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"Les adolescents se fatiguent et se lassent", observe le prophète Isaïe, "les jeunes hommes chancellent, mais ceux qui mettent leur confiance en Dieu voient leur force se renouveler : ils prennent l’envol comme les aigles, ils courent sans se lasser, ils marchent sans se fatiguer" (Is 40, 30-31). Ces versets, lus dans le cadre d’un culte méthodiste par le héros du film Les Chariots de feu, l’Écossais Éric Liddell (1902-1945), résument son attitude : faire confiance à Dieu et courir avec vigueur pour le Seigneur. C’est de son histoire exemplaire et de celle de son rival Harold Abrahams (1899-1978), fils d’un juif lituanien pour lequel le sport marque sa vraie intégration à l’Angleterre, que s’est emparé en 1981 le réalisateur britannique Hugh Hudson.
La course de la vie chrétienne
Son projet : concevoir une large fresque à dimension épique consacrée à la petite équipe de coureurs que le Royaume-Uni a envoyé aux Jeux olympiques d’été de Paris en 1924. Il y a juste cent ans, donc. Il s’agit d’une histoire vraie, racontée comme telle, mais que le cinéaste a traitée comme un véritable drame plus que comme un documentaire, avec en outre de très belles images.
On y voit se former un groupe d’amis étudiants à Cambridge et sportifs amateurs de haut niveau, parmi lesquels le juif Abrahams tranche par l’intensité de sa volonté d’accéder à l’exploit. Faisant pendant à ce milieu universitaire policé, le film montre en alternance les activités religieuses, éducatives et sportives d’Eric Liddell, dans les collines proches d’Edimbourg. Futur missionnaire en Chine, le héros écossais ressent une tension provoquée par son fort potentiel sportif, qui l’incite à suspendre son départ en mission pour s’entraîner à la course — où il excelle —, en vue des jeux olympiques. Il comprend ses capacités physiques comme de véritables dons de Dieu, disant : "Il m’a fait pour cela, et quand je cours, je sens son plaisir." Plus largement, sur le modèle de Paul qui écrivait aux Philippiens : "Oubliant ce qui est en arrière et tendu vers l’avant, je cours en fonction du but, vers le prix de l’appel d’en-haut par Dieu en Jésus-Christ" (Ph. 3, 13-14), Liddell voit l’effort de la course comme l’image de toute la vie chrétienne, tendue vers la rencontre avec le Christ. Il répète dans le film : "D’où vient la force de courir jusqu’au bout ? De l’intérieur."
Le jour du Seigneur
Peu à peu, l’action s’achemine vers le moment où les étudiants de Cambridge et l’Écossais, tous sélectionnés pour l’équipe olympique d’athlétisme, embarquent sur le paquebot qui les conduit en France. Coup de tonnerre dans un ciel serein : en montant sur ce bateau, Liddell apprend, presque par hasard, que l’épreuve éliminatoire du 100 m, qu’il devait courir, est prévue le dimanche. C’est pour lui un grand choc car, même s’il se donne le temps de la réflexion, il sait déjà en lui-même que son choix est fait, et qu’il ne courra pas cette course au détriment du respect du jour du Seigneur. Quand il exprime sa décision, le Comité olympique, et jusqu’au prince de Galles, venu encourager la délégation, font pression sur Liddell, au nom du réalisme, du patriotisme, bref de tout ce qui apparaît plus tangible que ses principes religieux. Le drame se dénoue quand le jeune lord Andrew Lindsay, déjà qualifié pour le 400 m, propose au Comité de laisser sa place dans cette course à Eric Liddell.
Le film montre alors les épreuves où sont engagés les jeunes gens : le 100 m, objet de tous ses espoirs, gagné par Harold Abrahams, la course de haie où se distingue le jeune Lindsay, et surtout l’épreuve du 400 m, gagnée par Eric Liddell, qui établit en même temps un nouveau record du monde. Avant la course, l’un de ses concurrents américains lui fait passer un message portant un passage d’1 Samuel 2, 30 : "J’honorerai celui qui m’honore, dit le Seigneur." Ce verset, dont on dit que Liddell l’a brandi lors de son tour d’honneur après la victoire, résume la principale leçon du film, dont le titre se réfère à l’élévation d’Élie auprès de Dieu, alors que son disciple Élisée reste ici-bas : "Comme ils continuaient à marcher en parlant, voici, un char de feu et des chevaux de feu les séparèrent l’un de l’autre, et Elie monta au ciel dans un tourbillon" (2 Rois 2, 11). Cet épisode était compris dans l’Église primitive comme attestant le prix, aux yeux de Dieu, du corps humain — puisque le prophète Élie est élevé au ciel avec son corps —, et peut-être le scénariste (Colin Welland) et le réalisateur partageaient-ils cette vision.
La victoire tant désirée
À côté de l’engagement entier, mais sans dureté aucune, de Liddell (on l’entend dans le film dire à propos d’un jeune garçon : "Tu ne voudrais pas qu’il conçoive Dieu comme un rabat-joie ?"), et à côté de l’amitié sans faille qui lie ces jeunes gens, l’aventure d’Abrahams le solitaire, quoique plus tourmentée, est finalement aussi positive : grâce au soutien de la jeune femme qui l’aime et au dévouement de son entraîneur qui le considère comme un fils, il parvient à la victoire qu’il avait désirée, et qui lui apporte équilibre et confiance en lui : sportif de haut niveau, il deviendra avocat et président de la Fédération d’athlétisme britannique. Quant à Eric Liddell, il part missionnaire en Chine dès 1925, où il sera ordonné pasteur. Il y meurt durant la guerre sino-japonaise, interné en tant qu’étranger dans un camp en 1943. Il est l’auteur d’un ouvrage spirituel de méditations bibliques : La Vie chrétienne : être disciple ("The Disciplines of the Christian Life"), qui n’a été édité qu’en 1985. L’une de ses biographies porte le beau titre, tiré de la première lettre de Pierre (1P 1, 7, à propos de la foi), Plus précieux que l’or ("Something Greater than Gold"), par G. et J. Benge (trad. fr. 2016).
Il est heureux que les Jeux olympiques d’été de Paris 2024 permettent de rappeler le souvenir de ce groupe d’amis, et ravive la mémoire de l’homme de Dieu que fut Eric Liddell.