Quelles sont les conditions pour être cardinal ?

"C'est une surprise du Pape... Voyons comment je peux le servir !" : voilà ce que se serait exclamé le père Fabio Baggio après avoir appris que le pape François avait décidé de le créer cardinal, selon un média espagnol. À la tête de la section Migrants et Réfugiés du Vatican, le prêtre italien a visiblement été surpris par la décision du pontife, et il n'a probablement pas été le seul. Comme lui, deux futurs "porporati" ne sont pas évêques : le père Timothy Peter Joseph Radcliffe, célèbre théologien dominicain, et le père George Jacob Koovakad, un simple official de la secrétairerie d'État qui s'occupe d'organiser les voyages du Pape depuis 2021.

François, comme Jean Paul II ou Paul VI, a déjà confié à plusieurs reprises à des prêtres la barrette cardinalice – le fameux chapeau rouge remis lors du consistoire. Le droit canonique l'autorise d'ailleurs, affirmant que peut devenir cardinal tout homme constitué "au moins dans l’ordre du presbytérat" (can.351). Cette règle ne date que de 1917. Avant cela, un diacre ou un laïc pouvait théoriquement être cardinal, le dernier cas étant l'Italien Teodolfo Mertel (1806-1899), un diacre et juriste qui travaillait au sein de la Curie romaine que Pie IX créa cardinal en 1858. En revanche, le cardinalat n'a jamais été ouvert aux femmes.

Un homme peut aussi être créé cardinal sans que personne ne le sache, lui non plus dans certains cas. Il est alors cardinal "in pectore", c'est-à-dire que le Pape décide, souvent pour des raisons de prudence politique, de ne pas dévoiler son nom.

Le droit canonique demande désormais que les prêtres désignés pour devenir cardinaux reçoivent la consécration épiscopale. Dans les prochaines semaines, la date d'ordination des pères Biaggio, Radcliffe et Koovakad devrait donc être annoncée. Cela avait été le cas en 2020 pour le cardinal Mauro Gambetti, un prêtre franciscain nommé depuis archiprêtre de la basilique Saint-Pierre.

Mais il existe aussi des cas exceptionnels où le cardinal ne reçoit pas l'ordination épiscopale. Ce cas concerne les cardinaux ayant plus de 80 ans. Le dernier en date est le cardinal Raniero Cantalamessa, créé cardinal le 28 novembre 2020. Le Pape l'avait alors dispensé de devenir évêque. "La fonction de l’évêque, avait expliqué le capucin italien, est d’être pasteur et pêcheur. À mon âge [86 ans à l'époque, ndlr], il y a très peu de choses que je pourrais faire en tant que “pasteur” ; en revanche, ce que je pourrais faire en tant que “pêcheur”, je peux continuer à le faire en proclamant la parole de Dieu."

Le cardinal Cantalamessa n'a pas été le seul dans ce cas de figure : le jésuite Albert Vanhoye a été dispensé pour une raison similaire quand Benoît XVI l’avait élevé au cardinalat en 2006, tout comme le franciscain albanais Ernest Simoni, créé cardinal en 2016 par le pape François pour son courage face aux persécutions endurées sous le régime du communiste Enver Hoxha.

Le droit canonique reconnaît la totale liberté du pontife dans le choix des cardinaux. Ils doivent cependant être "remarquables par leur doctrine, leurs mœurs, leur piété et leur prudence dans la conduite des affaires" (Can.351). C'est probablement sur ce dernier critère que le pape François a accepté d'annuler en 2022 la création cardinalice de Mgr Luc Van Looy, évêque émérite de Gand, quand ce dernier lui avait demandé de renoncer à son projet en raison de critiques à l'égard de sa gestion de cas d'abus dans son diocèse.

Les cardinaux sont enfin créés "par décret du Pontife Romain de fait publié devant le Collège des Cardinaux". Ils n'ont donc pas l'obligation de participer au consistoire : le cardinal Cornelius Sim, premier cardinal de Brunei, a été élevé à la pourpre pendant la pandémie de Covid-19, en novembre 2020, sans pouvoir venir à Rome, et est mort le 29 mai 2021 sans avoir pu rencontrer le pape. Il est donc bien cardinal, contrairement au théologien suisse Hans-Urs von Balthasar, qui fut désigné cardinal par Jean Paul II mais qui mourut deux jours avant la signature du décret lors du consistoire du 28 juin 1988.