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Culture et christianisme, une lecture de vacances

LEKTURA KSIĄŻKI
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Henri Quantin - publié le 31/07/24
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Comment élargir et illuminer son esprit pendant les vacances avec un livre ? Notre chroniqueur Henri Quantin propose de tenir compagnie aux artistes, écrivains et savants dont la recherche de la beauté est un chemin d’ouverture à l’Absolu.

Que lire pendant les vacances ? Question récurrente qui laisse planer un doute sur l’image de la lecture qu’elle dessine. Suggère-t-elle un retour à l’essentiel, lorsqu’il est enfin possible de s’éloigner un peu de l’agitation du monde ? Révèle-t-elle plutôt que beaucoup vivent la majeure partie de l’année sans ouvrir un livre ? D’un côté, la lecture se vit dans l’esprit de l’otium latin, compagnonnage méditatif avec de grands esprits, dont l’activité professionnelle n’est conçue que comme l’interruption ou la privation provisoire (neg/otium, qui a donné négoce) ; de l’autre, lire est une distraction sans enjeu, en attendant le retour aux choses sérieuses. S’il est présomptueux de prétendre se passer de la détente bienfaisante qu’apportent certains livres — ainsi saint François de Sales défendait-il le spectacle théâtral —, il est dangereux d’oublier de nourrir son esprit d’œuvres qui peuvent l’élargir et l’illuminer.

Une discipline oubliée : la culture religieuse

C’est pourquoi nous n’hésiterons pas à recommander vivement un manuel scolaire comme lecture du mois d’août : Culture et Christianisme, quatrième volume d’une série qui contient déjà des titres à mettre dans toutes les mains reliées à un esprit (Questions de foi, questions de vie, Les Grandes Religions et Raisons de croire. La foi chrétienne en débat). Manuel scolaire particulier, on le voit, puisqu’il concerne une discipline ignorée par l’Éducation nationale : la culture religieuse. Dans l’absolu, certes, en faire un enseignement à part n’a pas de raison d’être, tant les liens du christianisme et de la culture devraient être omniprésents, au minimum, en littérature, en histoire, en philosophie et dans les enseignements artistiques. En pratique, toutefois, le tout-le-monde-est-censé-en-parler aboutit surtout à ce que personne n’en parle, si ce n’est pour conforter dans leurs clichés anticléricaux les futurs citoyens. Aussi, dans le domaine religieux, l’élève sortira-t-il de l’école docile jusqu’à la servilité ou conformiste sous le masque de la rébellion, ce qui revient au même pour la tranquillité dans l’inculture. Quel cours "d’arts plastiques" a donné à voir, ne serait-ce que cinq minutes dans une scolarité, une fresque de Fra Angelico ou un tableau de Rembrandt ? Quel cours de lettres a fait résonner la fureur pleine de grâce de Bernanos ? Quel cours de culture scientifique, d’histoire ou de philosophie a présenté sans caricature les enjeux de "l’affaire" Galilée ?

Face à Dieu : position commune à celui qui Le contemple, à celui qui Le supplie de répondre à son appel et à celui qui L’affronte en vérité.

Culture et Christianisme. Le sous-titre ajouté à ce nouveau volume en dit bien l’objet : "Artistes, écrivains et savants face à Dieu." Face à Dieu ! Ni au service direct de l’évangélisation, comme le voudraient les apprentis artistes qui ignorent les méandres et les exigences spécifiques de la création, ni malgré Dieu, comme veulent le faire croire les révolutionnaires amnésiques. Face à Dieu : position commune à celui qui Le contemple, à celui qui Le supplie de répondre à son appel et à celui qui L’affronte en vérité, y compris pour nier son existence.

Artistes face à Dieu

La conviction des auteurs de cet ouvrage collectif, dédié à la mémoire de Xavier Lacroix, coordinateur de la première édition en 1985, est claire : "Dans les œuvres les plus hautes du génie humain, la littérature, les arts, la science... affleure une aspiration qui dépasse l’homme lui-même [...] ; la beauté dont l’art porte la nostalgie est un chemin d’ouverture à l’Absolu." Comme professeurs, ils se retrouvent dans une évidence oubliée : un élève est fait pour être élevé... Une école dont on sort avec une vision de l’homme, du monde et de Dieu plus étriquée qu’à l’entrée ne mérite ni des dépenses pharaoniques, ni des fleurs de rhétorique républicaine enflammées. Ce n’est d’ailleurs plus une école, mais un lieu d’endoctrinement sectaire. De là, au passage, les limites des appels à la restauration de l’autorité, présentée comme une fin en soi : caserne ou Club Mickey, une école qui tue tout questionnement est une violence faite aux jeunes esprits. Que les élèves écoutent en silence ou qu’ils hurlent debout sur la table ne change pas grand-chose (sauf, ce qui n’est certes pas rien, pour la vie du professeur).

Qu’il s’agisse de présenter les poètes maudits ou Marc Chagall, l’art roman ou Charles Péguy, Jean Racine ou Galilée, Jean-Jacques Rousseau ou Darwin, chaque chapitre commence par une synthèse claire et dense, avant de proposer une série de textes ou d’œuvres à méditer, incluant quelques questions simples et pédagogiques. En cela, cette lecture d’été en contient en germe beaucoup d’autres, tant son nombreux les livres qu’elle donne envie de lire in extenso.

Un peuple libre

Les chefs d’établissement seront bien inspirés de regarder ce manuel de près, plus encore à l’heure où des ministres tendent à interdire toute connaissance du christianisme, dans une confusion sidérante entre culture religieuse et catéchisme. Au-delà des écoles, tous ceux que le sens de l’existence ne laisse pas indifférent y trouveront une ample matière à approfondissement et émerveillement, à côté de laquelle quelques réserves de détail sont sans importance. "Si la culture est l’ensemble des formes et des discours que l’homme suscite en contemplant sa propre énigme, qui ne voit qu’il n’y a de culture que lorsqu’est en jeu la question du sens de notre destinée ?", demande en introduction Xavier Dufour, infatigable apôtre d’un enseignement qui évite les pièges conjoints de la culture sans Dieu et de Dieu sans la culture, ces deux desséchements mimétiques. On ne peut que souhaiter que son appel à un sursaut vital soit entendu.

L’éditeur de cette édition remaniée et dotée d’une très belle iconographie s’appelle Peuple libre ! Le nom est vraiment bien choisi pour rappeler que, sans une culture pétrie du christianisme et sans un christianisme ouvert aux questions toujours nouvelles que lui pose la culture, la liberté devient un slogan vide. Sans esprits libres, c’est-à-dire avant tout libérés des clichés de leur paresse intellectuelle, des êtres humains se condamnent à n’être qu’une foule ou qu’une meute, sans parvenir à former un peuple.  

Pratique

Culture et Christianisme, Xavier Dufour (dir.), éditions Peuple libre, 2024, 256 pages, 25 euros.
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