Puisqu’il s’agit d’une réouverture, celle de Notre-Dame commencera devant les portes, le 7 décembre. Avant, donc, que l’orgue ne se réveille et que les vêpres soient dites et le Magnificat chanté, l’archevêque de Paris fera un geste étonnant et rare, à l’extérieur de la cathédrale. Avec sa crosse et après avoir prononcé une monition et reçu symboliquement l’édifice rénové des mains des maîtres d’œuvre, Mgr Laurent Ulrich tapera sur les portes. Il le fera même trois fois. Comment interpréter un geste liturgique qui, par définition, exprime quelque chose du mystère pascal ?
Une part de l’explication se trouve dans l’Ancien testament. Dans le livre des psaumes : "Portes, levez vos frontons, élevez-vous, portes éternelles : qu'il entre, le roi de gloire ! Qui est ce roi de gloire ? C'est le Seigneur, le fort, le vaillant, le Seigneur, le vaillant des combats. Portes, levez vos frontons, levez-les, portes éternelles : qu'il entre, le roi de gloire ! Qui donc est ce roi de gloire ? C'est le Seigneur, Dieu de l'univers ; c'est lui, le roi de gloire." (Ps 23, 7-10). Ce dialogue fut a priori écrit lors de l’installation de l’Arche d’Alliance dans le Temple, à Jérusalem, sous le roi David (cf. 2S 6, 12-16). Déjà, l’auteur biblique pressent que la Présence de Dieu dans une maison faite de mains d’hommes est une préfiguration de la béatitude à laquelle permettent d’accéder les "portes éternelles", que la véritable maison du Créateur n’est pas de ce monde.
Seule la croix du Christ permet de passer de la Terre au Ciel
La tradition liturgique a gardé le sens de ce psaume en l’utilisant un jour précis de l’année, pour le dimanche des Rameaux. Une coutume de l’ancienne forme du rite, qui perdure ici ou là, veut que la procession, ce jour-là, ne pénètre dans l’église qu’après que le prêtre qui préside l’eucharistie a tapé par trois fois la porte avec le bâton de la croix qui mène le cortège. Reprenant le dialogue des derniers versets du psaume 23, il manifeste que la croix du Christ, et elle seule, permet de passer de la Terre au Ciel. Après avoir accueilli le Fils de l’Homme par des acclamations messianiques à l’extérieur, les fidèles entendent à l’intérieur le récit de la Passion. Il faudra attendre Pâques pour saisir que Jésus n’est pas un nouveau chef politique mais le Sauveur, qui ouvre à la vie et détruit la mort.
Le 7 décembre, ce ne sera pas le dimanche des Rameaux, mais le deuxième dimanche de l’Avent. Comme évêque, Mgr Ulrich ne tapera pas avec la croix mais avec sa crosse. Une houlette qui rappelle qu’il est, au milieu de son Église particulière, la figure du pasteur, l’image imparfaite du Bon Pasteur. Justement, dans l’évangile de saint Jean, Jésus associe le pasteur qui donne sa vie et ouvre à l’enclos éternel à la porte, qui n’est autre que lui-même : "Celui qui entre par la porte, c’est le pasteur, le berger des brebis. […] Amen, amen, je vous le dis : Moi, je suis la porte des brebis. […] Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra entrer ; il pourra sortir et trouver un pâturage. […] Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis" (Cf. Jn 10).
Le sens d’un geste
Le geste apparemment anodin de l’archevêque prend tout son sens : en passant la porte, en suivant le Christ et en écoutant sa voix, transmise par l’Église et dans les églises, tout homme est appelé à la "vie en abondance". Comme rien n’est parfaitement un hasard, ces paroles de Jésus ont été prononcées au Temple, juste avant la fête de la dédicace. C’est-à-dire lorsque le peuple montait à Jérusalem pour célébrer la construction de ce bâtiment qui abritait la Gloire de Dieu. Comme la cathédrale Notre-Dame, dont l’autel sera dédicacé le lendemain, 8 décembre, lors de l’eucharistie.