Chaque année, les habitants de Marcigny, village situé au sud de la Bourgogne, se demandent lesquels d’entre eux auront l’honneur de figurer dans la crèche de l’église Saint-Nicolas. À l’instar des crèches provençales, la crèche de Marcigny représente des villageois, caractérisés par leur métier ou leur histoire. Mais ici, au cœur du Charolais-Brionnais, il ne s’agit pas de n’importe quels villageois ! À Marcigny, commune de 1.700 âmes, les santons ont les traits des Marcignots ! Le curé, le maire, le boucher, le garagiste, le facteur, le photographe, les maîtresses d’école, la dame de la bibliothèque, celle du cinéma… Tous, ou presque, sont de "vraies" figures locales.
Une création originale d’Anna Besse-Bergier, 77 ans, Marcignote depuis 50 ans, qui se définit elle-même comme "croyante et attachée aux traditions mais plus pratiquante". Ancienne enseignante, artiste dans l'âme, Anna Besse-Bergier a commencé à façonner ses santons d'argile en 2002. Elle agrandit la crèche avec deux à cinq nouveaux personnages chaque année. Elle en compte aujourd’hui entre 110 et 120. Cuits pendant plusieurs années dans la poterie Emile Henry, connue pour ses céramiques culinaires, ils le sont aujourd’hui par la potière d’un village voisin. "J’ai toujours aimé dessiner, peindre, modeler. Il y a plus de vingt ans, des paroissiens m’ont réclamé une crèche. Au début, je n’étais pas partante, et puis après un voyage en Pologne, j’ai eu envie de reproduire le style polonais, innocent, candide", confie-t-elle. Elle se lance alors dans les premiers santons, et très vite, a l’idée de représenter les "vrais" habitants de Marcigny. "Lorsque j’ai modelé un des rois mages, en m’inspirant d’un Afghan enturbanné que j’avais vu dans un magazine, j’ai trouvé qu’il ressemblait à un ami médecin ! J’ai donc accentué la ressemblance, et les années suivantes, j’ai essayé de représenter des personnes caractéristiques du village."
Bien que les sœurs de Saint Jean, basées à quelques kilomètres de là, à Semur-en-Brionnais, fassent exception, les autres santons représentent des habitants de Marcigny. Les Rois Mages seront installés le jour de l’Épiphanie, et la crèche est habituellement visible jusqu’au 2 février, fête de la Présentation du Seigneur au Temple, qui voit apparaître un dernier santon créé par Anna Besse-Bergier : le prêtre Syméon portant l’Enfant Jésus dans ses bras.
Une manière très incarnée, pour les Marcignots et les visiteurs de l’église Saint-Nicolas, de vivre le temps de l’Avent et de l’Épiphanie, selon l'intuition exprimée par le pape François dans sa lettre apostolique sur la signification de la crèche : "Souvent les enfants - mais aussi les adultes ! - aiment ajouter à la crèche d'autres figurines qui semblent n'avoir aucun rapport avec les récits évangéliques. Cette imagination entend exprimer que, dans ce monde nouveau inauguré par Jésus, il y a de la place pour tout ce qui est humain et pour toute créature. Du berger au forgeron, du boulanger au musicien, de la femme qui porte une cruche d’eau aux enfants qui jouent... : tout cela représente la sainteté au quotidien, la joie d’accomplir les choses de la vie courante d'une manière extraordinaire, lorsque Jésus partage sa vie divine avec nous." (Admirabile signum, 2019).
