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André Kim Taegon, le contrebandier de Dieu

mass in St. Peter's Basilica on the occasion of the unveiling of the statue of St. Andrew Kim Tae-gon, the first Korean-born Catholic priest
Anne Bernet - publié le 19/09/24
Accusé d’être un traître et un espion, le prêtre coréen André Kim Taegon était un as de la contrebande, mais fut bien condamné pour ne pas renier le Christ. Il est fêté par l’Église le 20 septembre, avec ses compagnons martyrs.

Canonisé en 1984 à Séoul en même temps que son père et de nombreux autres martyrs morts pour gagner la Corée au Christ, André Kim Taegon, premier prêtre catholique du pays, est vénéré par ses compatriotes comme l’une des grandes figures du pays. Il est honoré dans un vaste sanctuaire élevé sur cette sinistre « Colline des têtes coupées » où il périt le 16 septembre 1846. Mais il n’en a pas toujours été ainsi : lors de sa mort, ce jeune homme de 25 ans a été tenu purement et simplement pour un traître et un espion. Telle a même été la raison de sa condamnation.

Un phénomène unique d’auto-évangélisation

L’histoire de l’entrée de la Corée dans l’Église est l’une des plus étonnantes qui soient car elle a été l’œuvre, vers 1780, de laïcs coréens, diplomates en mission en Chine, qui, ayant découvert le Christ lors de ce séjour, décident de faire partager leur émotion et la joie de cette rencontre à leurs compatriotes. Il coulera de nombreuses années avant que Rome ait connaissance de ce phénomène unique d’auto-évangélisation et prenne, inquiète d’éventuelles dérives de la part de ces gens dévoués mais superficiellement instruits dans la foi, la décision de leur envoyer des prêtres. Il sera d’ailleurs si difficile et dangereux d’acheminer des missionnaires vers le pays du Matin calme que presque un demi-siècle passe avant qu’ils n’arrivent.

Pendant tout ce temps, l’évangélisation se poursuit dans l’ombre et la clandestinité, à partir de petits cercles de lettrés issus pour la plupart de l’aristocratie. Tel est le cas d’Ignace Kim et de son épouse, parents de celui qui recevra, à son baptême tardif, à 15 ans, le prénom d’André, né en 1821 à Dangjin. 

mass in St. Peter's Basilica on the occasion of the unveiling of the statue of St. Andrew Kim Tae-gon, the first Korean-born Catholic priest
Inauguration d'un statue de saint André Kim, premier prêtre de Corée et martyr, le 16 septembre 2023 dans une niche de la paroi extérieure de la basilique Saint-Pierre.

Le contrebandier de Dieu

En 1839, le père d’André est arrêté et exécuté comme chrétien, ce qui, dans l’esprit des princes de la dynastie Joseon, équivaut à un passage à l’ennemi. Se convertir, en Corée comme en Chine ou au Vietnam, est perçu comme une trahison de la civilisation et des usages ancestraux. En soi, c’est déjà grave, mais en plus, les chrétiens sont suspectés d’appartenir à une « cinquième colonne » qui prépare l’invasion du pays par les armées occidentales dont missionnaires et catholiques locaux sont l’avant-garde. Terrible cercle vicieux, car si les missionnaires catholiques partis risquer leur vie au bout du monde pour le salut des païens n’ont, ce qui n’est pas toujours le cas de leurs homologues protestants, aucune arrière-pensée politique, la nouvelle de leur arrestation, de leur martyre, provoquent en Europe une telle vague d’indignation que ces violences conduiront en effet à l’intervention des flottes occidentales, officiellement pour protéger prêtres étrangers et chrétientés autochtones. Cela, bien sûr, donnera raison aux plus hostiles…

Reste que, comme toujours, ces persécutions entraînent l’effet contraire à celui espéré, « le sang des martyrs étant semence de chrétiens ». Loin d’effrayer le jeune André, la mort de son père éveille sa vocation sacerdotale. Il quitte la Corée pour aller se préparer au sacerdoce à Macao où se trouve le seul séminaire d’Extrême-Orient. En 1845, il est ordonné près de Shanghai en Chine par un évêque français des Missions étrangères de Paris, Mgr Ferréol, qui voit très vite les opportunités qu’offre ce premier prêtre coréen. Il parle la langue, connaît les usages, se fond dans la population, peut circuler librement, toutes choses quasi impossibles aux missionnaires obligés de rester cachés des mois en des refuges impossibles. Pareillement, André connaît toutes les routes qui conduisent de Chine en Corée et servent traditionnellement à faire entrer dans le pays des marchandises exemptées de frais de douanes. Cette activité, qui occupera l’essentiel de son temps, permettra de faire entrer en Corée plusieurs missionnaires et vaudra au jeune homme le surnom de « contrebandier de Dieu ». 

Arrêté en flagrant délit

Les routes maritimes seraient cependant plus commodes, aussi Mgr Ferréol demande à l’abbé Kim Taegon de se livrer à des relevés détaillés sur les côtes de la péninsule coréenne et dans les ports. Bien que ces travaux soient sans doute destinés aux seuls missionnaires, ils ressemblent, il faut l’admettre, à des activités d’espionnage d’autant plus qu’ils sont remis à des officiers de la marine française… C’est en tentant de s’aboucher avec le capitaine d’un navire chinois en vue d’entrées clandestines de missionnaires, qu’André, surveillé par la police, est arrêté à bord, en flagrant délit, fin juillet 1846.

Sa haute naissance, son éducation pourraient le sauver, à condition de renier le Christ. Détenu plus de deux mois en prison, torturé, le jeune prêtre demeure fidèle. Le magistrat instructeur le fait alors transférer à Séoul sous l’inculpation de haute trahison et d’espionnage au service d’une puissance ennemie, chef d’accusation qui lui vaudrait partout la peine de mort. André Kim Taegon n’y échappera pas. Il est décapité le 16 septembre 1846. L’Église le commémore deux fois, à la date de son martyre, et le 20 septembre, en même temps que les autres chrétiens suppliciés en ce début d’automne.

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