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Que devient-on quand Dieu se tait ou quand nous n'osons plus prier ? Cette question est le point de départ du livre du Fr. Rémi-Michel Marin-Lamellet. "Un chrétien, ça prie", dit-il, mais quel chrétien n’a-t-il pas connu ces moments, parfois longs, où il n’arrive plus à prier ? Pourtant, Dieu est toujours là. Prenant le lecteur au bas de son échelle, le dominicain le guide au plus près de sa fatigue et de ses doutes pour lui montrer comment, au bout de ses forces, à travers les actes les plus simples, il peut participer à la vie de Dieu et retrouver sa présence.
Aleteia : Vous êtes religieux dominicain, vous priez tous les jours… mais vous arrive-t-il de ne plus savoir comment prier ?
Fr. Rémi-Michel Marin-Lamellet : Si j’écoute saint Paul, je pourrais répondre simplement que, de toute façon, personne ne sait prier : "L’Esprit saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. L’Esprit lui-même intercède pour nous par des gémissements inexprimables" (Rm 8, 26). Mais si j’en reste là, je peux quitter la vie religieuse ! Or ce n’est pas à l’ordre du jour (rires). C’est le Seigneur qui nous demande sans cesse de prier. Et saint Paul nous répète : "Priez sans relâche" (1Th 5, 17). Notre vie de chrétien est rythmée par la prière : prière personnelle bien sûr, mais aussi les offices, le rosaire, les psaumes, la messe, l’adoration du saint sacrement. Et au cœur de cette vie de prière, je fais parfois l’expérience que je n’arrive plus à prier. Je n’ai plus la force de parler avec Dieu. Ce n’est pas un désert spirituel, c’est juste un épuisement. Je suis là, dans la chapelle, mais un peu perdu, sans mot.
C’est le point de départ de votre livre ?
Oui, mais pas seulement. L’an dernier, j’ai prêché une retraite pour la communauté hispanophone d’une grande ville française. J’avais en face de moi des hommes et des femmes au passé douloureux, qui avaient traversé de lourdes épreuves. En écoutant leurs histoires, je me suis demandé : comment leur parler de la prière alors que cette prière peut être parfois si épuisante pour moi ? Et pourtant, je ne suis ni un général sur un champ de bataille, ni une mère célibataire qui a dû fuir son pays avec ses enfants. Alors je me suis dit : il faut leur montrer les chemins qui existent pour rejoindre le Seigneur, même quand nous avons perdu toutes nos forces. En somme, quand nous ne pouvons plus prier, quand nous ne savons plus comment faire… parce que la journée a été trop dure, trop pleine, trop noire.
Quels sont ces voies pour renouer avec Dieu ?
C’est la question que je me pose : comment le chrétien, à bout de force, peut-il encore participer la vie de Dieu ? Et j’explore six chemins, à travers six verbes de l’Écriture sainte : Penser, Regarder, Écouter, Croire, Vouloir, Tomber. C’est pour tous ceux qui n’ont plus la force de prier, pour ceux qui n’ont plus les mots pour converser avec Dieu. C’est pour être avec Lui.
Le fait de tomber, entre autres, pouvait être un lieu de rencontre avec Dieu, un lieu justement qui ne nécessitait pas de mots, qui était à la portée de tous.
Tomber ? N’est-ce-pas étrange comme manière de faire pour être avec Dieu ?
Oui, tout à fait ! Mais c’est une dame d’un âge honorable qui me l’a dit. Je parle d’elle dans ce livre. Une chute très grave dans sa jeunesse l’a rendue handicapée. Mais elle vient quand même, tous les matins, aux laudes dans l’un de nos couvents. Elle me répétait : "Il faut aller à Sa rencontre." Et un jour, elle m’a dit : "On ne peut pas tomber plus bas que dans les mains de Dieu."
Et j’ai compris que le fait de tomber, entre autres, pouvait être un lieu de rencontre avec Dieu, un lieu justement qui ne nécessitait pas de mots, qui était à la portée de tous. Et tomber, c’est aussi imiter le Christ. On parle souvent de la descente de la croix, comme si le Christ avait descendu quelques marches, comme s’il avait doucement glissé de main en main jusque dans les bras de la Vierge Marie. Mais peut-on descendre de si haut sans chuter ? C’est la dernière étape de sa venue sur la terre. La crèche, la mangeoire, c’était encore trop haut. La barque, c’était peut-être hors-sol. Au pied de la croix, il est tout en bas, à terre, silencieux. Comme nous, qui parfois ne savons plus comment prier.
Propos recueillis par Philippe de Saint-Germain.
Pratique :