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Gaza : une commission catholique disqualifie “une guerre juste”, Israël s’agace

Damaged Gaza strip building

Bande de Gaza, janvier 2024.

Cécile Séveirac - publié le 02/07/24
La doctrine de la "guerre juste" ne peut s’appliquer au conflit qui sévit dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023, selon la commission Justice et Paix de Terre sainte. "Nous devons être vigilants à l'égard de ceux qui manipulent ce concept pour l'adapter à leurs besoins", dénonce-t-elle dans un message diffusé le 30 juin. L'ambassade d'Israël a réagi mardi 2 juillet, fustigeant l'attitude de "certains chrétiens" qui s'opposeraient "au droit d’Israël de se défendre contre ses ennemis".

La guerre en cours dans la bande de Gaza est-elle une "guerre juste" ? Ce concept théorisé par les grands docteurs de l'Église, saint Augustin et saint Thomas d'Aquin, est régulièrement invoqué pour expliquer la guerre qui ravage actuellement la bande de Gaza depuis les massacres commis par le Hamas dans les kibboutz, le 7 octobre 2023. À tort, selon la commission "Justice et Paix en Terre sainte". Fondée en 1971, cette commission de l'Église catholique rattachée à la Custodie franciscaine se donne pour mission d'analyser la situation politique en Palestine et de garantir l'avenir de la présence chrétienne en Terre sainte. Dans un message diffusé le 30 juin, elle réfute la compatibilité de cette doctrine avec l'offensive menée par Israël dans l'enclave palestinienne afin de venir à bout du Hamas.

"En tant que catholiques de Terre sainte, qui partagent la vision du pape François pour un monde pacifique, nous sommes indignés que des acteurs politiques en Israël et à l'étranger utilisent la théorie de la "guerre juste" pour perpétuer et légitimer la guerre en cours à Gaza", s'indigne ainsi la Commission qui appelle à "faire preuve de vigilance à l’égard de ceux qui manipulent le concept de guerre juste pour l’adapter à leurs besoins". Tout en rappelant la présence minime mais historique des chrétiens en Terre sainte, la Commission Justice et Paix invite à ne pas utiliser la théologie catholique pour "justifier la violence" ni à détourner la signification des mots pour appuyer des opinions bellicistes.

Des critères non-satisfaits

Ainsi, les théologiens catholiques "du monde entier" ont eux-mêmes souligné, selon la Commission, que "ni les attaques du Hamas le 7 octobre ni la guerre dévastatrice menée par Israël en réponse ne satisfont aux critères d’une 'guerre juste' selon la doctrine catholique." Celle-ci part du postulat que la guerre demeure fondamentalement un grand mal, mais qu'elle est parfois inévitable, voire nécessaire, et doit donc être encadrée. Ses critères, que l'on retrouve encore dans le Catéchisme de l'Église catholique (CEC §2309) ont d'abord été énumérés par les penseurs antiques, notamment Cicéron, puis par saint Augustin et enfin saint Thomas d'Aquin, au XIIIe siècle. Selon ce dernier, pour qu’une guerre soit juste, elle doit répondre à trois conditions cumulatives : être déclarée par une autorité publique compétente, suivre une cause juste, c'est-à-dire être réactive ou défensive après une faute ou agression commise par l'ennemi; enfin, l’intention de celui qui la mène doit être droite. C'est notamment sur ce dernier critère que l'idée d'une guerre juste menée par Israël est remise en question.

Saint Thomas d'Aquin alerte en effet sur le risque du désir de vengeance inhérent à la volonté de réparer l'agression subie : "Le désir de nuire, la cruauté dans la vengeance, la violence et l'inflexibilité de l'esprit, la sauvagerie dans le combat, la passion de dominer et autres choses semblables, voilà qui est jugé coupable par le droit." Si les moyens utilisés par le belligérant pour parvenir à ses fins sont disproportionnés, la condition de "l'intention recta" ne sera donc pas remplie, ce que dénonce ici la Commission Justice et Paix : "Certains prétendent que la guerre suit les règles de la "proportionnalité", affirmant qu'une guerre qui se poursuivrait jusqu'à la fin pourrait sauver la vie d'Israéliens dans le futur (...)", dénonce-t-elle ainsi. "De cette manière, la sécurité de personnes hypothétiques dans le futur est privilégiée par rapport à la vie d'êtres humains vivants et respirants qui sont tués chaque jour."

Réaction de l'ambassade d'Israël

Et de rappeler la position du pape François : s'il a bien "évoqué le droit israélien à l'autodéfense à la suite de l'attaque du Hamas", le Pape n'a eu de cesse d'appeler au cessez-le-feu et à la libération des otages israéliens et palestiniens. Dans son encyclique de 2020 intitulée Fratelli tutti, François prenait par ailleurs une forme de distance avec le concept de "guerre juste", selon lui de moins en moins applicable aux guerres du XXIe siècle. Compte tenu du développement d’armements de plus en plus sophistiqués, "la guerre a acquis un pouvoir destructif incontrôlé qui affecte beaucoup de victimes civiles innocentes", se désolait ainsi le Pape tout en affirmant qu'il est "très difficile aujourd’hui de défendre les critères rationnels, mûris en d’autres temps, pour parler d’une possible ‘guerre juste’."

La publication de ce document par la Commission Justice et Paix de Terre sainte a fait réagir l’ambassade d’Israël près le Saint-Siège. Ce mardi 2 juillet, cette dernière a accusé "certains chrétiens" de s’opposer "au droit d’Israël de se défendre contre ses ennemis" . Affirmant que l'armée israélienne ne mène pas une "guerre de Gaza" mais réagit à une "guerre contre l’existence d’Israël", l'ambassade insiste sur les attaques provenant d’Iran, du Liban, de Syrie et du Yémen. Elle assure en outre que les objectifs d’Israël sont clairs, contrairement à ce que dénonce la Commission Justice et Paix : "mettre fin à la domination du Hamas dans la bande de Gaza et garantir que les atrocités comme celles commises le 7 octobre ne se répètent pas", et affirme enfin qu'Israël fait son mieux pour effectuer une distinction entre civils et militaires au contraire du Hamas.

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