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Beaucoup seront partis un peu fâchés par une parade olympique un peu trop genrée. Ils rentreront, souhaitons-le leur, un peu reposés et apaisés en ayant même entrevu quelques images de l’exultation de la Concorde. Devant moi, à l’heure où j’écris ces lignes, deux enfants, deux frères, viennent de prendre place avec leur maman dans le TGV qui nous vole au soleil et nous ramène vers le gai quotidien.
Aimés pareil
Ils ont peut-être 7 et 9 ans, quelque chose comme cela. Il est l’heure du déjeuner. Ils regardent celle qui prend soin d’eux depuis leurs sièges. Elle, déballe d’une de ses grandes valises des sandwichs et des boissons, des gâteaux et des yaourts. Ils en sautent de joie, à genoux, ils regardent vers l’arrière : leurs visages surgissent du dessus des dossiers, si bien qu’ils me font face. Ils sourient. De sourires parfaits, simples, joyeux, ils sont bien. Et ils nous rendent tous bien. Les sourires se communiquent, ils sont contagieux. Ils émeuvent aussi devant cette gratuité de la vie qui s’émerveille d’être.
L’un des deux n’est pas trisomique, l’autre si. Le même sourire, la même joie, le même appétit. Parabole vivante de ce que les Jeux nous rappellent tous les quatre ans. Ils sont habillés pareil, aimés pareil, nourris pareil. Parce qu’ils sont ensemble, on ne remarque même pas d’abord la différence. Elle émerge alors qu’ils vous tournent la tête pour apprécier la nourriture déposée devant eux.
Entrer dans ce sourire
Et l’on se dit, heureux, que cette fratrie pourrait bien être l’image de cette fraternité à laquelle ce temps nous appelle si puissamment. Les défis sont immenses, et d’abord celui de retrouver ensemble l’usage d’une parole qui ne cherche pas d’abord à justifier ou à blesser, mais à permettre à autrui d’entrer dans ce sourire auquel ces enfants nous convient. Chercher ensemble, baptisés, ce que le monde attend de nous et discerner, dans l’Esprit de puissance et de paix, comment y déposer la lumière qui nous vient d’ailleurs, dont nous ne sommes pas maîtres, sinon, un peu, de son intensité en refusant de la cantonner sous le boisseau.
Le repos estival n’est-il pas là pour nous rendre au temps véritable, celui de la contemplation de ce souffle vital qui fait frémir tout être ?
Bien sûr qu’il peut nous arriver de nous sentir seuls au point d’accuser la terre entière d’être contre nous. Bien sûr que la colère comme tout autre sentiment peut menacer d’envahir nos impatiences et nos peurs. Mais est-ce suffisant pour nous y abandonner au risque de donner l’impression que nous nous dressons en mollahs et en juges, prétendant que nous serions dépositaires du jugement de ce Dieu dont nous donnons le visage redoutable pour autrui sans forcément toujours y croire pour nous-mêmes ?
Ce souffle vital
Il y aura bien des occasions de s’énerver dans les semaines et les mois à venir, de râler, de trouver que rien ne va. Et je ne suis pas certain de faire exception à la règle qui veut que, souvent, ces pulsions ne prennent le dessus. Mais le repos estival, pour ceux qui ont eu le privilège d’y goûter même un petit peu, n’est-il pas là précisément pour nous rendre au temps véritable, celui de la contemplation de ce souffle vital qui fait frémir tout être ? Afin, alors, de nous rendre plus forts, plus résistants, car plus confiants : ce n’est pas nous qui sommes à l’origine de ce doux bruissement qui fait vibrer le monde. Nous n’en sommes que les témoins. Mieux même : nous en sommes les témoins !Les deux frères ont fini leurs agapes, l’un colorie avec attention un paysage magnifique, tandis que son frangin, la tête posée sur son épaule, semble dormir, ses longues mèches bouclées abandonnées. Ils sont beaux. Ils sont vivants. Et c’est bien de cela que nous sommes appelés à être le signe, portés par le rythme des fauteuils roulants en fête place de la Concorde, comme par celui sans doute plus complexe à accueillir pour certains, des drag queens qui voudraient bien aussi trouver une place à la table du festin.