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À force d’entendre qualifier le christianisme de religion de l’amour, beaucoup de croyants en viennent à remettre en cause la nécessité des rites et des rituels. Pourquoi ces manifestations codifiées et rigides quand l’essentiel consiste à aimer et servir ? Les prophètes de l’Ancien Testament n’avaient-ils pas déjà critiqué le ritualisme de leurs coreligionnaires ? Ne mettaient-il pas en garde contre une religion tout extérieure où l’obéissance aux prescriptions rituelles ne s’accompagnait pas d’une pratique du droit et de la justice dans la vie ordinaire ? Dans ces conditions, pourquoi continuer à aller à la messe si Dieu ne nous demande qu’une chose : aimer le prochain tout en L’aimant Lui-même ?
Des rites parce que nous sommes charnels
En fait, la nécessité des rites découle de trois raisons essentielles qu’il n’est pas superflu d’identifier afin de continuer à "pratiquer" en connaissance de cause, et de rendre raison de notre fidélité à la messe devant ceux qui s’étonnent de notre persévérance en ce domaine.
Le rite est nécessaire parce qu’il extériorise la finalité de la messe : la construction de l’Église.
La première raison de la nécessité du rite résulte de notre condition charnelle et corporelle. Nous ne sommes pas de purs esprits comme les anges. Aussi notre amour a-t-il besoin de se manifester extérieurement. Le rite permet précisément cette extériorisation. De plus, avec la pratique rituelle, nous sommes en adéquation avec l’Incarnation par laquelle le Verbe éternel de Dieu a pris chair. Le rite nous inscrit dans cette dimension charnelle au sein de laquelle Dieu, en son Fils, nous a sauvés et aimés.
Le rite fait mémoire d’un salut qui vient de l’extérieur
La deuxième raison du rite tient au fait que nous ne nous donnons pas le salut : nous le recevons d’un Autre, le Christ. Or faire mémoire du Christ Sauveur nécessite qu’il soit représenté sacramentellement comme une réalité extérieure à nous. C’est bien ce qui se passe à la messe où cette extériorité du Christ est visible dans le prêtre, le sacrement du pain et du vin, et enfin est audible dans la lecture de la Parole. Sans rite, plus de pain et de vin ni de parole lue comme si c’était le Christ qui nous parlait directement, en personne. De plus, le rite nous rappelle que l’amour dont il est question dans l’Évangile découle du Christ et que cet amour est beaucoup plus consistant et intense que celui que nous pouvons éprouver par nous-mêmes. La pratique rituelle, en nous plaçant dans un face-à-face corporel avec le Christ, nous met en situation de recevoir un salut qui vient de l’extérieur, à la messe ou dans le sacrement de réconciliation. Sans rite, grande serait la tentation de croire que notre sentiment coïncide avec la charité que Jésus nous demande.
Le rite pour manifester l’Église visible
Enfin, le rite est nécessaire parce qu’il extériorise la finalité de la messe : la construction de l’Église. "L’Eucharistie fait l’Église" selon la formule du cardinal de Lubac. En effet, l’Eucharistie a pour but dernier de faire vivre les membres de l’Église dans la charité du Christ. Et cette charité trouve sa manifestation dans l’assemblée que le rite réunit. Hors rite, le Corps du Christ, l’Église, n’est plus qu’un ectoplasme, un doux rêve qui se dissipe au réveil. Avec le rite, l’Église devient une réalité très concrète d’hommes et de femmes qu’il rassemble sous nos yeux dans une communauté incarnée. Le sacrifice de Jésus avait pour but de constituer un Corps ecclésial au sein duquel sa charité pût circuler — ce Corps que le rite rend présent à la messe. Jésus ne nous fait pas aimer l’humanité "en vrac" mais nous donne sa charité afin que nous aimions des personnes particulières, bien concrètes, auxquelles on peut sourire et rendre service concrètement dans l’existence — ces personnes que le rite nous fait côtoyer.
Toutefois, il ne faudrait pas croire que participer au rite suffit à faire de nous des disciples du Christ. Car la charité que nous recevons à la messe doit s’actualiser tous les jours dans notre vie quotidienne. Là, la pratique rituelle est en effet dépassée en direction de son effet essentiel. L’amour est alors vécu dans l’ordinaire des jours sans tricherie ni faux-semblant. Ici, la critique du ritualisme des prophètes n’a rien perdu de sa pertinence.