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“Il est temps de mettre fin à tout ça” : à Beyrouth, l’inquiétude grandit face aux bombardements israéliens

Immeuble résidentiel dont les deux derniers étages ont été touchés par une frappe israélienne dans le quartier de Ghobeiri, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 24 septembre 2024.

Cécile Séveirac - publié le 24/09/24
Le Liban s'embrase alors que l’armée israélienne a annoncé ce mardi 24 septembre lancer une "frappe ciblée" sur Beyrouth après avoir intensifié ses représailles contre le Hezbollah dans l’est et le sud du Liban, causant la mort de plus de 550 personnes, selon un dernier bilan. Parmi la population, l'inquiétude grandit et les espoirs de voir un pays déjà ébranlé par la crise s'amenuisent.

"Tout ce que je peux vous dire, c'est que les Libanais en ont assez de la guerre. Cela fait 49 ans qu'on la vit. Nous n'en voulons pas, nous voulons en finir." La voix est lasse, la colère se ressent à travers le téléphone. Mgr Mounir Khairallah, évêque maronite de Batroun (au sud de Beyrouth), ne mâche pas ses mots alors qu'Israël a annoncé ce mardi 24 septembre lancer une "frappe ciblée" sur Beyrouth en vue d'éliminer le Hezbollah. La veille, Tsahal avait déjà intensifié ses bombardements au sud-Liban et dans la capitale, affirmant avoir ciblé plus de 300 sites du Hezbollah, après avoir conseillé "aux civils des villages libanais situés à l'intérieur ou à proximité de bâtiments et de zones utilisées par le Hezbollah à des fins militaires" d'évacuer les zones concernées. Selon un dernier bilan publié par le ministère libanais de la Santé, ces raids aériens ont déjà fait 558 morts dont 50 enfants et 94 femmes, et plus de 1.800 blessés en une journée, provoquant le déplacement de "dizaines de milliers de personnes" vers la Syrie et le nord du Liban.

"Le Liban est au bord du gouffre", a réagi ce mardi le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres. "Le peuple libanais, le peuple israélien et les peuples du monde ne peuvent se permettre que le Liban devienne un autre Gaza. Nous devrions tous être alarmés par cette escalade", a-t-il insisté. "La France appelle à la désescalade et à éviter un embrasement régional qui serait dévastateur pour tous, à commencer par les populations civiles", a déclaré quant à lui Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, demandant une réunion d'urgence au Conseil de sécurité des Nations Unies.

L'éternel retour de la guerre

Au Liban, environ 40% de la population est chrétienne, selon les chiffres de l'Œuvre d'Orient. La dégradation de la situation sécuritaire n'est pas sans inquiéter les chrétiens de Beyrouth. "La situation est grave, et nous craignons qu'elle ne touche bientôt nos paroisses. Les écoles ont été fermées jusqu'à nouvel ordre, les hôpitaux ont dépassé leurs capacités", témoigne auprès d'Aleteia Rita El-Sokhon, secrétaire de la paroisse maronite Saint-Pierre-et-Saint-Paul, à Beyrouth. "Nous redoutons un manque de médicaments et de nourriture. Des milliers de réfugiés arrivent à Beyrouth sans abri. Nous devons les aider, car ce sont des innocents qui ont quitté leurs villages et qui n'ont rien à voir avec ces luttes."

Il n’est jamais trop tard. La guerre ne génère que la guerre.

"Israël a annoncé bombarder des cibles du Hezbollah, mais c’est le peuple libanais tout entier qui paie le prix de ces bombardements, les civils", se désole Mgr Khairallah. Son diocèse de Batroun demeure pour le moment épargné par les raids israéliens, mais le pasteur maronite ne se fait pas d'illusion : si aucun accord de cessez-le-feu n'est conclu entre les belligérants, "la situation peut dégénérer à tout moment". "Nous voulons qu’Israël cesse de bombarder le Liban, et que le Hezbollah cesse ses tirs [de roquette, ndlr] sur Israël. Nous refusons toute cette violence, de tous les côtés", martèle encore Mgr Khairallah qui appelle la France et les grandes puissances "à faire pression pour qu'un accord soit trouvé entre les parties". La perspective d'une nouvelle guerre avec Israël fait encore reculer les espoirs de voir le pays du cèdre se redresser d'une crise profonde et multidimensionnelle, laissant la population exsangue. Dans ce pays frontalier d'Israël et de la Syrie, plus de 80% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, affaiblie par l'inflation, la baisse drastique du pouvoir d'achat et un taux de chômage avoisinant les 60% chez les jeunes. En attendant de parvenir à briser ce cercle infernal, la prière demeure un rempart contre ce déchaînement de violence, affirme Mgr Khairallah. "Il n’est jamais trop tard. La guerre ne génère que la guerre. Essayons d’être des artisans de paix", achève le prélat. "Il est temps de donner le droit aux Palestiniens d’avoir leur terre et leur pays, aux Israéliens de vivre en paix dans leur pays, de laisser le Liban se relever. Il est temps de mettre fin à tout ça."

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