour vous de rendre grâce au Seigneur pour toutes les belles choses qu'il vous offre.
Une bénévole apporte la croix au père Romain qui explique que les jeunes seront chargés de la porter à tour de rôle tout au long du trajet mis en place par l'organisation du Jubilé. Une allée a été en effet installée spécialement pour les pèlerins depuis le Château Saint-Ange jusqu'à l'entrée de la basilique Saint-Pierre. Évitant la nuée de touristes – mais pas les contrôles de sécurité – les collégiens suivis, quelques mètres plus loin, par les cinq clarétains, avancent lentement, alternant entre temps de silence, d'écoute de lectures, et de chants que les jeunes reprennent timidement.
Alors que le groupe pénètre sur la place Saint-Pierre, une accompagnatrice explique le sens des deux grands "bras" du Bernin, symboles de l'accueil réservé par l'Église à toute l'humanité. "C'est un temps pour vous de rendre grâce au Seigneur pour toutes les belles choses qu'il vous offre", insiste-t-elle. Dans les rangs, personne ne bavarde, et le recueillement des collégiens touche les cinq clarétains qui les suivent et reprennent dans leur langue respective les prières du groupe.
Une démarche personnelle
C'est en chantant "Je bénirai le Seigneur" que le cortège double les touristes qui viennent simplement visiter la basilique. "En passant sous la Porte Sainte, on suit tous ceux qui nous ont précédé dans l'Église, tous les saints", explique le père Romain, avant qu'un accompagnateur lance une Litanie des saints. Et après un quart d'heure de marche, ponctué de petites stations pour écouter un psaume ou une méditation, le groupe se trouve déjà devant la Porte Sainte.
"C'est un moment personnel, je vous invite à le vivre profondément en vous", avait averti le prêtre accompagnateur. C'est donc dans un silence priant que ces quelques mètres sont franchis. Un élève se met à genoux pour se signer et un prêtre clarétain s'arrête sur le seuil pour toucher le battant de la porte. Dans la basilique, le groupe continue de suivre la croix, désormais noyée dans une foule de visiteurs, et gagne enfin le cœur de la basilique, la "Confession de Pierre".
Expliquant l'histoire de ce lieu que la tradition et de nombreux indices historiques désignent comme la tombe de saint Pierre, le père Romain invite les élèves à réciter le Credo, avant de les autoriser à se disperser en petits groupes pour visiter les lieux, avant de continuer le programme de leur voyage qui doit les emmener à visiter l'église Saint-Louis des Français dans l'après-midi. Pour les Clarétains, la journée de retraite continue. "C'était la première fois que je passais sous une porte sainte", confie le père José Enrique, le visage illuminé d'un grand sourire, avant de nous quitter.