Attendu depuis si longtemps, la XXXIIIe Olympiade débute donc aujourd’hui près de sept ans après la désignation de Paris comme ville-hôte, cent ans après les Jeux de 1924 dans la capitale. C’est d’abord l’émotion qui domine en cette journée, car la lumière olympique va descendre sur notre pays et singulièrement Paris, qui sera réellement le centre du monde pour quelques heures. Après la Coupe du monde de football de 1998, la planète a donc rendez-vous le long de la Seine, et se nourrira d’impressions nouvelles et éternelles comme celles des peintres français qui ont senti tant de choses en ces abords. On imagine une suite idyllique de tableaux animés par Pissaro, Dufy ou Renoir sans oublier Monet et son magnifique "Quai du Louvre". Ce vendredi 25 juillet au soir, les couleurs s’entremêleront dans les ombres portées du soleil couchant, et la longue clameur enchanteresse de la foule donnera une chaleur inconnue à cette nuit d’été.
Un long travail collectif
Dans le brouhaha de l’immédiateté, on aura oublié ce qu’il aura fallu de sacrifices à l’équipe d’organisation, d’imagination dans le dossier de candidature, de sens du service des forces de l’ordre, et en regardant plus en arrière, tant d’espoirs anéantis depuis 40 ans dans de vaines perspectives, jusqu’à l’humiliation de 2005 ou la victoire fut soufflée aux Français à 2 voix près par les éternels rivaux britanniques. Les puissants du moment se concentreront sur la satisfaction naturelle et immédiate de leur ego, en oubliant peut-être les investissements sur le sujet des présidents Nicolas Sarkozy, puis François Hollande, de la proximité avec la France des présidents du Comité international olympique, le regretté Jacques Rogge et son successeur l’Allemand Thomas Bach, et du travail formidable de Jacques Lapasset, lui aussi trop tôt disparu. Ce genre d’odyssée est un passage de main en main, de cerveau en cerveau sur plus d’une décennie, et nous serons comme des enfants reconnaissants devant le cadeau de Noël qui nous est fait un 26 juillet au pied de la grande Dame d’acier, avec le regard si beau de naïveté du Douanier Rousseau.
Pensons plutôt à l’émerveillement des athlètes qui verront défiler sous leurs yeux les merveilles de Paris dans de baroques bateaux.
Nous, publics, seront repus d’images, de commentaires, de leçons de morale peut-être sur la grandeur de la France, tombant dans le travers à devenir si promptement maître d’école en droits de l’homme ou détenteur d’une supériorité intellectuelle, quand les "Lumières" viennent plutôt nous éclairer du monde entier. Pensons plutôt à l’émerveillement des athlètes qui verront défiler sous leurs yeux les merveilles de Paris dans de baroques bateaux, tandis que des énormes mouches des temps modernes appelées drones capteront sourires, larmes, accolades, et même baisers ? Quoi de plus romantique que de passer sous le pont des Arts, où de regarder la Tour Eiffel scintiller comme toutes les nuits, à moins qu’elle ne s’embrase littéralement quand la vasque olympique sera allumée ?
Sous la protection de sainte Geneviève
Il est certain que la Concorde portera pleinement son nom, que les Invalides rappelleront que les handicapés auront toute leur place dans la fête, que le Grand Palais sera d’allure princière, que la pensionnaire légendaire du Louvre sourira doucement devant ce défilé, et que le plus grand chef du monde, notre cher Guy Savoy, savourera ces instants à la fenêtre de son divin restaurant. N’oublions pas Notre-Dame de Paris encore parée hélas de nombreuses grues, mais dont la flèche pointera haut dans le ciel, comme ressuscitée. On fermera les yeux peut-être pour entendre dans son cœur la voix du général de Gaulle au balcon de l’Hôtel de Ville, alors que les quatre-vingts ans de la libération de Paris seront fêtés dans moins d’un mois.
Alors voguons sur le fleuve de nos sentiments, sans risque de couler, et prions la patronne de Paris, sainte Geneviève — elle qui a sauvé notre cité — pour ces Jeux se passent sans accroc et dans un bonheur collectif mérité !